
Cette photo ne montre pas un affrontement entre les partisans de Tidjane Thiam et ceux d’Alassane Ouattara
- Publié le 08 mai 2025 à 17:49
- Mis à jour le 08 mai 2025 à 17:50
- Lecture : 4 min
- Par : SUY Kahofi, AFP Côte d'Ivoire
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"Côte d’Ivoire Des affrontements violents opposent en ce moment les partisans de ADO et Thiam à Marcory. Un policier venu séparer les deux groupes a malheureusement poignardé légèrement un partisan de Thiam. La situation est inquiétante", affirme l’auteur d'une publication partagée sur Facebook.
L’image qui accompagne ce message, publié le 23 avril 2025, montre une barricade improvisée, composée de grosses pierres et de pneus en feu dégageant une épaisse fumée noire. En arrière-plan, des personnes tenant pour certaines des pierres sont visibles.
Une recherche par mots-clés sur Facebook nous a permis de constater que plusieurs comptes et pages Facebook ont repris ce même texte avec la même photo (1, 2).

Cependant, cette image ne montre pas un quelconque affrontement entre les partisans de Tidjane Thiam et ceux d’Alassane Ouattara dans la commune de Marcory à Abidjan.
Une image décontextualisée prise à Conakry
Afin de retrouver l’origine exacte de cette photo, nous avons procédé à des recherches d’images inversées sur divers moteurs de recherche. Grâce à l’outil Google Images, nous avons retrouvé toute une série d’articles qui ont publié cette même photo. L’image est ancienne et a été prise en Guinée et non en Côte d’Ivoire.
Par exemple, dans cet article de Jeune Afrique publié il y a dix ans (le 14 avril 2015), il est question d’une "manifestation de l’opposition guinéenne à Conakry" qui a dégénéré. "Selon un bilan officiel, un jeune homme est décédé après avoir reçu une balle dans le thorax, et six autres personnes sont toujours hospitalisées," précise Jeune Afrique (l'article est archivé ici).
Si la photo a été publiée par de nombreux médias à l’époque, c’est parce que c’est une photo d’agence, en l'occurrence de l’AFP. En cherchant dans nos archives, nous avons pu confirmer qu’elle a été prise le 13 avril 2015 par le photographe Cellou Binani. Sa légende précise : "Barricades dans le centre-ville de Conakry, le 13 avril 2015.”
Aucune trace d’affrontement à Marcory
Le bureau régional de l’AFP en Côte d’Ivoire a indiqué n’avoir eu écho d’aucun affrontement entre les partisans de l’opposition et ceux du pouvoir. Aucun article sur un tel évènement n’a été publié dans les médias locaux ni internationaux.
AFP Factuel s’est rendu dans la commune de Marcory à Abidjan les 2 et 3 mai 2025. Aucun élément ne montre que pro-Thiam et pro-Ouattara s’y sont affrontés. Nous avons interrogé plusieurs habitants de la commune et tous ont indiqué que depuis la décision de justice portant sur l’exclusion de M. Thiam de la liste électorale, la commune est tranquille.
"Je vis dans le quartier depuis plus de 10 ans et s’il y a avait eu des affrontements, vous les journalistes auriez été les premiers à le savoir et à couvrir cet évènement. Il n’y a rien eu ici", a indiqué Isidore Kouamé, un habitant du quartier de Marcory-Résidentiel.
La commune de Marcory abrite quatre commissariats de police. Nous nous sommes rendus dans chacun de ces commissariats, dont les officiers nous ont renvoyés à leur hiérarchie pour tout commentaire officiel. La Police Nationale de Côte d’Ivoire n'a pas répondu à nos sollicitations.
L’opposition ivoirienne se cherche un leader
Un vif débat alimente la toile depuis l’exclusion de Tidjane Thiam de la liste électorale en Côte d’Ivoire (lien archivé ici). Les partisans du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dont il est le président, évoquent une décision politique et non de justice, visant à écarter leur candidat de la course à la présidentielle.
Le premier tour de la présidentielle doit se tenir le 25 octobre 2025. Avec l’exclusion de Tidjane Thiam, l’opposition ivoirienne se voit amputée de ses principaux leaders : Laurent Gbagbo, investi par le Parti des peuples africains - Côte d’Ivoire (PPA-CI), Guillaume Soro, en exil depuis 2019 et Charles Blé Goudé ne figurent pas non plus sur la liste électorale en raison de leurs condamnations par la justice ivoirienne.
Reste en course Simone Ehivet, l’ex-épouse de Laurent Gbagbo, Jean-Louis Billon, l’ex-ministre du Commerce et transfuge du PDCI, et Pascal Affi N'Guessan, ancien Premier ministre ivoirien (2000 -2003), pour le Front populaire ivoirien (FPI).
De son côté, le président Alassane Ouattara ne s’est pas encore prononcé sur une éventuelle candidature mais s'est dit en janvier "en pleine santé et désireux de continuer de servir [son] pays" (lien archivé ici).