Cette vidéo de manifestation au Venezuela date de 2017 et non juillet 2024
- Publié le 30 juillet 2024 à 17:23
- Lecture : 6 min
- Par : AFP Colombie, AFP France
- Traduction et adaptation : Théo MARIE-COURTOIS
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Au moins quatre personnes ont été tuées d'après deux ONG dans des manifestations spontanées qui ont éclaté le 29 juillet au Venezuela, ponctuées d'échauffourées avec les forces de l'ordre, après la réélection du président Nicolas Maduro qui suscite le scepticisme de la communauté internationale, l'opposition affirmant de son côté pouvoir "prouver" sa victoire (lien archivé ici).
Nicolas Maduro a été officiellement proclamé le 29 juillet président du Venezuela par le Conseil national électoral (CNE, lien archivé ici). Balayant les critiques de l'opposition et de la communauté internationale, Nicolas Maduro a dénoncé une tentative d'imposer un "coup d'Etat fasciste au Venezuela".
Lundi 29 juillet au soir, la cheffe de l'opposition vénézuélienne Maria Corina Machado, qui n'avait pu se présenter au scrutin parce que déclarée inéligible par le pouvoir, a assuré lors d'une conférence de presse que l'opposition avait désormais les moyens de "prouver" la victoire de son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, discret diplomate qui l'avait remplacée au pied levé.
Si Nicolas Maduro a reçu le soutien de la Russie et de la Chine ainsi que de ses alliés habituels -Cuba, Nicaragua, Honduras et Bolivie-, il semble être isolé avec l'afflux de réactions négatives ou sceptiques de la communauté internationale.
Neuf pays d'Amérique latine (Argentine, Costa Rica, Équateur, Guatemala, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine, Uruguay) ont ainsi appelé dans une déclaration commune à un "réexamen complet avec la présence d'observateurs électoraux indépendants".
Le Brésil et la Colombie, deux pays de gauche, ont respectivement demandé une vérification du dépouillement alors que les États-Unis ont affirmé "craindre que le résultat annoncé ne reflète pas la volonté ou le vote du peuple vénézuélien".
Le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, et la France ont appelé à la "transparence totale" demandant comme l'opposition l'intégralité des procès-verbaux et des résultats.
Dans ce contexte, sur X et Facebook, une vidéo censée montrer une manifestation spontanée en réaction à ces résultats très contestés a été largement partagée en français, anglais, espagnol, turc et portugais.
On y voit une foule nombreuse qui semble fuir des tirs de gaz lacrymogène.
"Venezuela : il est 14h08 à Caracas. Les populations sont massivement sorties manifester pour 'défendre la démocratie' et 'dénoncer le hold-up électoral' après les résultats officiels qui donnent la victoire à Nicolas Maduro", assure par exemple une légende de la vidéo virale.
Mais contrairement à ce qu'affirment ces internautes, ces images ne datent pas des manifestations actuelles mais ont plus de sept ans.
Anciennes manifestations
Une recherche d'image inversée permet en effet de retrouver des occurrences de cette vidéo en ligne dès le 20 avril 2017 (lien archivé ici). Parmi les profils la relayant se trouve le compte YouTube du quotidien argentin La Capital Mar del Plata qui légende ainsi la séquence : "Les lecteurs envoient une vidéo inédite de la répression au Venezuela" (lien archivé ici).
Plusieurs manifestations massives se sont déroulées à partir d'avril 2017 au Venezuela, pays sud-américain en profonde crise politique et économique, où l'opposition, majoritaire au Parlement à partir de fin 2015, tentait de forcer le départ anticipé du président socialiste (lien archivé ici). Les autorités avaient alors violemment réprimé ces soulèvements durant lesquels plusieurs personnes étaient décédées et des centaines arrêtées.
Les 19 et 20 avril 2017, de vastes protestations dans la capitale Caracas avaient été émaillées d'affrontements entre manifestants de l'opposition et forces de l'ordre (lien archivé ici).
Comme le raconte le média El Diario, le 19 avril des manifestants avaient envahi l'autoroute Francisco Fajardo près du quartier Bello Monte au sud-est de la capitale. Confrontés aux forces de l'ordre, ils avaient dû rebrousser chemin et certains avaient terminé dans le Guaire, une rivière qui traverse Caracas.
Plusieurs indices visuels indiquent que la vidéo que nous examinons a été filmée au niveau de cette autoroute.
Dès les premières images, on remarque un bâtiment orné de banderoles et surplombé par un panneau publicitaire. Il s'agit d'un immeuble situé au-dessus d'un supermarché Central Madeirense, par ailleurs visible sur une photo prise par l'AFP le 19 avril 2017.
Un peu plus tard dans la vidéo, on aperçoit un bâtiment jaune aux larges fenêtres comportant l'inscription "Sabor Venezolano" c'est-à-dire "saveur vénézuélienne" en français. Il s'agit du slogan local du chocolat Nestlé Savoy.
Une recherche avancée sur intertnet avec les termes "Nestlé Savoy" et "Caracas" permet de retrouver sur la carte collaborative Wikimapia une photo du panneau publicitaire surplombant la bâtiment jaune de la vidéo (lien archivé ici). Les coordonnées indiquées sur le site correspondent à un emplacement au bord de l'autoroute Francisco Fajardo de Caracas.
Selon le journaliste et activiste Melanio Escobar, le logo Nestlé Savoy a été démonté en 2019 (lien archivé ici). Une recherche avec l'outil Street View de Google Maps permet de confirmer que la publicité se situait bien au bord de l'autoroute Francisco Fajardo et qu'elle a aujourd'hui était remplacée par le logo de Forum, une enseigne de supermarchés (lien archivé ici).
Enfin, on distingue clairement tout au long de la séquence les différents niveaux composant l'autoroute ainsi que l'avenue adjacente.
D'autres manifestations avaient éclaté tout au long de l'année 2017 alors que les pouvoirs du président avaient été renforcés. En 2018, lors de la réélection déjà contestée de Nicolas Maduro à la présidence lors d'un scrutin boycotté par l'opposition par manque de garantie sur la transparence du processus électoral, plus d'une centaine de manifestants avaient été tués dans les manifestations sévèrement réprimées.