Attention à ces affirmations sur la prétendue dangerosité des vaccins contre les méningocoques
- Publié le 06 janvier 2025 à 18:47
- Mis à jour le 06 janvier 2025 à 19:07
- Lecture : 8 min
- Par : AFP France
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"Les vaccins méningocoques B et C causent des méningites. C'est écrit dans les notices. Au 1er janvier 2025, ces vaccins seront obligatoires 0-2ans...", affirme dans plusieurs vidéos et publications Denis Agret - médecin radié par l'Ordre - et qui ont été partagées par d'autres utilisateurs sur X ou Facebook.
"Pourquoi j'alerte ? (...) C'est pas le Covid, une méningite. Une méningite vous pouvez finir en réanimation avec un purpura fulminant, avec des nécroses des membres...", lance-t-il dans l'une d'elles.
Attention cependant à ce discours erroné: les vaccins à méningocoques ne causent pas de méningites infectieuses, les plus dangereuses, ont clarifié plusieurs experts interrogés par l'AFP.
Qui est Denis Agret ?
Médecin montpelliérain connu pour son opposition aux vaccins contre le Covid-19, Denis Agret a été radié par l'Ordre des médecins. Une sanction qui a pris effet le 1er janvier 2025.
D'après la décision complète, citée dans cet article du Parisien (lien archivé ici), Denis Agret se voit notamment reprocher "d'avoir minimisé la pandémie, d'avoir traité les autorités de 'collabos' et de 'criminels', d'avoir critiqué la vaccination 'toxique', ou encore d'avoir menacé de mort le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie".
Pendant la pandémie, il partageait ainsi beaucoup de déclarations fausses sur la prétendue dangerosité des vaccins contre le Covid-19, vérifiées par l'AFP ici ou ici.
Dans une série de vidéos publiées sur ses réseaux sociaux, Denis Agret affirme désormais depuis septembre 2024 que "les vaccins méningocoques B et C causent des méningites", alors que la vaccination est devenue obligatoire pour les bébés depuis le 1er janvier 2025.
Les différentes méningites
La méningite est une inflammation des méninges, "les membranes qui protègent le cerveau et la moelle épinière", explique un article publié sur le site Vidal (lien archivé ici).
Il en existe plusieurs types. Le plus souvent, elles sont causées par des virus (comme celui de la rougeole, des oreillons, de l'herpès ou de la grippe) ou par une bactérie - les méningocoques par exemple.
Plus rarement, les méningites peuvent être provoquées par un champignon ou un parasite microscopique. Il existe également des méningites non infectieuses, "liées à une maladie auto-immune ou à un cancer métastasé", détaille l'article.
Les méningites bactériennes sont les plus dangereuses. Environ une personne sur dix dans la population générale (mais un adolescent sur trois) est porteuse de méningocoques sans qu'aucun symptôme de la maladie ne se déclare. Il arrive néanmoins qu’après avoir infecté les voies respiratoires, les méningocoques se propagent dans l'organisme via la circulation sanguine.
Dans ce cas, elles se manifestent notamment par une forte fièvre et une raideur de la nuque. Cette maladie - imprévisible et foudroyante - peut engendrer la mort en moins de 24 heures, sans prise en charge rapide. Correctement traitée, la mortalité reste de 10%.
La méningite à méningocoques peut aussi laisser des séquelles plus ou moins lourdes: amputation, surdité, troubles cognitifs, difficultés d'apprentissage...
Après l'arrêt des mesures sanitaires mises en place pendant le Covid-19, les méningites à méningocoques ont connu un "rebond sans précédent", alertait en 2023 l'Institut Pasteur (lien archivé ici), poussant le gouvernement à élargir la vaccination.
Selon les derniers chiffres, fournis à l'AFP par le Centre national de référence des méningocoques à l'Institut Pasteur, plus de 500 cas ont déjà été enregistrés entre janvier et novembre 2024, une légère hausse comparé à la même période de 2023.
En parallèle, le profil des bactéries impliquées a nettement changé. Les principaux méningocoques sont en effet séparés en grandes familles: A, B, C, W et Y. Pendant longtemps, B et C sont restés largement majoritaires. C'est toujours le cas de B. Mais C est devenu marginal, nettement derrière Y et W, cette dernière étant particulièrement meurtrière.
L'essor de ces familles de bactéries s'est accompagné d'une hausse des formes inhabituelles d'infection (formes abdominales, pneumopathies bactériennes, arthrites...), parfois plus difficiles à diagnostiquer.
Depuis le 1er janvier 2025, la vaccination contre les méningocoques - toutes souches confondues (A, B, C, Y et W) - est donc devenue obligatoire pour les tout-petits, comme expliqué dans cet article de l'AFP (lien archivé ici).
Chez les adolescents, une dose de rappel contre A, C, W et Y est désormais recommandée entre 11 et 14 ans, même s'ils ont bien reçu ce vaccin au plus jeune âge.
Auparavant, seule la vaccination anti-méningocoque C était obligatoire chez les moins d'un an, celle contre B n'était que recommandée. Chez les plus âgés, le vaccin C était recommandé jusqu'à 24 ans, seulement si la personne ne l'avait pas reçu comme prévu quand elle avait moins d'un an.
Vaccins inactivés
Denis Agret affirme que ces vaccins sont dangereux, mais "les vaccins contre les méningocoques ne peuvent en aucun cas provoquer une méningite infectieuse", rétorque l'infectiologue Muhamed-Kheir Taha, spécialiste du sujet à l'Institut Pasteur (lien archivé ici), interrogé par l'AFP le 2 janvier 2025.
"Ces vaccins ne sont pas composés de bactéries entières ou de bactéries vivantes. Il s'agit de morceaux de bactéries, il n'y a donc pas de possibilité infectieuse de faire une méningite", explique-t-il.
"Les vaccins actuellement utilisés ne sont pas des vaccins activés. Il n'y a donc aucune raison qu'ils transmettent la maladie de la méningite", le rejoint Benjamin Davido, infectiologue à l'hôpital Poincaré à Garches (lien archivé ici), contacté par l'AFP le 2 janvier 2025.
Comme preuve d'une prétendue dangerosité, Denis Agret brandit la notice de deux vaccins - Neisvac (méningocoque C) et Bexsero (méningocoque B) - alertant sur la présence dans les effets indésirables d'irritation méningée. "Donc une méningite", affirme-t-il.
Dans l'une de ses publications, il insiste, à propos des nouvelles mesures : "L'obligation ou incitation va concerner près de 9 millions: 0-2 ans+15 24 ans...dangereux."
Attention cependant à ce discours alarmiste. "Entre irritation méningée et méningites bactériennes [les plus dangereuses, NDLR], il y a une grande différence", souligne tout d'abord Muhamed-Kheir Taha.
"Une méningite infectieuse est définie par la présence d'un agent microbien (virus, bactérie, parasite ou champignon) dans les méninges avec une réaction inflammatoire dans les méninges (présence des cellules inflammatoires et modifications biochimiques du liquide cérébrospinal). Cela diffère de l’irritation méningée qui ne provoque aucune modification dans le liquide cérébrospinal", précise l'infectiologue.
De plus, pour les deux vaccins mentionnés dans la vidéo, l'irritation des méninges ne fait pas partie des événements rapportés lors des essais cliniques, mais des réactions spontanées rapportées dans le monde depuis leur commercialisation.
"Comme ces réactions ont été rapportées volontairement à partir d'une population de taille inconnue, il n'est pas toujours possible d'estimer de façon fiable leur fréquence. Ces réactions sont, en conséquence, listées avec une fréquence indéterminée", est-il détaillé sur la notice du vaccin Bexsero que l'on peut retrouver en ligne ici (lien archivé ici).
C'est ainsi le cas pour l'irritation des méninges, pour laquelle il est d'ailleurs précisé : "Des signes d’irritation des méninges, tels qu’une raideur de la nuque ou une photophobie, ont été rapportés sporadiquement peu de temps après la vaccination. Ces symptômes ont été de nature légère et transitoire."
"Si les vaccins peuvent très rarement causer une irritation méningée, ces vaccins ne peuvent en aucun cas provoquer une méningite infectieuse", clarifie Muhamed-Kheir Taha.
Parmi les effets secondaires très fréquents de ces vaccins figurent la fièvre, en particulier les nourrissons.
"Chez les bébés, la montée de fièvre peut entraîner des convulsions, mais cela n'a rien à voir avec une méningite, et c'est pour éviter cela que l'on recommande aux parents de donner un paracétamol avant l'injection", reprend l'infectiologue.
Muhamed-Kheir Taha ajoute d'ailleurs que depuis la mise sur le marché en Angleterre du vaccin contre le méningocoque B, "les données en vie réelle [en comparaison aux données obtenues pendant les essais cliniques avant la mise sur le marché, NDLR] montrent qu'il y a moins de cas de convulsions que ce que l'on attendait".
Quels vaccins désormais ?
Dans le cadre de l'élargissement de la vaccination contre les méningocoques, un seul vaccin, dit tétravalent, ciblera les souches A, C, W et Y.
Chez les nourrissons, ce sera le Nimenrix de Pfizer, donné en deux doses successives, à 6 et 12 mois.
Selon le site de réseaux d'experts sur la vaccination Infovac (lien archivé ici), ces vaccins conjugués "peuvent provoquer un peu de fièvre, une irritabilité, une fatigue ou un manque d’appétit, ainsi que des réactions (rougeur ou tuméfaction douloureuse) au site d’injection chez 1 à 4 enfants sur 10. Si la fièvre dépasse 39,5°C, elle peut provoquer une convulsion fébrile."
Cependant, "ces effets secondaires désagréables et passagers ne sont rien en comparaison des bénéfices d’une protection contre les méningocoques", précise l'article.
"Il ne s'agit pas d'un nouveau vaccin. C'est un vaccin que l'on utilise depuis des années, notamment chez l'adulte, dans la vaccination des voyageurs car nous savons que le méningocoque W circule beaucoup dans la ceinture subsaharienne par exemple", ajoute l'infectiologue Benjamin Davido.
Quant au vaccin contre le méningocoque B, il sera donné en trois doses successives à 3, 5 puis 12 mois et restera, comme actuellement, le Bexsero du laboratoire GSK.