Ursula von der Leyen assiste à une réunion du Collège des commissaires de l'Union européenne à Bruxelles, le 8 décembre 2021. ( POOL / Olivier Matthys)

Ursula von der Leyen n'a pas appelé à supprimer le code de Nuremberg pour rendre la vaccination obligatoire

Selon des publications partagées sur les réseaux sociaux depuis début décembre, Ursula von der Leyen a appelé à supprimer le code de Nuremberg dans le but de rendre la vaccination obligatoire, une déclaration censée avoir été faite "à la presse mercredi". Si la présidente de la Commission européenne s'est bien exprimée sur la vaccination obligatoire lors d'une conférence de presse le mercredi 1er décembre, elle n'a en revanche à aucun moment évoqué le code de Nuremberg. Ce code, qui consiste en une série de bonnes pratiques médicales, n'a d'ailleurs pas de valeur légale et sa suppression n'aurait aucun effet sur une potentielle mise en place de l'obligation de vaccination contre le Covid-19.

Alors que les scientifiques observent de près le variant Omicron qui se répand en Europe, plusieurs pays européens comptent rendre la vaccination contre le Covid-19 obligatoire à partir du début de l’année prochaine, au moins pour une partie de la population. Une décision qui divise la communauté internationale: l'OMS a estimé le 7 décembre 2021 que l'obligation de la vaccination devait rester un recours de "dernier ressort absolu".

Des publications relayées sur les réseaux sociaux depuis début décembre affirment que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a appelé à abroger le code de Nuremberg dans le but d'établir la vaccination obligatoire. C'est ce que dit par exemple cet internaute, qui a partagé le 5 décembre 2021 un article du blog complotiste l'Échelle de Jacob, publié le même jour, qui affirme qu'"Ursula Van Der Leyen (sic), la cheffe de la Commission européenne, a déclaré mercredi à la presse qu'elle voulait supprimer le code de Nuremberg de longue date afin d'établir l'obligation vaccinale".

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Capture d'écran réalisée le 8/12/2021 sur Facebook

D'autres internautes, comme celui-ci, partagent un article, en anglais, du Post Millennial, un média en ligne canadien qui relaie régulièrement de fausses informations, dont certaines ont été vérifiées par l'AFP. Cet article, publié le 2 décembre 2021, est cependant plus prudent que celui en français, puisqu'il n'affirme pas que la présidente de la Commission européenne a évoqué le code de Nuremberg, mais évoque des remarques de Mme von der Leyen "à la presse mercredi" sur la vaccination obligatoire et relaie des "critiques" qui affirment que "les dirigeants européens sont favorables à l'abandon du code de Nuremberg".

L'affirmation selon laquelle Ursula von der Leyen "veut supprimer le code de Nuremberg", parfois sans précision de la date de cette supposée déclaration, a également été relayée sur Twitter, ainsi que sur Facebook en polonais, en anglais et en allemand. Elle a par ailleurs été vérifiée par l'AFP en polonais.

Ces publications et articles font référence à une conférence de presse donnée le mercredi 1er décembre 2021 par Ursula von der Leyen, au cours de laquelle elle a mentionné la possibilité d'engager une discussion autour de la vaccination obligatoire. Elle n'a cependant jamais évoqué le code de Nuremberg lors de cette conférence ni durant les semaines précédentes.

Ursula von der Leyen n'a pas mentionné le code de Nuremberg

Les internautes font référence à une déclaration faite par Ursula von der Leyen "mercredi à la presse". Selon les recherches de l'AFP, les premières publications apparaissent le mercredi 1er décembre 2021. Ce jour-là, Ursula von der Leyen a en effet donné une conférence de presse avec la commissaire européenne Stella Kyriakides sur les nouveaux défis à relever face au Covid-19. Cette conférence est disponible ici en entier.

Lors de la séance de questions-réponses de cette conférence, consultable sur le site de la Commission européenne, une journaliste grecque interroge Ursula von der Leyen sur la décision du gouvernement grec, qui a annoncé le 30 novembre la mise en place d'une amende de 100 euros pour tous les citoyens de plus de 60 ans non vaccinés.

"J'aimerais vous demander quelle est votre position concernant cette vaccination obligatoire ?", demande la journaliste Maria Aroni (à 12'49 minutes dans la vidéo de la séance de questions-réponses).

"Premièrement, il s'agit purement d'une compétence des Etats membres", répond Ursula von der Leyen, "par conséquent, en ce qui concerne cela (la vaccination obligatoire, ndlr), ce n'est pas à moi de donner une quelconque recommandation".

"Si vous me demandez quelle est ma position personnelle ? Il y a deux ou trois ans, je n'aurais jamais pensé voir ce que nous voyons maintenant. Nous avons cette pandémie horrible, nous avons les vaccins, des vaccins qui sauvent des vies, mais ils ne sont pas utilisés correctement partout. Et cela entraîne des coûts, évidemment, des coûts énormes pour la santé", continue-t-elle.

"Si vous regardez les chiffres: nous avons maintenant 77% des adultes qui sont vaccinés dans l'Union européenne, ou si vous prenez la totalité de la population c'est 66%, ce qui signifie qu'un tiers de la population européenne n'est pas vaccinée. Cela représente 150 millions de personnes. C'est beaucoup. Tout le monde ne peut pas être vacciné, les très jeunes enfants par exemple, ou les personnes avec un problème de santé particulier . Mais une grande majorité pourrait le faire".

"Et donc je pense", conclut la présidente de la Commission européenne, "qu'il est approprié et raisonnable d'avoir cette discussion maintenant. Comment nous pouvons encourager et potentiellement penser à la vaccination obligatoire dans l'Union européenne, cela doit être discuté. Cela nécessite une approche commune, mais je pense que c’est une discussion qui doit avoir lieu".

A aucun moment de cette réponse, ni de la conférence de presse, Ursula von der Leyen n'évoque le code de Nuremberg. Par ailleurs, elle souligne qu'elle exprime une opinion personnelle et rappelle dès le début de sa réponse que l'Union européenne ne pourrait de toute façon pas imposer la vaccination obligatoire, puisqu'il s'agit d'une compétence nationale.

L'AFP a contacté le 6 décembre 2021 Stefan de Keersmaecker, porte-parole de la Commission européenne en charge de questions de santé. Ursula von der Leyen "a seulement donné son opinion personnelle sur la vaccination obligatoire à l'occasion de cette conférence de presse du 1er décembre" et "n'a pas du tout parlé" du code de Nuremberg, a-t-il expliqué.

"Je n'ai aucune connaissance d'autres opportunités où elle aurait fait référence à ce code dans le cadre de la politique de vaccination", a-t-il ajouté.

Une recherche sur internet avec les mots-clés en français et en anglais "Ursula von der Leyen" et "code de Nuremberg" avant le 30 novembre 2021 ne donne aucun résultat.

Par ailleurs, l'article de l'Echelle de Jacob évoque une interview de la présidente de la Commission européenne avec la BBC. La BBC est également citée dans l'article du Post Millennial, avec un lien. Il ne s'agit en réalité pas d'une interview, mais d'un article résumant la conférence de presse du 1er décembre et citant Ursula von der Leyen.

Le code de Nuremberg n'a pas de valeur légale

Par ailleurs, l'affirmation selon laquelle le code de Nuremberg peut être supprimé est trompeuse. Le code de Nuremberg n'est pas une loi et sa suppression n'aurait aucun effet sur une potentielle mise en place de l'obligation de vaccination contre le Covid-19.

Les symboles de l'époque nazie, comme le procès de Nuremberg, l'étoile jaune ou la croix gammée, sont régulièrement récupérés et détournés par la complosphère, qui fait un rapprochement, sans fondement historique, avec la situation actuelle.

Comme expliqué dans un précédent article de l'AFP, ce qui est devenu, au fil des années, le "code de Nuremberg" est une série de principes listés par le tribunal de Nuremberg dans son verdict rendu en août 1947 contre 23 médecins et personnels administratifs jugés pour des expériences sur des détenus dans les camps nazis. Seize d'entre eux ont été condamnés, dont sept à la peine capitale.

Ces dix recommandations, qui précisent les conditions dans lesquelles doivent avoir lieu les expérimentations pratiquées sur l'être humain pour être considérées comme acceptables - recueillir le "consentement volontaire" du patient ou s'assurer que l'expérience évite les "souffrances" et "atteintes, physiques et mentales, non nécessaires"- ont infusé dans la pratique médicale mais n'ont jamais eu force de loi en France ou en Belgique.

"C'est un document historique mais ce n’est pas du tout par rapport à ce code qu’on se situe pour décider si une expérimentation est licite ou illicite" en France, avait ainsi expliqué à l'AFP le 15 février 2021 Philippe Amiel, sociologue, juriste de la santé à l'université Paris-Diderot et auteur de travaux sur le code de Nuremberg.

En Belgique, "le code de Nuremberg n’a pas force de loi et n’est donc pas juridiquement contraignant, même s’il a constitué une source d’inspiration pour l’élaboration de textes internationaux et de législation en matière de recherches médicales sur l’homme", a indiqué à l'AFP le 8 décembre 2021 le Comité consultatif de Bioéthique de Belgique.

De plus, les vaccins ne constituent pas une expérimentation médicale, mais un traitement approuvé par les autorités scientifiques, comme l'AFP l'a expliqué à plusieurs reprises, ici par exemple.

Les quatre vaccins anti-Covid autorisés à ce jour en France et en Belgique ont, de fait, suivi les étapes successives imposées à chaque traitement avant sa mise sur le marché européen et français : une première phase pour évaluer l'éventuelle nocivité du produit, une deuxième pour le tester sur un nombre limité de malades et une troisième pour juger de l'intérêt thérapeutique auprès d'un échantillon plus étendu.

Une quatrième phase, dite de pharmacovigilance, est en cours, ce qui ne signifie pas que les vaccins sont toujours en phase d'expérimentation.

Dans un précédent article de l'AFP en mai 2021, Samia Hurst, consultante du Conseil d’éthique clinique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et directrice de l’Institut Ethique, Histoire, Humanités à la faculté de médecine de Genève, expliquait ainsi: "pour les questions qui sont pertinentes pour la mise sur le marché, les vaccins ne sont plus expérimentaux. On sait que ça marche, on sait que la balance bénéfice/risque est clairement favorable".

13 décembre 2021 Corrige la phrase "les trois vaccins anti-Covid autorisés à ce jour en France et en Belgique". Les deux pays avaient bien autorisé quatre vaccins, et non trois, au moment de la publication de cet article

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