Ces mauvaises astuces pour "préparer" sa peau au soleil

Compléments alimentaires, autobronzants, cabines UV... A chaque début d'été, les réseaux sociaux, les publicités ou les magazines regorgent d'astuces pour "préparer" sa peau au soleil. Mais si certains sont inutiles, d'autres conseils peuvent s'avérer risqués.

"Il n’existe aucun moyen de préparer la peau aux effets du soleil. Que ce soit les compléments alimentaires ou les autobronzants, ces prétendues astuces sont totalement inefficaces et dangereuses", assure le Pr Claude Linassier, directeur du pôle prévention, organisation et parcours de soins à l’Institut national du cancer.

Alors que de nombreux compléments alimentaires promettent d'accélérer et accentuer le bronzage, tout en prémunissant des coups de soleil, "les données disponibles sur leur efficacité et leur sûreté sont très parcellaires", explique Virginie Prod’homme, chargée de recherche Inserm au Centre méditerranéen de médecine moléculaire, dans le Canal Détox de l'Inserm.

Les peaux foncées produisant davantage de mélanine protectrice contre le soleil, certains pourraient penser que foncer sa carnation avant de s'exposer permettrait également de se protéger.

Cependant, les compléments - tout comme les autobronzants - "n’apportent aucune protection contre le soleil", avertit l'Institut national du cancer. 

En effet, ils ne sont souvent que "de simples colorants à base de carotène, qui vont donner un teint hâlé, mais ne remplacent pas la mélanine, et ne confèrent donc aucune protection contre les rayons ultraviolets", précise le Pr Linassier.

A fortes doses, certains compléments alimentaires à base de bêta-carotène ont même un effet néfaste sur la santé, prévient l'oncologue, car ils "représentent un surrisque de cancers du poumon pour les fumeurs ou ex-fumeurs, et les personnes qui ont été exposées à l'amiante", détaille-t-il.

Pour Catherine Olivérès Ghouti, membre du Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV), les compléments alimentaires peuvent être un "apport" mais jamais une "thérapeutique", rappelant qu'il est nécessaire de consulter un médecin avant toute prise.

Cabines UV cancérogènes

Autre croyance inquiétante : 20% des Français pensent encore que "préparer sa peau" avec des séances en cabines UV artificiels, avant l’été, diminue les dangers d’attraper des coups de soleil, selon un sondage mené par l'Institut Ipsos en 2023 pour le SNDV, alors que "ces pratiques augmentent considérablement les risques de cancer cutané", explique le syndicat dans un communiqué en amont de sa campagne d'été "Sauver sa peau".

"20 minutes de bronzage en cabine, c'est une journée de soleil tropical sur la peau ! Cette pratique est encore plus dangereuse que l'exposition au soleil sans protection", abonde Catherine Olivérès Ghouti.

Les rayonnements UV artificiels sont d'ailleurs classés "cancérogènes certains pour l’homme" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) depuis 2009 et ces cabines sont interdites dans plusieurs pays, comme l'Australie.

Selon le sondage mené pour le SNDV, 33% des jeunes de 25 à 34 ans ont recours au bronzage artificiel avant une exposition prolongée au soleil. Mais une seule séance de bronzage via ces cabines peut "suffire à provoquer un cancer", prévient l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).

"En France, on estime que 43 % des cas de mélanomes chez les jeunes sont attribués à une utilisation des cabines de bronzage avant l’âge de 30 ans. Les personnes ayant eu recours au moins une fois aux cabines de bronzage avant l’âge de 35 ans augmentent de 59 % le risque de développer un mélanome cutané. Les mélanomes cutanés représentent l’une des premières causes de mortalité chez les moins de 35 ans", développe l'agence.

"On estime à environ 380 le nombre de nouveaux cas de mélanomes liés chaque année à ces cabines auto-bronzantes", complète le Pr Linassier qui les déconseille vivement.

Crème solaires pas suffisantes

En cas d'exposition au soleil, les autorités sanitaires rappellent que l'utilisation de crème solaire est indispensable. Toutefois, elle ne doit être utilisée qu’en complément des gestes recommandés et non appliquée seule, car "même les produits solaires les plus efficaces indice 50 ne filtrent pas la totalité des UV", précise l'Institut national du cancer.

De plus, il n'existe pas "de bronzage sain". "Ce dernier constitue une agression pour la peau, signe d’une réaction qui s’enclenche contre les dommages provoqués par les UV, naturels ou artificiels. Une peau bronzée indique donc que l’ADN a subi des dommages", développe l'INCa.

Pour rappel, plus de 80 % des cancers de la peau sont liés à une exposition excessive au soleil, principalement des expositions régulières et intenses pendant l’enfance. Les enfants sont en effet particulièrement sensibles aux effets des rayons UV, et il est même recommandé de ne pas du tout y exposer les moins de trois ans.

Entre 1990 et 2023, le nombre de nouveaux cas de cancer de la peau a plus que triplé. Chaque année, entre 141.200 et 243.500 cas de ces cancers sont diagnostiqués, selon Santé Publique France. 

Les cas de mélanomes - les cancers de la peau les plus graves - ont eux été multipliés par cinq entre les années 1990 et 2018, "avec actuellement près de 18.000 cas par an, ce qui est considérable et une conséquence directe de la surexposition au soleil et du manque de protection dans les années 80", explique le Pr Linassier. 

La protection solaire doit donc être multiple : combinaison de vêtements couvrants, chapeau, lunettes de soleil et limitation de l’exposition aux heures les plus chaudes.

Il est également primordial de ne pas confondre les produits de protection solaire et les produits cosmétiques contenant un filtre solaire, souligne l'Anses, qui recommande que ces produits dits "de protection solaire secondaire" ne puissent pas revendiquer une protection solaire en apposant un FPS sur l’étiquette.

Et pour ceux qui mettent en avant que l'exposition au soleil est nécessaire pour synthétiser la vitamine D, seules quelques minutes suffisent en réalité à couvrir les besoins physiologiques. "D'avril à septembre, il est alors possible d’exposer quotidiennement mains, avant-bras et visage de 5 à 10 minutes pour les peaux claires et de 15 à 30 minutes pour les peaux foncées ou noires", détaille l'INCa.