Non, l'état d'urgence sanitaire n'a pas été prolongé jusqu'à la fin de l'année 2021
- Cet article date de plus d'un an
- Publié le 17 février 2021 à 19:08
- Mis à jour le 27 avril 2021 à 17:43
- Lecture : 4 min
- Par : Nicolas BOVE, AFP France
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"ETAT D'URGENCE prolongé jusqu'au ......31/12/2021!!" peut-on lire sur le post Facebook d'un internaute sur un groupe comptant 300.000 membres; "l'état d'urgence sanitaire prolongé jusqu'au 31 DECEMBRE 2021. Voilà, voilà, voilà", égraine un autre dans un tweet partagé plus de 600 fois tandis qu'une troisième s'interroge sur Twitter : "ils sont sérieux avec l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 décembre???? jusqu'en mai 2022 aussi tant qu'on y est".
En réalité, l'état d'urgence sanitaire a été prolongé jusqu'au 1er juin 2021. Ici, "il faut distinguer le régime [de l'état d'urgence sanitaire. NDLR], de sa mise en oeuvre", précise le 17 février à l'AFP Marie-Laure Basilien-Gainche, professeure de droit public à l'université de Lyon 3.
Selon elle, c'est "la possibilité de recourir à ce régime" qui a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2021, au lieu du 1er avril.
Ces publications s'appuient sur la loi du 15 février prorogeant l'état d'urgence sanitaire dont elles reprennent le lien ou, pour certaines, citent l'article 1: "A la fin de l'article 7 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, la date : +1er avril 2021+ est remplacée par la date : +31 décembre 2021+". Cet article ne traite pas de l'application de l'état d'urgence sanitaire mais du cadre de son régime.
L'état d'urgence sanitaire est la base, notamment, du couvre-feu à 18h00, en vigueur depuis un mois sur le territoire. Ce régime boîte à outils permet aussi les mesures de restriction ou d'interdiction de déplacements, des rassemblements ou des ouvertures des établissements, sur tout ou partie du territoire, ainsi que des confinements partiels ou complets de la population.
La loi de création de l'état d'urgence sanitaire, promulguée le 23 mars 2020 crée dans le code civil de la santé le cadre nécessaire à son régime (articles L3131-12 et suivants) et dont l'applicabilité a été limitée au 1er avril 2021 afin que le dispositif et les mesures spécifiques qu'il permet de prendre demeurent exceptionnels. Or, "le gouvernement ne pouvait demander au Parlement d'autoriser la prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021 si n'était pas modifiée la date de caducité (...) qui a été repoussée au 31 décembre 2021".
De plus, si l'état d'urgence sanitaire entre en application pour un mois sur décret du Premier ministre, "la prorogation doit être réalisée par le Parlement à la faveur de l'adoption d'une loi", précise la professeure de droit.
Les Premiers ministres (Edouard Philippe puis Jean Castex) ont ainsi été en mesure à deux reprises de déclarer l'état d'urgence : une première fois en mars 2020 - prolongé en mai - et une seconde en octobre 2020 avant que le Parlement ne vote deux nouvelles prolongations en novembre et en février 2021.
Néanmoins, "le régime de l'état d'urgence sanitaire offre peu de garantie permettant d'empêcher le gouvernement d'en user et d'en abuser", selon la professeure Basilien-Gainche, qui estime qu’"on peut très bien envisager soit une troisième prorogation du deuxième état d'urgence sanitaire, soit la déclaration d'un troisième état d'urgence sanitaire".
Pourquoi un état d'urgence sanitaire?
La loi française prévoyait depuis 1955 un état d’urgence “utilisé essentiellement à des fins sécuritaires”, rappelle la professeure de droit, tandis que le code de santé publique confère “en cas de menace sanitaire grave”, la possibilité au ministre de la Santé de “prescrire (...) toute mesure proportionnée aux risques courus”. L’exécutif “a clairement voulu que ce soit le Premier ministre et non pas le ministre de la Santé qui ait autorité”, ajoute la professeure Basilien-Gainche.
En décembre 2020, un projet de loi présenté en Conseil des ministres visait à établir un cadre juridique durable face aux crises sanitaires et donnait notamment le pouvoir au Premier ministre de décréter plusieurs interdictions, de circulation, de fermeture d'établissement ou encore de rassemblements sur la voie publique. Mais face au tollé suscité dans la classe politique, le gouvernement avait fait marche arrière.