Non, cette étude ne prouve pas que le vaccin contre la grippe augmente les risques d'attraper l'infection

L'épidémie de grippe, particulièrement violente cette saison, s'est achevée en France métropolitaine, a annoncé l'agence de santé publique le 9 avril. Sur les réseaux sociaux, des internautes relaient une étude réalisée par la Cleveland Clinic aux Etats-Unis en prétendant qu'elle démontre que le vaccin contre la grippe augmente les risques d'attraper l'infection. C'est faux : l'étude ne suggère pas ce lien, explique la Cleveland Clinic à l'AFP, mais constate une faible efficacité du vaccin contre la grippe sur l'infection cette année.

"Leur monde de mensonges s'écroule ! À la suite d’une étude majeure, la Cleveland Clinic, de renommée mondiale, a confirmé que les vaccins contre la grippe sont inefficaces pour prévenir les cas de grippe et ne font qu’augmenter le risque de préjudice", affirme sur X Silvano Trotta, relais régulier de fausses informations (1, 2).

"Une bombe ! Une nouvelle étude de l’hôpital de Cleveland, publiée dans la presse américaine, vient de démontrer que les travailleurs de la santé qui ont reçu le vaccin contre la grippe 'voyaient le risque d’attraper la grippe augmenter de 27%'", écrit quant à lui Florian Philippot, fondateur du mouvement des Patriotes.

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Capture d'écran d'une publication sur X, réalisée le 15/04/2025.

Cependant, cette étude ne suggère pas que la vaccination contre la grippe augmente les risques d'infection mais constate une faible efficacité du vaccin cette année.

Que dit l'étude ?

L'étude en question a été réalisée par la Cleveland Clinic - centre médical universitaire américain - et a été rendue publique le 4 avril 2025 sur MedRxiv, un serveur qui héberge des prépublications dédiées à la santé (lien archivé ici). Cette étude n'a donc pas encore fait l'objet d'une publication dans une revue scientifique et n'a pas été relue par d'autres chercheurs. Ainsi, l'étude "ne doit pas être utilisée pour guider la pratique clinique", précise le le serveur. 

Il est donc "un peu prématuré de chercher à tirer des conclusions définitives à partir de ce travail", met également en garde Antoine Flahault, spécialiste en santé publique et en épidémiologie (lien archivé ici), même si "les auteurs et l’institution à laquelle ils appartiennent sont crédibles et sérieux", interrogé par l'AFP le 15 avril.

L'étude avait pour but d'évaluer "l'efficacité du vaccin antigrippal au cours de la saison virale respiratoire 2024-2025".

Selon l'étude, sur 53.402 employés d'un hôpital américain, 43.857 - soit 82,1% - ont reçu une injection de vaccin contre la grippe pour la saison 2024-2025.

"Ils ont tous été suivis 25 semaines et 1.079 personnes (2,02%) ont rapporté une grippe confirmée par PCR. Ils furent autant à avoir la grippe entre les vaccinés et les non-vaccinés dans les phases précoces de l’épidémie , puis davantage chez les vaccinés que les non vaccinés à la fin de l’étude", analyse Antoine Flahault.

"Ainsi, au final le risque de contracter la grippe était accru de 27% chez les vaccinés par rapport aux non-vaccinés", ajoute-t-il.

Toutefois, ces résultats "ne suggèrent pas que la vaccination augmente le risque de grippe", affirme à l'AFP Andrea Pacetti, porte-parole de la Cleveland Clinic - une telle affirmation ne figure d'ailleurs pas dans les conclusions de l'étude.

Ces résultats indiquent simplement que, dans l'échantillon observé, plus de personnes ayant été vaccinées ont eu la grippe que de personnes non-vaccinées, mais cet écart peut s'expliquer par de multiples raisons, et n'est pas relié au vaccin en lui-même.

Notamment, les données analysées "provenaient d'une population relativement saine d'environ 50.000 travailleurs de la santé et n'étaient pas représentatives de la population générale", explique tout d'abord Andrea Pacetti.

De plus, "seul un petit nombre [1.079 (2 %)] a contracté la grippe au cours de la période d'étude", tient-elle à souligner.

L'étude implique donc seulement que "l'efficacité du vaccin de cette saison dans la prévention de la grippe pourrait avoir été limitée chez les travailleurs de la santé en relativement bonne santé".

Quelques limites de cette étude sont d'ailleurs à souligner : celle-ci ne comprenait pas d'enfants et "très peu de personnes âgées ou immunodéprimées" et n'a porté que sur les taux d'infection et n'a pas évalué les maladies graves ou les hospitalisations, "que les vaccins ont toujours eu pour effet de réduire", signale Andrea Pacetti.

Selon Antoine Flahault, il est également possible que "les personnels vaccinés aient été plus souvent exposés au virus que les non vaccinés, par exemple si les soignants au contact des patients étaient plus représentés dans le groupe vaccinés et les personnels administratifs dans le groupe non vaccinés", mais également que "ceux se sachant vaccinés aient pris moins de précautions pour éviter la grippe cette année (port du masque par exemple), que les non-vaccinés".

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Un employé montre le vaccin contre la grippe « Vaxigrip Tetra » dans le laboratoire du groupe pharmaceutique français Sanofi à Val-de-Reuil, dans le nord-est de la France, le 5 septembre 2022. (AFP / LOU BENOIST)

Quelle efficacité du vaccin contre la grippe ?

"Le vaccin antigrippal peut être très efficace pour réduire la gravité de la maladie, prévenir les hospitalisations et minimiser la propagation du virus, mais son efficacité peut varier en fonction de la souche du virus et de facteurs individuels, tels que l'âge et les conditions de santé sous-jacentes", rappelle Andrea Pacetti.

En effet, les vaccins sont produits très en amont des campagnes de vaccination, à partir d'une prévision des souches qui ont une forte probabilité de circuler et des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (lien archivé ici).

"Cette prévision est réalisée lors d’une réunion d’experts organisée chaque année par l’Organisation Mondiale de la Santé, en février pour la saison hivernale suivante dans l’hémisphère nord et en septembre pour l’hémisphère sud", explique Antoine Flahault.

En raison de ce processus de production, l'efficacité des vaccins contre la grippe varie d'année en année : "Si les antigènes contenus dans le vaccin correspondent aux virus en circulation, la vaccination offre aux enfants et adultes en bonne santé une protection efficace. Selon la saison et selon les personnes vaccinées, les études estiment l’efficacité de 20 à 80%", détaille le site d'information sur les vaccins Infovac (lien archivé ici).

Certaines années, il est donc possible "que les experts se trompent dans leurs prévisions et ne recommandent pas que la souche qui circulera effectivement l’hiver suivant soit incluse dans la composition vaccinale", souligne Antoine Flahault.

"Les fabricants de vaccins produisent un vaccin à partir des recommandations de l’OMS mais n’ont - par définition - pas la possibilité d’en évaluer l’efficacité avant que la saison ne débute. Ils se contentent généralement de tests réalisés sur le furet, un bon modèle animal, et font chez l’homme des tests de sécurité vaccinale, pour être sûrs que le nouveau vaccin sera bien toléré. Mais l’efficacité de ces vaccins saisonniers reste un angle mort de leur mise sur le marché", développe l'épidémiologiste.

Aux Etats-Unis, selon les chiffres des Centres de contrôles et de prévention des maladies américains (CDC), l'efficacité du vaccin contre la grippe était de 36% pour la saison 2021-2022, 30% pour la saison 2022-2023 et 42% pour la saison 2023-2024 (lien archivé ici).

Fin février, l'Agence américaine du médicament (FDA) a annulé la réunion annuelle d'experts organisée pour sélectionner les souches à utiliser dans les vaccins, dans un contexte de défiance croissante des Américains à l'égard des autorités sanitaires et des laboratoires pharmaceutiques, comme expliqué dans cet article de l'AFP.

En France, la grippe saisonnière est à l’origine de plusieurs dizaines de milliers d’hospitalisations par an. Chaque année, au minimum 4000 décès sont dus à la grippe.

La vaccination est recommandée "à toutes les personnes présentant un risque accru de complications, ainsi qu’aux personnes qui sont régulièrement en contact avec celles-ci, y compris les proches et les professionnels de santé", explique Infovac.

Cette année, l'épidémie de grippe s'est montrée particulièrement meurtrière, principalement chez les plus âgés et envoyant de nombreux enfants à l'hôpital.

Selon les experts, plusieurs facteurs ont contribué à cette situation, dont la circulation conjointe de plusieurs souches de virus et l'efficacité limitée du vaccin déployé cette saison.

Selon le dernier point de Santé Publique France, cette efficacité est estimée à 47% pour tous les groupes à risque, à 59% chez les moins de 65 ans avec affection de longue durée et à 38% chez les 65 ans et plus, vis-à-vis de l’ensemble des virus grippaux circulant en France hexagonale (lien archivé ici).

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