
Attention, ces tests ne montrent pas la présence de viande humaine et de rat dans les fast-foods du monde entier
- Publié le 13 mai 2025 à 12:34
- Lecture : 11 min
- Par : Cintia NABI CABRAL, AFP France
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"De l'ADN de rat et d'humain retrouvé dans plein de fast-foods dans le monde entier (...) comme celui qui est derrière moi", affirme un internaute dans une vidéo publiée sur TikTok le 24 mars 2025, pointant vers le logo de McDonald's en arrière-plan. La vidéo a été aimée par plus de 36.000 internautes et visionnée près de 600.000 fois.
Indigné, l'auteur de la publication explique que le laboratoire américain Clear Labs a "fait une analyse moléculaire et ils ont retrouvé plus de 200 burgers américains avec des ingrédients surprenants comme de l'ADN humain et de rats. Il y a plus de 79 fast-foods dans le monde entier où ils ont retrouvé cet ADN".
"On bouffe de la viande humaine ?", s'interroge l'internaute, tout en établissant un lien entre les résultats de cette "étude" et une publicité récente de KFC où, selon lui, l'enseigne de fast-food reconnaîtrait clairement "devant nos yeux qu'on boufferait de la viande humaine, mais pas de la viande de poulet comme certains disent". "Donc l'être humain, en gros, on serait des cannibales en fait, des cannibales sans se rendre compte de ce qu'on bouffe", conclut-il.

Des messages similaires circulent sur Facebook (1, 2, 3, 4), TikTok, Instagram et X, et dans plusieurs langues comme l'espagnol, l'italien et le portugais.
"C'est une analyse moléculaire qui a été réalisée sur cette viande et aux Etats-Unis (...). Donc ça peut être en France aussi et dans les autres pays, si c'est aux Etats-Unis, sachant que la base de McDo c'est aux Etats-Unis", affirme un autre internaute sur TikTok.
Mais l'idée selon laquelle ces tests cités prouveraient la présence de viande humaine et de rat dans des hamburgers, qui plus est dans les fast-foods du "monde entier", est fausse. Par ailleurs, les analyses menées sur les échantillons ne relèvent pas d’une étude scientifique qui aurait été publiée dans une revue scientifique.
Des tests d'un laboratoire californien de 2016
Un recherche par mots-clés a permis de retrouver l'article affiché en capture d'écran dans les vidéos ("L'analyse moléculaire de plus de 200 burgers américains a révélé des ingrédients surprenants, y compris de l'ADN d'homme et de rat"). Publié sur le site Overblog le 11 mai 2016, cet article écrit en français indique qu'il résume les résultats de tests élaborés par le laboratoire américain Clear Labs. Il n'y est à aucun moment question de "viande humaine" ou de "cannibalisme", contrairement à ce que prétendent les auteurs des publications virales (lien archivé ici).
"A la fin de l'année dernière, les spécialistes de Clear Labs ont noté qu'il n'y avait 'rien d'inquiétant' dans la présence d'ADN humain dans les burgers; cela signifiait probablement que quelqu'un avait tout simplement touché à la nourriture sans porter de gants", peut-on aussi y lire.
Si le lien vers le rapport des tests de Clear Labs, mentionnée dans l'article, mène aujourd'hui à un message d'erreur, l'AFP a retrouvé une version archivée de la page grâce à WayBack Machine, permettant de consulter le contenu original. Intitulée The Hamburger Report ("Rapport sur les hamburgers"), le rapport a été publié en mai 2016 par ce laboratoire américain spécialisé dans l'analyse de produits alimentaires.
"Notre vaste base d'échantillons - 258 échantillons de 79 marques et 22 détaillants - a été soigneusement sélectionnée pour fournir un aperçu statistiquement significatif de l'industrie du hamburger qui identifie, avec précision, les informations et les tendances concernant la sécurité et la qualité des aliments. Nous avons analysé de la viande hachée, des galettes congelées, des produits de fast-food et des produits de burger végétarien", peut-on lire dans le document.
Quant au lieu de prélèvement, les auteurs de ces tests précisent avoir collecté les 258 échantillons auprès de détaillants et de chaînes de restauration rapide dans le nord de la Californie. L'échantillonnage visait à être représentatif à la fois des marques nationales américaines et de celles spécifiques à la côte ouest.

Parmi ces 258 échantillons, Clear Labs signale des problèmes d'hygiène dans seulement 1,6% des cas.
"Nous avons détecté de l'ADN humain dans l'échantillon d'un burger végétarien congelé. Bien que nos tests détectent l'ADN humain, ils ne peuvent pas nous indiquer la source précise de cet ADN. La cause la plus probable est un cheveu, de la peau, ou un ongle qui aurait été accidentellement mélangé lors du processus de fabrication".
Les experts ont également trouvé de l'ADN de rat dans trois échantillons : un burger de fast-food, un burger végétarien et un échantillon de viande hachée.

L'AFP n'est pas en mesure d'évaluer la qualité de tests en question. Mais il est clair qu'elle parle de traces d'ADN, et non pas de viande d'humain et de rat, trouvées dans une poignée d'échantillons.
Contacté par l'AFP le 30 avril 2025, Jean Chaudière, biochimiste et professeur émérite de l'Université de Bordeaux, a expliqué qu'il était "normal de retrouver de l'ADN (même beaucoup) dans les aliments qu'on consomme, essentiellement de l'ADN de plante et/ou d'animal. Retrouver de l'ADN humain dans un aliment à consommer signifie qu'il y a eu contact entre l'aliment et un être humain, ce qui est probablement assez systématique, parce que la confection d'un aliment prêt à la vente implique de manipuler des plantes, de la viande ou du poisson dans un environnement initialement non stérile" (lien archivé ici).
"Bien que désagréable, il est important de souligner qu'il est peu probable que l'ADN humain ou l'ADN de rat soit nocif pour la santé des consommateurs. Ce que beaucoup de consommateurs ignorent, c'est que certaines quantités d'ADN humain et de rat peuvent entrer dans une plage réglementaire acceptable. Les quantités que nous avons détectées dans nos recherches se situaient très probablement dans la plage réglementaire acceptable telle que nous la comprenons", indiquait également le rapport de Clear Labs.
Sur ce point, le biochimiste Jean Chaudière souligne que "des 'traces' d'ADN humain ne signifient pas forcément un problème de sécurité alimentaire (...). Evidemment, en fonction des quantités dont on parle, il peut y avoir un problème d'hygiène (ADN humain, ADN de rat), ou un problème de fraude (ADN de porc)".
Par ailleurs, le rapport de Clear Labs souligne que, de manière générale, "la présence d'ADN humain et de rat est un indicateur potentiel de mauvaise qualité et reflète des problèmes de conformité incohérente aux protocoles de manipulation. Bien que nous ne le considérions pas comme une préoccupation de santé publique, cela crée également le risque potentiel que ce produit devienne une anomalie alors que l'industrie évolue vers une transparence accrue et des normes de qualité plus strictes".
"La faible incidence des problèmes d'hygiène relevés dans notre étude témoigne du sérieux de l'ensemble de l'industrie du burger et de la rigueur des protocoles appliqués pour garantir une manipulation sûre des aliments", conclut le rapport.
Des géants du fast-food visés sur les réseaux, malgré l’anonymat des données
Bien que Clear Labs ne divulgue pas les noms d'enseignes correspondant aux échantillons où a été retrouvé de l'ADN humain ou de rat, certains internautes disent s'appuyer sur ces tests pour accuser des géants du fast-food comme McDonald's ou encore Kentucky Fried Chicken (KFC) de mettre de la viande humaine et de rat dans leurs burgers.
Contacté par l'AFP le 30 avril, McDonald's a démenti ces rumeurs. Selon le porte-parole de McDonald's France, "100% de la viande vient d'Union européenne", plus précisément de France, des Pays-Bas et d'Irlande. L'entreprise assure que "la France est majoritaire dans les approvisionnements" et que tous les abattoirs sont contrôlés et partenaires de longue date. C'est également ce qu'indique la rubrique du site de l'enseigne intitulée "Steaks hachés chez McDo : 100% pur bœuf, tout simplement !" (lien archivé ici).
"Le steak haché est une des matières les plus sensibles (...). Il n'y a naturellement aucun mélange de minerais de viande", a assuré ce porte-parole à l'AFP, faisant valoir que McDonald's est très rigoureux sur la qualité et la traçabilité de ses steaks.

Les contrôles des matières premières sont "systématiques et documentés, à réception des muscles de bœufs chez nos fournisseurs de steak hachés", et "des audits ont lieu tous les ans dans les abattoirs partenaires (en annoncé et en non annoncé) par nos fournisseurs mais également, et surtout, par des organismes d'audit tiers", a encore précisé McDonald's. La marque garantit pouvoir retracer un steak jusqu'à la ferme d'origine en quelques heures.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que McDonald's est la cible de rumeurs concernant l'origine de sa viande.
Depuis plus de dix ans, certains sites ou comptes en ligne affirment, à tort, que de la viande humaine (1, 2, 3, 4), parfois même celle d'enfants (1, 2, 3), aurait été retrouvée dans les restaurants de l'enseigne. L'une des fausses nouvelles les plus virales vient d'ailleurs du site satirique Huzlers, qui avait publié un article parodique en mars 2014, selon le site de vérification des faits américain Snopes. Depuis, certains internautes croient, à tort, qu'il s'agit d'une information authentique (lien archivés ici et ici).
"On voit passer régulièrement les mêmes types de rumeurs", constate le porte-parole de McDonald's. Selon ce dernier, à force d'être très connue, la marque attire aussi beaucoup de fantasmes autour de ses produits, comme la composition de nuggets ou l'"ajout d'anti vomitif dans ses pains".

McDonald's n'est pas la seule grande chaîne de restauration rapide à faire l'objet de fausses affirmations. Après la diffusion d'une publicité en mars 2025, KFC a, elle aussi, été accusée de cannibalisme sur les réseaux sociaux, comme ici, ici et là.
Contacté par l'AFP le 6 mai, KFC France a démenti, affirmant qu'elle "attache une importance particulière à son ancrage local et à la qualité de ses produits. Ainsi, l'enseigne collabore avec 600 éleveurs français représentant près de 50% de son approvisionnement en poulet. 100% des filets de poulet des burgers et wraps, et 100% des hot wings (ailes épicées) servis en restaurant sont Origine France". Selon l'enseigne, le reste de son approvisionnement en poulet est exclusivement issu d'élevages situés dans des pays membres de l'Union européenne, "principalement répartis entre les Pays-Bas et la Pologne".
"L'ensemble des élevages partenaires de KFC France est sélectionné selon des critères stricts et respecte des standards rigoureux en matière de traçabilité et de sécurité alimentaire", ajoute le géant de fast-food dans le courriel électronique adressé à l'AFP.

Interrogé par l'AFP, Jean Chaudière souligne qu'appeler la chair humaine de la "viande" revient à considérer qu'elle pourrait être vendue comme aliment, ce qui serait du cannibalisme : "Je ne pense pas qu'il y ait une région du monde où il soit aujourd'hui documenté que ce type de pratique tribale existe encore".
Selon le règlement (UE) n°1169/2011, les denrées alimentaires présentées à la vente, qu'elles soient préemballées ou non, doivent respecter un étiquetage clair et précis afin d'informer au mieux le consommateur (lien archivé ici).