Non, cette vidéo ne montre pas les récentes manifestations à Los Angeles

Depuis le 6 juin 2025, Los Angeles, deuxième plus grande ville des États-Unis, est secouée par des heurts entre manifestants et forces de l'ordre, dans un contexte de vives tensions autour de la politique migratoire du gouvernement américain. Depuis son retour au pouvoir en janvier, le président américain a renforcé sa politique de lutte contre l’immigration clandestine. Son administration a multiplié les mesures pour expulser les sans-papiers présents sur le territoire américain. Les protestataires dénoncent des opérations menées par la police fédérale de l'immigration (ICE) visant à interpeller des migrants en situation irrégulière, dans des quartiers à forte population hispanique.

Les forces de l'ordre, déployées en tenue anti-émeute, ont procédé à plusieurs interpellations le 10 juin, en réponse à des violations du couvre-feu décrété dans la ville après plusieurs jours d'une mobilisation dans l'ensemble pacifique mais parfois marquée par des jets de pierre contre la police, des incendies de véhicules, des dégradations et des violences.

Quelque 700 Marines, un corps d'élite normalement utilisé comme force de projection extérieure, doivent rejoindre 4.000 militaires réservistes de la Garde nationale déjà mobilisés par Donald Trump, auquel il est reproché d'avoir pris des mesures disproportionnées. Un juge fédéral a d'ailleurs qualifié d'illégal ce recours au déploiement de la Garde nationale, jeudi 12 juin (lien archivé ici).

Le magistrat Charles Breyer a estimé que le président n'avait pas "suivi la procédure requise par le Congrès pour ses actes". Il a ordonné que le contrôle de ce corps de réserve à double tutelle soit rendu au gouverneur de Californie, le démocrate Gavin Newsom, qui avait attaqué ce déploiement en justice en dénonçant un virage autoritaire. Selon le juge Breyer, la violence constatée était par ailleurs "bien loin" de la "rébellion" décrite par Donald Trump pour justifier le déploiement de militaires.

Le ministère américain de la Justice a immédiatement fait appel, arguant que cette décision constituait "une ingérence extraordinaire dans les pouvoirs constitutionnels du président en tant que commandant en chef". L'application de celle-ci a été repoussée à mardi par une cour d'appel fédérale afin d'avoir le temps d'examiner cet appel.

C'est dans ce contexte tendu qu'une vidéo virale circule sur les réseaux sociaux, montrant plusieurs voitures de police en feu, entourées de manifestants. 

"ÉTATS UNIS : Les rues brûlent, les sirènes hurlent. Des militants démocrates s'en prennent aux policiers , aux voitures, à l'ordre. Ce n'est plus une contestation, c'est une insurrection. Et elle s'étend, bloc par bloc", affirme sur X une internaute connue pour diffuser des fausses informations. 

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Capture d'écran réalisée sur X le 10/06/2025.

La vidéo a été massivement partagée dans de nombreuses langues parmi lesquelles l'anglais, le macédonien et l'arabe. Elle a également été diffusée sur différentes plateformes comme X, Facebook et Instagram. On la retrouve aussi sur le site "pravda-fr.com" qui appartient à un réseau "structuré et coordonné" de 193 sites diffusant de la propagande russe en Europe et aux Etats-Unis, selon Viginum, l'organisme français de lutte contre les ingérences numériques étrangères (lien archivé ici). 

Mais la vidéo en question ne montre pas des événements récents.

Une vidéo datant de 2020

Une recherche d'images inversée permet de remonter à sa publication initiale, en 2020. Elle documente en réalité des scènes de violences survenues à Los Angeles en marge des manifestations de grande ampleur qui ont suivi la mort de George Floyd.

Cet homme afro-américain de 46 ans était décédé après qu'un policier blanc l'avait immobilisé en appuyant son genou sur son cou pendant près de neuf minutes, malgré les protestations de témoins présents sur les lieux. Sa mort avait déclenché une mobilisation massive aux États-Unis et à l'international, notamment sous le slogan "Black Lives Matter". Ces rassemblements avaient parfois donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre, à des dégradations et à des incendies de véhicules de police.

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Ainsi, les images relayées dans les publications virales mentionnées plus haut ne sont pas liées aux manifestations de juin 2025 à Los Angeles, mais bien à celles de mai 2020.

Acte de vandalisme

"Los Angeles : Ce commerçant défend comme il peut son magasin face à une horde de casseurs, pendant que Newsom et Bass prétendent qu’il s’agit de simples manifestants", écrit un autre internaute sur X le 8 juin, dans un post partagé par un millier de personnes.

Des publications similaires ont circulé sur Instagram et TikTok. 

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Capture d'écran réalisée sur X le 12/06/2025

Selon des médias locaux et la police de Los Angeles, plusieurs commerces ont effectivement été mis à sac. Mais la vidéo partagée en ligne est ancienne et n'a aucun lien avec ces événements. 

Une recherche d’image inversée a permis de retrouver cette vidéo dans des articles de presse locale et des publications datées d'octobre 2024 (archives ici, ici et ici).

Selon ces sources, ainsi que d'autres médias ayant couvert l’incident, les faits remontent au 6 octobre au petit matin. Une foule a participé à une opération de type "street takeover" — une prise de contrôle illégale de la rue, souvent organisée via les réseaux sociaux — et a forcé l'entrée d’un magasin 7-Eleven à Anaheim. Les assaillants ont pillé les lieux et agressé le gérant qui tentait de les empêcher d'entrer (archive ici). 

La vidéo a été attribuée à un utilisateur d'Instagram,"@carlos_kickback_3". Contacté par l’AFP, il n'a pas répondu.

Selon plusieurs sources, l’incident s’est déroulé dans un magasin 7-Eleven situé sur Knott Avenue, à Anaheim (archive ici). En activant Google Street View sur l'application Google Earth Pro, nous parvenons à confirmer le lieu : 

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capture d'écran réalisée sur X le 10 juin 2025, avec des encadrés colorés rajoutés par l'AFP (à gauche) et une capture d'écran de Google Street View (à droite).

Le lieu se trouve à plusieurs kilomètres du complexe de bâtiments fédéraux et municipaux situé près du centre de détention métropolitain (Metropolitan Detention Center), dans le centre-ville de Los Angeles, épicentre des manifestations — ainsi que d’autres sites de protestation à Paramount et Compton.

Des vidéos anciennes, souvent spectaculaires, ressurgissent régulièrement sur les réseaux sociaux hors de leur contexte d’origine, pour illustrer des événements d'actualité ou manipuler l’opinion.

L'AFP Factuel a déjà démenti dans de nombreux articles d'autres fausses affirmations liées à des manifestations (1, 2, 3, 4).