Un médecin place une biopsie sur une lame au Centre national de contrôle des maladies transmissibles dans la capitale libyenne, Tripoli, le 25 février 2019. (AFP / MAHMUD TURKIA)

Attention à cette liste de prétendus conseils pour prévenir ou lutter contre le cancer

Chaque année, près de 10 millions de personnes meurent dans le monde des suites d'un cancer. Soulevant de nombreuses inquiétudes pour les personnes concernées et leurs familles, cette maladie fait l'objet d'une désinformation d'ampleur qui peut détourner les patients d'un diagnostic, ou d’un traitement qui pourrait leur sauver la vie. Ces derniers mois, une longue liste de prétendus "conseils" à destination des personnes confrontées au cancer circule sur les réseaux sociaux, préconisant par exemple de prendre de l'ivermectine ou d'éviter de faire des biopsies. Cependant, l'ensemble de ces recommandations sont a minima trompeuses, voire complètement fausses.

"Pour toutes les personnes confrontées au cancer, voici quelques conseils utiles", affirment des internautes dans des dizaines de publications partagées plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux, et notamment sur Facebook (1, 2, 3, 4).

Parmi ces soi-disant "conseils", on retrouve toute une série de prétendus traitements préventifs ou alternatifs contre le cancer allant du jus de citron à la curcumine, en passant par les vitamines E et C, l'huile de cannabis, un régime sans sucre, du peroxyde d'hydrogène, ou des produits pharmaceutiques comme l'ivermectine et le fenbendazole.

Les publications assurent également qu'il faut éviter "de tester la tumeur", arguant à tort que "les tumeurs servent à protéger le corps en empêchant les cellules cancéreuses de se propager. Les perforer pour un test peut aggraver la situation en permettant aux cellules de migrer".

Des posts identiques ont également été partagés en anglais, bulgare, hongrois, slovaque ou espagnol - et ont été relayés des dizaines de milliers de fois à travers le monde.

Certaines publications semblent attribuer ces "conseils" à Robert Kennedy Jr, le ministre de la santé aux Etats-Unis, connu notamment pour sa remise en cause de la sécurité des vaccins et son soutien à des théories complotistes. Cependant, des recherches effectuées par l'AFP ne permettent pas de prouver que RFK Jr ait tenu de tels propos.

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Capture d'écran d'une publication sur Facebook réalisée le 24/06/2025, croix oranges ajoutées par l'AFP.
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Capture d'écran d'une publication sur Facebook réalisée le 24/06/2025, croix oranges ajoutées par l'AFP.

L'ensemble des conseils partagés sont a minima trompeurs ou complètement faux. Le texte ne précise d'ailleurs pas quel type de cancer devrait être concerné par ces fausses astuces. Pour rappel, il n'existe pas de traitement unique pour tous les types de cancer. Les options thérapeutiques dépendent en réalité de la localisation et du type de tumeur, du stade de la maladie et d'autres facteurs, comme l'expliquent les experts de l'Organisation mondiale de la santé (lien archivé ici).

Les oncologues redoutent que la diffusion de fausses informations sur les traitements des cancers - à l'image de cette publication - ne mène à l'abandon des soins par les personnes, comme expliqué dans cet article de l'AFP.

Biopsies à éviter ?

Parmi les faux conseils présentés, le texte incite les personnes souffrant d'un cancer à éviter les biopsies, affirmant à tort que le prélèvement d'un échantillon de tissu dans une tumeur pourrait "aggraver les situations" en provoquant la dissémination de cellules cancéreuses.

Cette idée fait référence à un phénomène connu sous le nom d'"ensemencement des cellules tumorales"-  un terme utilisé en oncologie qui décrit la propagation de cellules malignes le long du trajet d'une aiguille ou d'un instrument chirurgical utilisé au cours d'une biopsie ou d'une intervention chirurgicale.

Cependant, ce risque de complication est "extrêmement faible", explique sur son site l'Institut national du cancer aux Etats-Unis.

Lorsque ce risque est détecté, "les médecins évitent de procéder à une biopsie par forage. On choisira plutôt de retirer complètement la tumeur, sans prélever d’échantillon aux fins de biopsie", détaille la Société canadienne du cancer.

De son côté, l'American Cancer Society affirme également que le risque d'un "ensemencement de la tumeur" au cours d'une biopsie est "extrêmement rare" et ne devrait pas être une raison d'éviter la procédure. "Les avantages d'une biopsie l'emportent largement sur le risque minime de propagation du cancer", indique l'organisation.

De nombreuses études scientifiques ont ainsi montré que les biopsies sont sûres et ne favorisent pas la propagation du cancer.

Cette étude publiée en 2015 par exemple et menée par des chercheurs de la Mayo Clinic de Jacksonville, en Floride, auprès de plus de 2.000 personnes atteintes d'un cancer de la prostate a montré que les biopsies sont sans danger et ne favorisent pas la propagation du cancer.

Deux autres études portant sur le carcinome hépatocellulaire, un type de cancer du foie, ont montré que -bien que techniquement possible-, le risque d'ensemencement des cellules tumorales lors d'une biopsie du foie est faible.

Une étude publiée en 2008 a ainsi montré que l'ensemencement du canal de l'aiguille ne se produisait que dans 2,7 % des biopsies chez les patients atteints de ce type de cancer. Dans une étude plus vaste réalisée en 2024 et portant sur 13 959 biopsies, le risque n'était que de 0,62 %.

Dans cet article de 2023, le Dr Alexandrina Percheva, radiologue et spécialiste de l'imagerie mammaire à l'Imaging Diagnostics Clinic of Acibadem City Clinic Tokuda University Hospital, explique que les aiguilles utilisées dans le cadre de biopsies permettent d'atteindre exactement la localisation de la tumeur. "Nous 'tirons' à cet endroit, une autre aiguille sort, prélève un petit morceau et on envoie cela au pathologiste. Il n'y a aucun risque de propagation des cellules cancéreuses au patient. Mais si une personne ne subit pas de biopsie alors qu'un cancer est suspecté, cela peut retarder son traitement", développe-t-elle.

Selon les principales organisations d'oncologie, la biopsie est la méthode la plus précise et la plus fiable pour confirmer le diagnostic de nombreux types de cancer, car elle permet aux médecins de déterminer si les cellules sont malignes, de révéler la présence d’un type de cancer, ainsi que son degré d'agressivité (lien archivé ici).

Ivermectine et fenbendazole

Dans un deuxième temps, la publication que nous examinons recommande de prendre de l'ivermectine et du fenbendazole pour "combattre" le cancer. Cependant, comme déjà expliqué dans plusieurs articles de l'AFP (1, 2, 3), ces deux médicaments antiparasitaires ne peuvent pas être considérés comme des traitements contre le cancer.

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Un flacon d'ivermectine au Centre d'études sur les maladies infectieuses pédiatriques, à Cali, en Colombie, le 21 juillet 2020. (AFP / LUIS ROBAYO)

L'efficacité de l'ivermectine dans le traitement du cancer n'est qu'une piste de recherche et les propriétés anticancéreuses potentielles du médicament n'ont jamais été démontrées à ce jour dans des essais cliniques.

"Affirmer que l’ivermectine est efficace pour guérir les cancers est certes mensonger ou fantaisiste et ne s’appuie sur aucune donnée scientifique. C’est surtout dangereux, car ces fausses informations propagées en toute inconscience, recommandent des posologies inhabituelles et donc potentiellement toxiques", a expliqué à l'AFP en mars 2025 le Pr Claude Linassier, oncologue et directeur du pôle prévention, organisation et parcours de soins à l'Institut national du cancer (lien archivé ici). 

Concernant le fenbendazole, des études solides ont examiné ce médicament (1, 2) mais n’ont pas trouvé suffisamment de preuves pour confirmer qu’ils peuvent guérir le cancer chez l’homme (liens archivés: 12). 

Affirmer que le fenbendazole peut guérir le cancer "n'est tout simplement pas scientifique, car il n'existe aucune donnée pour étayer cette affirmation", a déclaré à l'AFP en 2023 la directrice du Centre de découverte en recherche sur le cancer de l'Université McMaster, Sheila Singh (lien archivé ici). 

Mythes sur l'alimentation

Selon la publication, le sucre "nourrit les cellules cancéreuses, il est donc important d’éviter toutes les formes de sucre". Mais cette fausse théorie a déjà été démentie plusieurs fois par l'AFP.

"Les cellules du corps humain brûlent des sucres pour se développer et se multiplier, mais le fait de manger des aliments sucrés ne fait pas croître les cellules cancéreuses plus rapidement", explique ainsi la Société canadienne du cancer.

Si la réduction du sucre peut vous protéger contre des maladies telles que l'obésité et le diabète, rien ne prouve également qu'un régime sans sucre puisse guérir le cancer. "Il n’existe à ce jour aucune preuve qu’un régime pauvre en sucre lorsqu’on est atteint de cancer ait une action anti-tumorale", expliquait dans cet article l'oncologue Fabrice André.

Toujours dans la nutrition, la publication affirme que boire de "l'eau alcaline, comme le jus de citron" rendrait "difficile la survie de cellules cancéreuses". C'est encore une fois faux, comme expliqué par l'AFP ici ou ici.

Lorsqu'on a un cancer, les besoins alimentaires sont plus importants. La tumeur consomme une partie des calories qu'on ingère, donc "il faut augmenter son apport en calories et en protéines", explique dans cet article l'oncologue Damien Vansteene.

Si les patients ne suivent qu'un régime alcalin, ou encore un régime de privation tel que le jeûne, "ils s'exposent à un risque majeur" et, dans ces cas, "on observe une hausse des complications liées aux traitements", continuait l'expert.

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Photographie prise lors du 57e Salon international de l'agriculture au parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris, le 22 février 2020. (AFP / BERTRAND GUAY)

"Bains détoxifiants"

Autre faux conseil présenté dans la publication : prendre "des bains détoxifiants". "Ajoutez du bicarbonate de soude, du borax, du sel d’Epsom et de l’argile bentonite dans un bain chaud. Cela aide à éliminer les toxines du corps", détaille le post.

Les supposés bienfaits du bicarbonate de soude dans le traitement de diverses maladies, dont le cancer, a déjà été démenti par l'AFP ici et ici. Cette substance peut d'ailleurs interagir négativement avec des médicaments et entraîner des effets secondaires dangereux.

Interrogé par l'AFP le 4 juin 2025, le Dr Mahdi Salih, interniste-néphrologue à l'hôpital universitaire Erasmus de Rotterdam, a déclaré que le bicarbonate de soude pouvait notamment être indiqué pour les personnes souffrant d'une maladie rénale chronique ou ayant une faible acidité du sang. "Pour tout le reste (comme les cellules cancéreuses, etc.), il n'y a aucune indication médicale (et aucune preuve d'efficacité)", a ajouté l'expert.

De son côté, le borax -un composé principalement utilisé dans les ménages comme agent de nettoyage et de blanchisserie- n'a pas d'effets bénéfiques prouvés sur la santé, comme l'ont indiqué des experts à l'AFP.

"Il n'est pas sans danger de manger ou de se baigner dans du borax", a affirmé à l'AFP en 2023 Andrew Stolbach, professeur agrégé de médecine d'urgence à Johns Hopkins Medicine. "Il y a plusieurs sites de médecine alternative qui prétendent qu'il aide à l'inflammation ou à l'arthrite, mais ces affirmations ne sont pas étayées par des recherches sérieuses", avait-il ajouté.

La publication recommande également d'utiliser sur sa peau du "peroxyde d'hydrogène", arguant que ce composé "contient une molécule d’oxygène supplémentaire que les cellules cancéreuses ne tolèrent pas".

Cependant, les prétendues propriétés anticancéreuses du peroxyde d'hydrogène -également connu sous le nom d'eau oxygénée- ne sont pas étayées par des preuves scientifiques, comme l'a expliqué ici l'AFP.

Vitamines C, E en suppléments

La publication recommande par ailleurs la prise de fortes doses de vitamine C (1000 mg par jour) et de vitamine E (500 à 1000 mg par jour) contre le cancer : des affirmations qui ne sont pas étayées par des preuves scientifiques solides.

"Rien ne prouve encore que la vitamine C puisse à elle seule guérir le cancer", explique la Mayo Clinic sur son site. Bien que des recherches aient montré que de fortes doses de vitamine C administrées par voie intraveineuse pourraient "renforcer l'efficacité d'autres traitements anticancéreux, tels que la chimiothérapie et la radiothérapie, ou réduire les effets secondaires des traitements", des essais cliniques de plus grande envergure sont nécessaires pour confirmer ces résultats.

Par ailleurs, les experts rappellent que la vitamine C est un antioxydant qui peut aussi affaiblir l'efficacité d'une chimiothérapie ou d'une radiothérapie concomitante.

Concernant la vitamine E, aucune preuve scientifique n'a à ce jour démontré qu'elle pourrait traiter ou prévenir le développement d'un cancer. 

Une étude menée entre 2007 et 2011 a ainsi montré que la prise de vitamine E n'était pas associée à une amélioration de la survie ou à un ralentissement de la progression du cancer de la vessie. Au contraire, la supplémentation en vitamine E était liée à une augmentation significative du risque de récidive.

De plus, l'essai clinique SELECT, auquel ont participé plus de 35.000 hommes aux États-Unis et au Canada entre 2001 et 2004, a été interrompu prématurément après que les données ont montré que la prise de vitamine E en complément alimentaire ne réduisait pas le risque de cancer de la prostate. Au contraire, elle était associée à une augmentation du risque de 17 %.

La publication recommande également une "petite dose quotidienne" de "vitamine B17", un composé naturel aussi connu sous le nom d'amygdaline et présent dans certaines plantes et noyaux.

Cependant, comme l'explique la Fondation contre le cancer, il n'existe aucune preuve que l'amygdaline "aide à guérir le cancer", "aide à atténuer les effets secondaires des traitements contre le cancer" ou "aide à prévenir le cancer". Par contre, les suppléments d'amygdaline "peuvent provoquer une intoxication au cyanure" explique la Fondation, qui déconseille d'en consommer.

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Photographie prise le 23 mars 2023 qui montre des boîtes de vitamine C sur une étagère de pharmacie, à Colomiers, dans le sud-ouest de la France. (AFP / VALENTINE CHAPUIS)

"600 mg de curcumine" par jour

La publication conseille aussi de consommer "600 mg de curcumine bio par jour". Toutefois, si la curcumine -un composé naturel présent dans l'épice curcuma- a montré, sur des cultures de cellules, "une capacité à bloquer la multiplication de plusieurs types de cellules cancéreuses", "aucune étude clinique sérieuse n’a été menée chez l’homme dans cette maladie", explique le Service public d'information en santé (SPIS).

Deux études indépendantes - une analyse critique des essais cliniques sur les effets de la curcumine sur les maladies malignes (2024) et un examen systématique de la recherche sur la contribution de la curcumine au traitement du cancer (2023) - concluent que les données cliniques disponibles ne sont pas suffisamment convaincantes pour soutenir l'utilisation thérapeutique de la curcumine dans le traitement du cancer.

Huile de CBD "quotidiennement"

Enfin, la publication conseille de s'administrer "25 mg d'huile de CBD par voie sublinguale sous la langue quotidiennement".

Les huiles de CBD contiennent le plus souvent le composé chimique cannabidiol, mais parfois aussi d'autres cannabinoïdes. La plupart d'entre elles ne contiennent pas de tétrahydrocannabinol (THC) - le principal ingrédient psychoactif de la marijuana - mais plutôt d'autres substances non psychoactives de la plante de cannabis qui ne provoquent pas d'intoxication.

Toutefois, comme l'indique cet article de l'AFP, ni le THC ni les autres composés du cannabis n'ont prouvé leur efficacité dans le traitement du cancer, faute d'essais cliniques fiables et à grande échelle pour étayer de telles affirmations.

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