
Non, un trajet d'une heure en voiture électrique n'équivaut pas à une heure passée dans une IRM
- Publié le 01 août 2025 à 15:16
- Lecture : 6 min
- Par : Alexis ORSINI, AFP France
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"Vous roulez 1 heure en voiture électrique ? C'est comme passer 1 heure dans une IRM. Les batteries des VE génèrent des champs de 1,5 à 3 Tesla, comparables à une IRM", soutiennent des internautes dans des publications partagées sur X et sur Facebook (1, 2, 3), début juillet 2025.
"Une exposition prolongée favorise la formation de kystes, perturbe le métabolisme cellulaire et augmente le risque de cancer", peut-on également lire dans ce texte.

Ces internautes entendent ainsi alarmer sur les prétendus dangers sanitaires des batteries de voitures électriques, dont la puissance en Tesla (l'unité de mesure des champs magnétiques) serait, selon eux, identique à celle des examens d'imagerie par résonance magnétique (IRM), technologie apparue dans les années 1980 et qui compte aujourd'hui plus de 40.000 appareils en service dans le monde, selon la Société française de radioprotection (lien archivé).
Mais ces affirmations sont fausses et la comparaison faite entre IRM et voiture électrique ne repose sur aucun fondement scientifique, comme l'ont expliqué plusieurs experts en champ électromagnétique interrogés par l'AFP le 30 juillet 2025.
"Si les batteries ou les voitures électriques étaient capables d'émettre un champ de 1,5 Tesla - qui correspond au champ magnétique des IRM les plus classiques -, ce serait une petite révolution pour l'IRM. On changerait radicalement de technologie, on ne s'embêterait pas à faire des aimants supraconducteurs. C'est à ce niveau-là que l'affirmation est la plus ridicule", a notamment indiqué à l'AFP Alexandre Vignaud, directeur de recherche au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et physicien en IRM (lien archivé).
"La comparaison [de la voiture électrique] avec l'IRM ne tient pas la route", a également pointé à l'AFP Anne Perrin, biologiste, spécialiste du risque électromagnétique et membre de la Société française de radioprotection (lien archivé).
Une voiture électrique à 1,5 Tesla serait un "gros aimant roulant"
Ainsi que l'explique l'Assurance maladie sur son site (lien archivé), l'IRM est un examen de radiologie indolore, sans rayons X, généralement réalisé pour visualiser les "tissus mous" - cerveau, moelle épinière, viscères, muscles, etc - mais aussi les os et les articulations.
Cet examen recourt à "un appareil émettant des ondes électromagnétiques, grâce à un gros aimant." En réaction à ces ondes, les tissus de l'organisme émettent des signaux, dont la captation par une caméra est ensuite retranscrite en images sur un écran d'ordinateur.
En pratique, comme le détaille Anne Perrin, un appareil d'IRM contient donc "un énorme aimant supraconducteur" dont l'intensité du champ magnétique est exprimée en Tesla.
A titre de comparaison, 1,5 Tesla, classiquement utilisé en IRM, provoque une aimantation "des centaines de fois plus forte que celle d'un magnet qui s'accroche sur le frigo", qui est, elle, "de l'ordre de 0,01 Tesla", par exemple.
Concrètement, la puissance de 1,5 Tesla d'un appareil d'IRM fait que "tout objet ferromagnétique placé trop près (lit d’hôpital, chariot, bouteille de gaz, ciseaux…) est violemment attiré" par celui-ci et s'y "colle très fortement" : "On parle d’effet missile ou projectile. C'est en partie pour cela qu’il y a des zones de sécurité autour des IRM."
L'Assurance maladie rappelle en effet que toute personne recourant à une IRM doit au préalable déposer ses objets métalliques (montre, ceinture, clés, téléphone portable...).
Sachant cela, il est donc "facile", relève Anne Perrin, de comprendre que l'affirmation virale assimilant la voiture électrique à l'IRM est fausse. Si les deux appareils avaient la même puissance magnétique, "les matériaux ferromagnétiques seraient aimantés, [donc] les objets voleraient en direction des véhicules électriques qui seraient comme des gros aimants roulants !"
Un élément également soulevé par Alexandre Vignaud, qui souligne à quel point il serait même "difficile de se déplacer" : "Si on était à 1,5 Tesla dans une voiture électrique, les clés présentes dans votre poche se planteraient dans la carrosserie avant même d'arriver à destination."

Un ordre de grandeur en microTesla, comparable à celui des voitures thermiques
De plus, comme l'a expliqué à l'AFP Sébastien Patoux, chef du service des technologies batteries au CEA (lien archivé), outre le fait que la batterie d'un véhicule électrique "n'émet pas de champ magnétique" car elle stocke simplement "l'énergie électrique sous forme chimique".
Par ailleurs, le rayonnement magnétique global à l’intérieur du véhicule - émis notamment via le moteur électrique et les équipements multimédias - reste considérablement inférieur à celui d’un appareil d’IRM.
"Dans l'habitacle d'un véhicule, on est sur des ordres de grandeur qui se mesurent en microTesla [µT], donc qui sont 100.000 fois inférieurs à l'ordre de grandeur avancé dans l'affirmation", explique l'expert.
Anne Perrin précise : "A proximité ou dans une voiture électrique, des campagnes de mesures ont montré que les fréquences du champ électromagnétique s’étalent de 1 à 400 Hz environ, avec une intensité du champ magnétique de 0 à quelques µT."
Si cette valeur "diffère selon l’emplacement de la mesure dans le véhicule ou à côté, et l’état du véhicule (à l’arrêt lors de la charge ou pas ou roulant à vitesse constante, en accélération, en décélération)", les "résultats sont rassurants", car les niveaux de champ magnétique mesurés sont toujours inférieurs aux valeurs limites pour la protection du public recommandées par la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP). D'autant que ces valeurs limites de sécurité sont "elles-mêmes bien en-dessous des seuils d'apparition d’effets sur la santé."
L'experte pointe notamment des études approfondies menées récemment en Allemagne (lien archivé) par l'Office fédéral de radioprotection et le ministère fédéral de l'Environnement, qui confirment que "les conducteurs de voitures 100% électriques n’apparaissent pas plus exposés à des champs magnétiques que ceux des véhicules thermiques ou hybrides", qui génèrent eux aussi des champs électrique et magnétique.
En 2014, les résultats du projet EM-Safety financé par la Commission Européenne (lien archivé) concluaient en outre qu'il y avait "peu de différence d'exposition aux champs magnétiques entre [des voitures électriques] et des voitures à moteur à combustion interne".
Pas d'effet sur la santé
Enfin, le fait de passer une heure dans un appareil d'IRM n'a pas d'impact cumulatif particulier d’autant qu'"il n'y a pas d’effet connu sur la santé des champs magnétiques liés à l'IRM. Un examen peut durer jusqu’à 30 minutes dans l’appareil, et ce sans effet sur la santé du patient, heureusement !", explique la spécialiste.
Comme le pointe Anne Perrin, l'affirmation virale selon laquelle "une exposition prolongée favorise la formation de kystes, perturbe le métabolisme cellulaire et augmente le risque de cancer" est elle aussi fausse.
C'est également ce que relève Alexandre Vignaud : "Les champs magnétiques à 1,5 Tesla ou à 3 Tesla n'ont jamais démontré une quelconque dangerosité d'aucune sorte. [...] Il y a des effets autour des champs magnétiques qui sont bien connus, qui sont transitoires : on peut avoir des nausées, des goûts métalliques, quand les gradients de champ sont très intenses, mais ce sont des effets connus et transitoires [...] qui n'ont pas d'effet véritablement physiologique avec une portée importante."