Un enfant reçoit une dose de vaccin contre la rougeole dans un hôpital de la ville côtière marocaine de Temara, le 27 février 2025. (AFP / ABDEL MAJID BZIOUAT)

La responsabilité d'un médecin en cas d'effets secondaires liés à un vaccin obligatoire ne peut pas être engagée

En France, onze vaccinations sont obligatoires pour les bébés et conditionnent l'entrée en crèche ou à l'école. Dans un contexte de défiance vaccinale, des internautes partagent sur les réseaux sociaux un modèle d'"attestation médicale" que les parents devraient faire signer au médecin souhaitant vacciner leur enfant, afin de lui faire reconnaître une "coresponsabilité" en cas de survenue d'"effets secondaires néfastes". Cependant, le document partagé n'a aucune valeur juridique: c'est l'Etat qui endosse l'entière responsabilité en cas de dommages liés à une vaccination obligatoire.

Depuis le 1er janvier 2018, onze vaccinations sont obligatoires pour les tout-petits en France. Il s’agit des vaccinations contre la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b, l’hépatite B, les infections à pneumocoque, les infections invasives à méningocoque ACWY, la rougeole, les oreillons et la rubéole, comme détaillé sur le site de l'assurance maladie (lien archivé ici).

Depuis 2018, il n'existe plus de sanction pénale pour un parent refusant les vaccins obligatoires pour son enfant. Ces injections restent cependant obligatoires pour être admis en crèche ou en collectivités d'enfants.

"Les vaccinations sont le moyen le plus efficace de protéger un enfant contre des maladies pouvant avoir des conséquences plus graves qu’on ne le pense habituellement", rappelle le site d'information sur les vaccins Infovac (lien archivé ici). Les vaccinations - obligatoires comme recommandées - concernent "exclusivement des vaccinations efficaces et sûres apportant un bénéfice démontré pour la santé individuelle et la santé publique", précise d'ailleurs le site.

Toutefois, la désinformation médicale - omniprésente sur les réseaux sociaux - peut troubler certaines familles et des professionnels de santé français redoutent que de plus en plus de parents hésitent à faire vacciner leurs nourrissons

"On perçoit un mouvement très préoccupant, avec de plus en plus de parents méfiants qui nous ressortent des vieilles polémiques sur la vaccination des enfants", alertait ainsi Robert Cohen, pédiatre et infectiologue (lien archivé ici), dans cette dépêche de l'AFP publiée en avril (lien archivé ici).

C'est dans ce contexte que des internautes partagent sur les réseaux sociaux - et notamment dans des groupes antivaccins - une soi-disant "attestation médicale", invitant les parents à la faire signer au médecin qui voudrait vacciner leur enfant afin de lui faire reconnaître sa responsabilité en cas d'effets secondaires. Si le professionnel décline, les parents sont incités à refuser la vaccination.

"Demandez à votre médecin de vous remplir cette attestation avant un vaccin et vous constaterez par vous-même qu'il ne le fera pas et ne vous incitera pas à le faire. Car cette attestation le rend responsable de ses actes", affirment-ils (1, 2, 3, 4).

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Capture d'écran d'une publication sur Facebook, réalisée le 09/05/2025.

Cependant, ce document n'a aucune valeur, ont expliqué à l'AFP l'Ordre des médecins ainsi que plusieurs professionnels : il est donc logique que les médecins refusent de le signer.

"Cette attestation médicale n'a aucun intérêt et n'a aucune valeur médicale", indique ainsi Claire Siret, présidente de la section santé publique du Conseil national de l'Ordre des médecins, à l'AFP le 30 avril (lien archivé ici).

"Ce document n'a strictement aucune valeur juridique", abonde Hervé Haas, pédiatre et président du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique, le 7 mai à l'AFP (lien archivé ici).

L'Etat, seul responsable

L'"attestation" partagée prévoit que le médecin signataire puisse accepter d'endosser "la coresponsabilité de l'éventualité des effets secondaires néfastes qui pourraient survenir". Mais, en matière de vaccinations obligatoires, c'est l'Etat qui est seul responsable des éventuels effets secondaires. 

"Les médecins ne peuvent pas s'engager à reconnaître une quelconque responsabilité car, puisque ce sont des vaccinations obligatoires, c'est l'État qui porte la responsabilité des effets secondaires. Cette attestation est fausse, il est donc impossible de la signer", explique Claire Siret.

La responsabilité civile personnelle du médecin en cas de dommage lié à une vaccination ne peut être engagée que pour faute (conformément à l'article L.1142-1 du code de la santé publique), comme expliqué dans ce document du ministère de la Santé (lien archivé ici). En effet, "le médecin est tenu à une obligation de moyens et non de résultat", peut-on lire.

"Constituent une faute, une prescription fautive du vaccin, un manquement à une obligation technique, une maladresse ou une négligence", est-il précisé.

Dans l'"attestation médicale" partagée dans les publications que nous examinons, il est écrit qu'en la signant le médecin "reconnaî[t] avoir été informé par les parents de l'enfant vacciné, qui ont pris connaissance du site : http://www.infovaccin.fr/legislation_vaccinale.html qu'ils recourront légalement à la Justice, contre moi-même et le gouvernement à l'origine du décret précité, en cas de problème(s) de santé de l'enfant vacciné désigné ci-avant, découlant de cette (ces) vaccination(s)".

Attention cependant, le site mentionné est celui de la "ligue nationale pour la liberté des vaccinations", une association créé dans le but de lutter contre l'obligation vaccinale, et dont le nom de domaine ressemble à s'y méprendre à celui du site d'informations sur les vaccins "Infovac" mentionné plus haut.

Pour Hervé Hass, ce document "traduit tout simplement la tendance d'un certain nombre de personnes qui sont opposées à la vaccination de mettre la pression sur les médecins pour essayer de les faire reculer. C'est clairement de l'intimidation". Le risque étant que des médecins "pas très bien informés prennent peur et, plutôt que de rentrer dans un conflit, baissent les bras", regrette-t-il.

Le médecin a pourtant pour devoir de suivre les recommandations officielles et de prescrire la vaccination : "il est en faute s'il ne le fait pas", déclare également le pédiatre Robert Cohen le 7 mai à l'AFP.

Aussi, le fait, pour les médecins, de couvrir le refus de vaccins des parents en dehors des situations exceptionnelles (contre-indications) entraîne "votre responsabilité professionnelle", leur rappelle l'Ordre des médecins (lien archivé ici).

"Vous vous exposez aussi à des sanctions pénales pour faux et usage de faux si vous rédigez un certificat de complaisance de contre-indication à la vaccination ou si vous signez le carnet de santé de l’enfant dans la partie vaccination alors qu’il n’a pas reçu les vaccins obligatoires", précise l'Ordre.

Effets secondaires liés à la vaccination

"Il y a des risques à toute vaccination et des contre-indications. Ça fait partie de notre métier de les connaître et d'en informer les parents", insiste Claire Siret.

"Chaque fois que l'on me demande: 'Est-ce que vous garantissez qu'il n'y a pas de risque ?' Je réponds que non, ça n'existe tout simplement pas en médecine", rappelle également Robert Cohen.

Comme pour tous les médicaments, les vaccins peuvent en effet provoquer des effets indésirables (ou effets secondaires), explique le site Vaccination Info Service (lien archivé ici). "Les effets indésirables les plus fréquents sont une fièvre légère et une douleur ou une rougeur au point d'injection. Les effets indésirables graves sont très rares et font l'objet d'un suivi et de recherches approfondies lorsqu'ils surviennent."

"Il y a plus de risque d'avoir une maladie grave quand on n'est pas vacciné que d'avoir un effet indésirable grave lié à la vaccination", insiste le site.

Et pour les personnes victimes de dommages à la suite d’une vaccination obligatoire, il existe un régime de réparation devant l'Oniam, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, auquel peut recourir "toute personne ayant subi un dommage suite à une vaccination obligatoire imposée par la législation française et effectuée : dans le cadre d'une activité professionnelle, exercée dans un établissement ou organisme, public ou privé, de prévention de soins ou d’hébergement de personnes âgées, et exposant à des risques de contamination ; dans le cadre d'un cursus scolaire préparant à l'exercice des professions médicales et des autres professions de santé pour lequel une part des études a été effectuée dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins ; au titre des vaccinations infantiles imposées par la loi" (lien archivé ici).

En 2023, 17 demandes d'indemnisations de dommages liés à une vaccination obligatoire ont été déposées à l'Oniam et huit personnes ont été indemnisées à l'amiable, selon le rapport d'activité de l'organisme (lien archivé ici).

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