Attention, cette ancienne photo ne montre pas Ali Bongo en train de voter en 2025

La présidentielle gabonaise du 12 avril 2025 a maintenu au pouvoir le général Brice Oligui Nguema, arrivé à la tête du pays en 2023 par un coup d’Etat.  Alors que ses partisans se félicitent de sa victoire écrasante avec 90% des voix, une photo montrant Ali Bongo, son prédécesseur, circule sur les réseaux sociaux laissant croire que l’ex-président a publiquement voté lors de cette élection, alors qu’il vit reclus en résidence surveillée. Mais c’est faux : l’image a été prise pendant la présidentielle d’août 2023, quelques jours avant qu’Ali Bongo ne soit renversé.

"Ali Bongo Ondimba à sa sortie du bureau de vote ce samedi 12 avril 2025", affirme l’auteur d’un message publié sur Facebook le jour même (archivé ici). La publication est accompagnée d’une photo où l’on voit l’ancien président gabonais en train de glisser son bulletin dans une urne transparente, sous le regard attentif de deux hommes à ses côtés.

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Capture d'écran de Facebook, réalisée le 17 avril 2025

Pour certains internautes, ce message suscite de vieilles rancœurs contre la famille Bongo, d’autant plus que l’auteur de la publication prête à Ali Bongo des propos qu’il aurait tenus le 12 avril, à l’occasion de ce qui est présenté comme sa "toute première sortie publique".

"Il a même la chance d'être libre et il veut demander trop (sic)", commente un internaute. "Il est courageux hein", écrit une autre. 

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Capture d'écran de commentaires sur Facebook, réalisée le 15 avril 2025

Depuis le coup d’Etat du 30 août 2023, qui a mis fin à 55 ans de pouvoir de la famille Bongo, le Gabon a été dirigé par un président de transition, le général Brice Oligui Nguema. Les putschistes avaient promis de rendre le pouvoir aux civils à travers une élection démocratique.

Cependant, le général Brice Oligui Nguema s’est porté candidat, malgré les critiques d’une opposition peu visible, et a été élu au premier tour avec plus de 90% des voix, selon les résultats provisoires annoncés le 16 avril par le ministère de l'Intérieur.

Mais cette photo remonte en réalité à la présidentielle de  2023, et non pas à celle de 2025.

Depuis sa chute à la suite d’un coup d’État, Ali Bongo vit reclus à Libreville, en résidence surveillée. Les autorités affirment qu’il est "libre de quitter le pays" pour des soins médicaux, mais ses avocats dénoncent une privation "de liberté et de tout contact avec l’extérieur " (dépêche AFP archivée ici).

Pour retrouver l’origine du visuel diffusé sur les réseaux sociaux, nous l’avons téléchargé dans le moteur de recherche Google Lens.

Elle apparaît dans une dizaine d’articles de médias internationaux et locaux, relatant le déroulement de l'élection présidentielle du 26 août 2023 au Gabon, dont cet article du média gabonais La Libreville (archivé ici). 

Dans cette publication, la légende de la photo indique qu’elle provient du compte X (ex-Twitter) d’Ali Bongo.

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Capture d'écran du site de La Libreville, réalisée le 17 avril 2025

Nous la retrouvons effectivement sur le compte officiel d’Ali Bongo, publiée le 26 août 2023 avec cette légende : "J’ai accompli mon devoir citoyen. A voté ! #Gabon #MaVoixCompte241 #AliPourTous” (lien archivé ici).

Cette photo ne date donc pas de la dernière élection. 

Résidence surveillée 

Le président déchu, 66 ans, vit désormais à son domicile privé de Libreville, "en résidence surveillée” selon les autorités. "Il n’a même pas accès à un téléphone et jusqu’à aujourd’hui il n’a même pas le droit de parler avec nous, ses fils", dénonçait son fils Jalil Bongo,  le 27 mars sur son compte X (lien archivé ici).

Ali Bongo a lui-même reconnu les "insuffisances" de sa gestion dans une lettre ouverte publiée en septembre dernier tout en affirmant que cela "ne saurait justifier que tant d'abus soient perpétrés" contre sa femme et son fils (dépêche AFp archivée ici).  

Accusés d'avoir profité de la faiblesse d'Ali Bongo après son AVC en 2018,  Sylvia Bongo, son épouse de 62 ans, a été inculpée en 2023 pour "blanchiment de capitaux, recel, faux et usage de faux" et Noureddin, son fils de 33 ans, pour "corruption" et "détournements de fonds publics". Aucune date de procès n'a été fixée, mais le général Oligui a assuré que le délai légal de deux ans d'instruction serait respecté.

Ils sont "détenus en deuxième sous-sol sous le palais" présidentiel selon Pierre-Olivier Sur, l’un de leurs avocats. Quant à Ali Bongo, en février 2025, son avocate annonçait alors qu’il avait entamé une grève de la faim (lien archivé ici). 

Le 30 août 2023, à peine une heure après l’annonce officielle de sa réélection pour un troisième mandat, le régime Bongo a été renversé par une junte militaire baptisée “"Comité pour la transition et la restauration des institutions" (CTRI), dénonçant un scrutin frauduleux.

Brice Oligui Nguema, l'actuel président du Gabon, est vu par ses détracteurs comme l’héritier d’un système qu’il connaît bien. Ancien aide de camp du président Omar Bongo, il a ensuite dirigé la Garde républicaine sous le mandat de son fils, Ali Bongo, avant de prendre le pouvoir fin août 2023.

Sa victoire écrasante à la présidentielle de samedi 12 avril 2025 suscite la controverse. "L'addition des suffrages exprimés attribués à chaque candidat donne un total de 95,18% soit 4,82% de suffrages qui manqueraient au compteur", a souligné lundi l’ex-Premier ministre Alain-Claude Bilie-By-Nze, arrivé deuxième avec 3,02% des suffrages, en exprimant un "doute légitime sur la sincérité des chiffres avancés par le ministère de l’Intérieur" (lien archivé ici).

Les six autres candidats n’ont pas franchi la barre des 1 %. Le ministère annonce un taux de participation de 70,4 %, sur la base de 908 916 inscrits, un chiffre inférieur aux 920 000 annoncés la veille du scrutin.

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