Profiter de l'été pour attraper un Covid "affaibli" ? Une erreur, selon des experts

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 23 juillet 2020 à 11:15
  • Mis à jour le 02 septembre 2020 à 19:27
  • Lecture : 6 min
  • Par : Marie GENRIES, AFP Belgique
Une publication très relayée depuis une semaine sur Facebook en Belgique et en France affirme qu’il vaut mieux profiter de l’été pour attraper un coronavirus "très affaibli" que d’appliquer des mesures comme le port du masque et la distanciation sociale, qui seraient "les meilleurs moyens d’obtenir une deuxième vague" de l’épidémie. Ces affirmations sont fausses : en l’état actuel des connaissances scientifiques, rien ne permet d’affirmer que le virus est "affaibli" en été, même si sa propagation peut être ralentie. A ce jour, le port du masque ainsi que la distanciation sociale restent les meilleurs moyens de lutter contre l’épidémie, expliquent des experts en maladies infectieuses à l’AFP. 

"MESSAGE D’UN PHARMACIEN, ""Le port du masque et la distanciation sont les meilleurs moyens d'obtenir une 2ème vague par manque d'immunité collective de la population"", annonce cette publication.

"L'été, sans que l'on sache vraiment pourquoi, le virus est très affaibli. En revanche, le système immunitaire des personnes est au maximum grâce aux activités dehors et au soleil. Être en contact les uns avec les autres est le moyen de se transmettre ce virus affaibli comme vaccin naturel, afin que chacun développe des anticorps avant l'automne." 

Une affirmation qui va à l’encontre des politiques sanitaires actuelles : depuis le 20 juillet 2020 en France et le 11 juillet en Belgique,  le port du masque est obligatoire dans tous la plupart des lieux publics clos. 

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Capture d'écran réalisée sur Facebook le 23 juillet 2020

Cette publication a été partagée plus de 2 000 fois en Belgique depuis le 15 juillet. Son auteur explique avoir repris le message d’un internaute français.  La publication a été également très partagée en France au Canada

La chaleur "n’affaiblit" pas le virus

"L'été, sans que l'on sache vraiment pourquoi, le virus est très affaibli", affirme cette publication. En réalité, la chaleur n’affaiblit pas le virus présent dans le corps humain."Dire que le virus s’atténue en été, c’est complètement faux", explique Nathan Clumeck, membre de l’Académie royale de médecine de Belgique et spécialiste des maladies infectieuses.

"Sur une surface plane exposée au soleil, le virus peut disparaître en quelques minutes. La chaleur annihile un virus qui se trouve à l'extérieur d’un corps. Mais cela n’a pas d’effet significatif : si vous êtes à dix centimètres de quelqu’un qui vous tousse dessus, le virus n’aura pas le temps d’être inactivé par la chaleur", expliue M. Clumeck.

Ce spécialiste des maladies infectieuses cite notamment l’exemple des Etats-Unis, touchés par une vague de chaleur mais où le nombre de cas positifs au coronavirus continue d’augmenter - la Californie a par exemple dépassé le 21 juillet les 400 000 cas positifs.

La théorie de la disparition du virus avec l’augmentation des températures avait déjà été évoquée par le président américain Donald Trump en février dernier. Mais, comme l’avait expliqué l’AFP dans un précédent article, si l’hiver est propice à la propagation de certains virus respiratoires, ceux-ci ne disparaissent pas pour autant pendant les périodes plus chaudes. L’exemple du MERS-Cov-2 (coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient), le prouve: découvert en 2012, il a été signalé depuis "dans 27 pays", avec environ "80% des cas humains" notifiés par l’Arabie saoudite, selon l’Organisation mondiale de la Santé. De manière plus générale, "certains virus sont sensibles aux variations climatiques", résume Stéphane de Wit, chef du service des maladies infectieuses au CHU Saint-Pierre à Bruxelles. "Mais le mode de vie joue aussi" dans leur transmission : "En hiver, nous sommes moins dehors et davantage dans des lieux clos, nous sommes plus proches les uns des autres."

En mai 2020, une enquête de l’Académie nationale de médecine française a confirmé "les observations selon lesquelles les climats chauds ont un effet réducteur sur la transmission" du virus et "l’hypothèse d’une influence saisonnière du climat" sur sa propagation, mais a appelé à "ne pas négliger le risque de résurgence épidémique de Covid-19, notamment en France métropolitaine, surtout si la circulation du SARS-CoV-2 persiste dans l’hémisphère Sud pendant l’été, en renforçant les capacités de surveillance, de prévention et de riposte dès le mois de septembre."  

Enfin, la rubrique "idées reçues" du site de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) rappelle que "S'exposer au soleil ou à des températures supérieures à 25 °C N'EMPÊCHE PAS de contracter la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19)".

S’agissant du coronavirus lui-même, une étude publiée début juillet dans la revue Cell a établi que la variante du virus dominante dans le monde aujourd'hui infecte plus facilement les cellules que celle apparue à l’origine en Chine, ce qui rendrait le coronavirus actuel probablement plus contagieux entre humains, bien que cela reste à confirmer.

Le système immunitaire n’est pas "au maximum" l’été "grâce aux activités dehors et au soleil" 

Si on peut se sentir plus en forme l’été grâce à la vitamine D, cela ne veut pas dire que notre système immunitaire est "à son maximum", explique Stéphane de Wit : "le système immunitaire est influencé positivement par un mode de vie sain : avoir une alimentation équilibrée, ne pas fumer, ne pas boire d’alcool, faire du sport, ne pas être en surpoids". Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le coronavirus en Belgique, rappelle également que le rôle du système immunitaire dans la protection contre le Covid-19 est ambivalent : "Paradoxalement, ce qui tue le plus les malades atteints du Covid-19, c’est l’hyperactivité du système immunitaire au bout de sept, huit jours de maladie. Les aggravations de la pathologie surviennent quand le système immunitaire est sur-sollicité : c’est comme si on allumait des allumettes dans une maison."

Craintes d’une deuxième vague

Professionnels de santé et autorités craignent une "deuxième vague" de l’épidémie, alors qu’en Belgique le nombre de contaminations recensées a augmenté de 89% en une semaine et qu’en France, la circulation du virus est en augmentation. Pour Nathan Clumeck, on pourra parler de deuxième vague lorsque les hospitalisations en soins intensifs et les décès seront en augmentation : "Ce qu’on voit actuellement, c’est une augmentation des cas positifs de coronavirus, mais pas forcément plus d’hospitalisations. On dépiste plus, ce qui explique en partie cette augmentation". Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le coronavirus, assure que le gouvernement belge est mieux préparé qu’en mars : "on n’avait pas de tests, pas assez de masques et pas assez de connaissances en sérologie. On ne savait pas encore que l’anosmie (perte de l’odorat, NDLR) était un symptôme du coronavirus. Aujourd’hui on a plus de moyens qui permettent de réduire la morbidité", affirme-t-il.  

Port du masque et distanciation sociale restent pour l’instant les meilleurs moyens de lutter contre l’épidémie

Loin d'encourager une deuxième vague hypothétique,"le masque et la distanciation sociale sont les meilleurs moyens d’éviter une explosion des cas de coronavirus", rappelle Nathan Clumeck. Comme expliqué dans plusieurs articles de l’AFP, comme ici et ici, le masque, cible de nombreuses fausses informations, permet de protéger les autres et de se protéger contre la projection de gouttelettes contaminées. Quand à la distanciation sociale, elle permet d’éviter l’inhalation de ces gouttelettes, rappelle l’OMS, ainsi que les contacts physiques avec des personnes contaminées.  

"Actuellement il n’y a d’immunité collective nulle part", explique Stéphane de Wit. "Il y a très peu de données et on n’a aucun recul. On observe un lien entre la sévérité de la maladie et la capacité de développement d’anticorps protecteurs qui permettent d’être immunisés, au moins provisoirement." Selon des chercheurs chinois, les patients atteints du coronavirus ayant développé des symptômes graves semblent être mieux immunisés que des patients asymptomatiques ou aux symptômes plus légers. En avril, l’Inserm mettait en garde contre le manque de connaissances sur l’immunisation des patients ayant attrapé le coronavirus et considérait "risqué" de faire le pari de l’immunité collective. 

Une étude du King’s College de Londres publiée en juillet suggère également que les anticorps développés par les malades du Covid-19 disparaîtraient en quelques mois. "Trois pays ont essayé de créer une immunité de groupe : l’Angleterre, les Pays-Bas et la Suède", rappelle Yves Van Laethem. "L’Angleterre et les Pays-Bas ont rétropédalé et en Suède, l’épidémie n’a toujours pas terminé sa première vague."

Edit du 12/08 : corrige le premier paragraphe et le premier intertitre

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