(AFP / Joël Saget) (AFP / Joel Saget)

Non, le vote par anticipation ne figurait pas au programme de Macron en 2017

Invitée mercredi 17 février de LCI, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa a affirmé que le vote par anticipation à la présidentielle, proposé à la surprise générale par le gouvernement et aussitôt rejeté par les oppositions, figurait au programme d'Emmanuel Macron en 2017. Le candidat En Marche proposait certes d'élargir le recours au vote électronique mais ne s'était pas prononcé publiquement sur le vote par anticipation, selon les documents consultés par l'AFP et les précisions de l'Elysée.

Introduit in extremis mardi 16 février au Sénat à la faveur d'un débat sur l'organisation technique du scrutin présidentiel, l'amendement gouvernemental a fait sensation : il prévoit, pour la première fois en France, d'instaurer un vote par anticipation à la prochaine présidentielle de 2022 dans certains bureaux, via une machine à voter, pendant la semaine précédant le scrutin.

Ses modalités restent encore à définir mais la proposition a fait bondir les oppositions de droite comme de gauche. LR, majoritaire au Sénat, a dénoncé des "manoeuvres politiciennes", le RN a accusé l'exécutif de "magouiller" et LFI a évoqué une "onde malfaisante (...) sur notre démocratie". L'amendement a été massivement rejeté mercredi par les sénateurs en commission.

Le tollé s'est propagé jusqu'à l'Association des maires de France (AMF)  qui a jugé l'initiative "inacceptable" et déploré une absence totale de concertation.

Face à ce tir de barrage, Marlène Schiappa a défendu, mercredi sur LCI, l'initiative de l'exécutif en assurant qu'elle répondait aux souhaits de nombreux parlementaires de moderniser les opérations de vote.

Mais elle a, de manière erronée, affirmé que la proposition d'un vote anticipé par machine électronique figurait dans le programme présidentiel d'Emmanuel Macron en 2017, au cours d'un échange tendu avec le journaliste de LCI Jean-Michel Aphatie.

- "Une machine à voter avant le jour du scrutin, c'est un amendement qui a surpris tout le monde (...). Vous n'en avez publiquement jamais parlé, pas présenté à l'Assemblée nationale dans le texte originel donc au Sénat d'un coup comme ça. C'est ne drôle de manière de travailler", lui lance le journaliste.

- "Alors plusieurs choses", répond Mme Schiappa. "D'abord on en a parlé puisque ça faisait partie du programme du président de la République en 2017, sur la question de la modernisation du vote".


- "Le vote par anticipation, je n'ai pas le souvenir...", dit le journaliste.

- "Ah bah si, moi j'ai le souvenir, j'ai participé à construire le programme du président de la République, je peux vous le dire, reprenons les documents, ça faisait partie d'un certain nombre d'engagements du président de la République", rétorque Mme Schiappa.

Relancée par Jean-Michel Aphatie qui lui demande si elle parle bien de "vote par procuration", la ministre ne dément pas et ajoute simplement qu'elle parle de "machines à voter".

Contactés par l'AFP, ses services renvoient à une promesse qui figure bel et bien dans le programme du candidat.

 "Nous avons besoin de numériser notre démocratie, en instituant un vote électronique qui élargira la participation, réduira les coûts des élections et modernisera l’image de la politique", est-il ainsi indiqué.

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Extrait du programme présidentiel d'Emmanuel Macron en 2017.

Mais, contrairement à ce qu'indique Mme Schiappa, on ne trouve aucune trace dans le programme présidentiel d'un vote par anticipation, ce que confirme à l'AFP une source à l'Elysée. L'AFP n'a pas non plus retrouvé de déclarations publiques sur ce thème de M. Macron depuis son élection. 

"C’était le vote électronique, pas par anticipation dans le programme du PR (président de la République NDLR)", a indiqué la source à l'Elysée.

Or le vote électronique n'est pas nécessairement synonyme de vote anticipé. Aux Etats-Unis, les électeurs de plusieurs Etats ont ainsi voté le jour du scrutin en utilisant des machines lors de la présidentielle de novembre.

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Machine à voter à Beverly Hills, en Californie, le 30 octobre 2020 (Robyn Beck / AFP) (AFP / Robyn Beck)

Dans une tribune publiée lundi dans Le Monde, 38 maires et députés appellent d'ailleurs le gouvernement à étendre le recours au vote électronique face aux risques posés par l'épidémie mais ne font à aucun moment mention d'un scrutin anticipé.

L’utilisation des machines à voter est une faculté ouverte en France aux communes de plus de 3.500 habitants, sous réserve de l’accord du préfet. Ce dispositif concernait 66 communes, 1.421 bureaux de vote et 1,39 million d’électeurs inscrits, selon un rapport d'information du Sénat publié en octobre 2018.

Depuis 2008, les préfets n’autorisent toutefois plus de nouvelles communes à s’équiper de machines à voter, un moratoire dénoncé par les signataires de la tribune dans Le Monde.

"La levée du moratoire reste une nécessité. Une nécessité pour les villes faisant déjà usage de cet outil. Mais aussi une nécessité pour celles qui souhaitent opter pour ce mode de scrutin", écrivent-ils.

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