Des passagers marchant près des quais de la gare du Nord, à Paris le 5 mai 2025. (AFP / Léo VIGNAL)

Les transports en commun gratuits dans toute la France en 2026 ? C'est faux

La question de la gratuité des transports publics est un débat récurrent en France, où une quarantaine de collectivités ont fait le choix d'une telle mesure. Des publications affirmant que cette gratuité allait être généralisée à l'ensemble du pays, à partir de janvier 2026, ont été massivement partagées sur les réseaux sociaux début novembre 2025. Mais cette affirmation est fausse: aucune mesure de ce type n'a été annoncée, ont assuré le ministère des Transports comme des représentants des usagers. 

"C'est officiel : les transports en commun deviendront gratuits dans toute la France à partir de janvier 2026", est-il affirmé dans une vidéo sur Facebook, partagée plus de 4.600 fois et vue près de 2 millions de fois depuis le 6 novembre 2025. Selon la vidéo, "le gouvernement prévoit de prélever 25 euros par mois sur le salaire de chaque employé, une sorte de cotisation mobilité qui permettrait à tous de se déplacer librement, sans ticket, sans carte, sans contrôle".

"Cette décision ambitieuse viendrait répondre à un double objectif : soulager le pouvoir d'achat et réduire la pollution, en incitant massivement les gens à laisser leur voiture. En supprimant les bornes de validation, les amendes et les contrôles, des millions d'euros seraient économisés chaque année selon les autorités. Mais attention, seuls les salariés seraient concernés par la contribution. Et cette idée, vue comme acceptable par le gouvernement, pourrait aussi diviser", ajoute la voix off de la vidéo virale.

Des messages similaires, avec d'autres images à l'appui, circulent sur Facebook (1, 2), Instagram (22) et TikTok (1, 2, 3, 4).

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Captures d'écran prises le 12/11/2025 sur Facebook (à gauche) et TikTok (à droite). Croix rouge ajoutée par l'AFP.

Mais attention : l'affirmation selon laquelle les transports en commun deviendraient bientôt gratuits dans toute la France est "complètement erronée", a indiqué le ministère des Transports à l'AFP.

Infox relayée par de faux médias d'actualité

"À ce jour, aucune disposition légale ou réglementaire n'est envisagée en ce sens. Le projet de loi de finances soumis au Parlement est en cours de débat et ne contient aucune disposition concernant une telle mesure", a assuré le ministère des Transports dans un e-mail adressé à l'AFP le 13 novembre 2025 (lien archivé ici).

Contacté le 17 novembre 2025 par l'AFP, François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transport (FNAUT), a confirmé de son côté qu'il s'agit d'une "fake news totale" : "c'est irréalisable et irréaliste", insiste-t-il, rappelant qu'"il n'y a aucun projet sur la gratuité [des transports en commun] en France" (lien archivé ici).

Une analyse partagée par Louis Nègre, président du Groupement des autorités responsables de transport (GART), qui a affirmé le 14 novembre à l'AFP qu'"il s'agit de fausses informations" (lien archivé ici).

Des analyses des pistes audio de ces vidéos virales, réalisées à l'aide du détecteur de deepfakes Hiya.com sur l'outil (cocréé par l'AFP) de vérification InVID-WeVerify, concluent que les voix off ont été très probablement générées par intelligence artificielle (IA).

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Captures d'écran prises le 18/11/2025 des analyses audio effectuées sur InVID-WeVerify par l'AFP.

De nombreuses fausses affirmations sensationnalistes sont postées sur ce type de comptes TikTok, qui se présentent comme des médias d'actualité, mais véhiculent, en réalité, de la désinformation. Leur objectif ? Générer de l'audience, et donc des revenus. Ils s'appuient pour cela souvent sur du contenu produit rapidement, à partir de séquences vidéos qu'on retrouve ailleurs sur Internet, et d'une voix off générée par intelligence artificielle (IA).

La gratuité des transports en commun : une option qui fait débat

En France, une quarantaine de collectivités ont rendu leurs transports en commun gratuits pour tous les voyageurs, parmi lesquelles Dunkerque, Aubagne, Compiègne, ou encore la métropole de Montpellier et ses 31 communes (liens archivés ici et ici).

Mais, comme le rappelle le site de Vie-publique.fr, la question de la gratuité des transports publics divise (lien archivé ici).

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Capture d'écran prise le 18/11/2025 sur le site de Vie-publique.fr.

Selon un rapport de la Cour des comptes publié le 15 septembre 2025, la gratuité dans les gros réseaux de transports publics coûte cher, sans pour autant encourager massivement les automobilistes à avoir recours à ces mobilités moins polluantes (lien archivé ici).

"Si la gratuité peut, dans le cas de petits réseaux, constituer une solution parmi d'autres aux problèmes de fréquentation, c'est-à-dire de sous-utilisation des transports collectifs, elle entraîne, pour les réseaux importants et étendus, des effets négatifs sur le plan financier, tout en ne s'accompagnant que d'un report modal des automobilistes très limité", pointent les magistrats dans ce rapport.

Ils observent que, dans les petits réseaux - où des bus "circulent souvent presque à vide" - la gratuité peut améliorer la fréquentation à un coût limité. La situation est en revanche différente dans les réseaux importants déjà bien fréquentés, où "l'instauration de la gratuité est très coûteuse car elle s'accompagne de pertes de recettes tarifaires importantes et de coûts supplémentaires liés au nécessaire renforcement du réseau existant, davantage sollicité".

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Les passagers attendent le départ de leurs trains à la gare de Lyon à Paris, le 31 juillet 2024. (AFP / Thibaud MORITZ)

Peu de moyens pour une demande croissante

Les collectivités, déjà confrontées à une demande croissante de mobilité et à des investissements lourds (renouvellement du matériel roulant, agrandissement des lignes), peinent donc à financer durablement de telles politiques.

"Nous avons affaire à une explosion de la demande, qui nécessite donc davantage de matériel et de personnel. Et bien entendu, cela coûte de l'argent", souligne Louis Nègre, président du GART. Selon lui, "dans un pays où les impôts et les taxes sont déjà très élevés", il paraît très difficile d'envisager la gratuité totale : si l'usager ne paye plus, c'est le contribuable qui finance – au détriment des investissements nécessaires.

Il rappelle également que la contribution financière des usagers français est l'une des plus faibles d'Europe. Selon le ministre de l'Aménagement du territoire et de la décentralisation, "la part de financement des coûts d'exploitation par les recettes des usagers des principaux réseaux de transport est passée de 75 % en 1975 à 50 % en 1995 et à 28 % en 2022 ; dans de nombreux pays européens, ce ratio s'élève entre 40 % et 60 %" (lien archivé ici).

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Une foule de voyageurs attend de monter dans les trains du métro à la gare du Nord, à Paris, le 18 décembre 2019. (AFP / Alain JOCARD)

Certains acteurs défendent toutefois la gratuité. L'Observatoire des villes du transport gratuit la définit comme "un réseau au sein duquel la grande majorité des usagers, c'est-à-dire a minima les habitants et dans de nombreux cas les visiteurs, bénéficient sans payer des services réguliers de transport public tous les jours, sur le périmètre d'une commune, d'une intercommunalité ou le territoire couvert par l'autorité organisatrice de la mobilité" (lien archivé ici).

A Montpellier, où la gratuité a été instaurée en décembre 2023, le maire Michaël Delafosse (PS) a vivement dénoncé le rapport de la Cour des comptes, qu'il juge "à charge" (lien archivé ici). Dans une réaction à l'AFP, il défendait "une mesure de pouvoir d'achat" et "pour le climat". Pour lui, "on constate sur le territoire que la qualité de l'air s'améliore" et que la fréquentation des transports en commun a augmenté "de 27% un an après l'entrée en vigueur de la gratuité".

La Cour des comptes nuance, cependant, cet effet, et considère que l'objectif n'est que partiellement atteint. Ainsi, la gratuité augmente la fréquentation des transports en commun "principalement dans les centres urbains pour des déplacements de courtes distances, soit davantage au détriment de la marche et de l'usage du vélo que de la voiture", estime-t-elle.

Les magistrats de la Cour des comptes recommandent notamment de recentrer les réductions tarifaires sur les critères de ressources, d'augmenter la lutte contre la fraude ou d'encourager les collectivités à publier des évaluations en cas de changement tarifaire significatif.

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