Attention aux interprétations trompeuses d'une étude qui a montré des problèmes cardiaques chez des enfants vaccinés contre le Covid-19

Les vaccins à ARN messager contre le Covid-19 ont été associés à un risque augmenté de myocardite et de péricardite, une inflammation du muscle cardiaque et du péricarde. Ces effets secondaires restent toutefois très rares et sont généralement sans gravité. Sur les réseaux sociaux, des internautes ont partagé une étude portant sur des enfants et adolescents, en affirmant qu'elle montrait que seuls ceux vaccinés contre le Covid-19 présentaient des problèmes cardiaques. Attention, même si les chercheurs n'ont pas identifié de cas de myocardite ou de péricardite parmi les enfants non vaccinés du groupe étudié, ces affirmations sont trompeuses car elles ne prennent pas en compte les limites et biais de l'étude, comme l'explique l'un des auteurs à l'AFP. De plus, les cas observés parmi les vaccinés étaient "bénins et transitoires".

"Une étude portant sur 1,7 million d'enfants et d'adolescents qui ont reçu le vaccin Pfizer COVID a révélé une myopéricardite uniquement dans les groupes vaccinés", affirment de nombreux utilisateurs sur les réseaux sociaux (1, 2) depuis début octobre.

Ces publications partagent un article de blog du site de l'organisation anti-vaccins Children's Health Defense, dont les fausses affirmations font régulièrement l'objet d'articles de vérification de l'AFP (ici ou ici), et qui a été désignée par le Center for Countering Digital Hate - une ONG qui lutte contre la désinformation en ligne - comme l’un des douze principaux diffuseurs de désinformation pendant la pandémie. 

"Une vaste étude portant sur 1,7 million d'enfants a révélé que les lésions cardiaques ne se produisaient que chez les enfants vaccinés", ajoute un autre utilisateur sur X, partageant un extrait d'une vidéo publiée en anglais sur le site Vigilant News.

Image
Capture d'écran d'une publications sur X, réalisée le 03/12/2024.
Image
Capture d'écran d'une publications sur X, réalisée le 03/12/2024.

Tous font référence à cette étude (lien archivé ici) intitulée : "Efficacité de la vaccination contre le Covid-19 chez les enfants et adolescents"

Au moment de la publication de l'article, cette étude n'a pas encore été publiée dans une revue scientifique et a été mise en ligne sur medRxiv, une plateforme de "pré-publication", comme expliqué dans cet article de l'AFP.

Comme le rappelle medRxiv dès sa page d'accueil, "les prépublications sont des compte rendus préliminaires de travaux qui n'ont pas été validés par une revue par les pairs. Ils ne doivent pas servir de base à une pratique clinique ou d'un acte lié à la santé, et ne doivent pas être repris dans les médias d'information comme une information établie" (lien archivé ici).

Et attention, contrairement à ce qui est affirmé dans les publications que nous examinons, il est trompeur de dire que cette étude montre que des lésions cardiaques ne touchent que des enfants vaccinés contre le Covid-19, comme le confirme à l'AFP un des auteurs de l'étude.

Des cas "bénins et transitoires"

Tout d'abord, les auteurs n'ont identifié qu'un nombre "extrêmement faible d'enfants et d'adolescents ayant présenté une myocardite ou une péricardite après la vaccination", explique à l'AFP l'un de ses co-auteurs William Hulme (lien archivé ici), épidémiologiste statisticien au Bennett Institute for Applied Data Science.

Les myocardites, des inflammations du muscle cardiaque, et les péricardites, des inflammations de la membrane qui entoure le cœur, sont causées, la plupart du temps, par une infection virale (comme le Covid-19) et surviennent plutôt chez des hommes jeunes. Dans la majorité des cas, l'état de santé des patients s'améliore de lui-même ou à l'aide d'un traitement, indique le site de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (lien archivé ici).

Plus précisément, les chercheurs de l'étude que nous examinons ont identifié 2,7 cas de myocardite ou de péricardite pour 100.000 enfants après l'administration d'une première dose de vaccin contre le Covid-19, et 1 cas pour 100.000 après la deuxième dose de vaccin.

La plupart des cas étaient "bénins et transitoires", affirme William Hulme, et pour ceux qui ont dû être admis à l'hôpital, l'hospitalisation "n'a pas dépassé deux jours".

Il est ainsi "trompeur" de parler de "lésions cardiaques" qui suggérerait "un dysfonctionnement ou une maladie permanente ou prolongée". "On peut dire qu'aucun des enfants de l'étude ne présentait de 'graves malformations cardiaques', comme nous l'avons indiqué", insiste William Hulme précisant encore que "personne n'est décédé".

S'il est vrai que les chercheurs n'ont pas identifié de cas de myocardite ou de péricardite dans le groupe d'enfants et d'adolescents non vaccinés contre le Covid-19, "cela ne signifie pas qu'aucun cas ne s'est produit chez tous les enfants non vaccinés" dans la population en général, ajoute-t-il. 

"Nous n'avons pas identifié de myocardite ou de péricardite chez le groupe d'enfants non vaccinés car la taille de l'échantillon n'était pas suffisante. Il est évident que certains enfants présentent ces événements en l'absence de vaccination", explique William Hulme.

L'auteur met ainsi en avant les limites et biais de l'étude qu'il a réalisée. En effet, celle-ci est une étude observationnelle et non un essai randomisé - la méthode la plus fiable pour tester un traitement.

"Nous n'avons inclus dans notre analyse que les enfants non vaccinés qui ont été appariés à des enfants vaccinés", précise William Hulme. Cela signifie que les chercheurs ont associé des personnes vaccinées à des témoins non vaccinés sur la base de caractéristiques telles que l'âge, le sexe et la région.

"Des milliers d'enfants non vaccinés n'ont ainsi pas été inclus dans cette étude car ils n'ont pas été appariés à un enfant vacciné. Il s'agit d'une étude d'observation. Il y a donc toujours une possibilité de confusion non mesurée et d'autres biais, qui ne se produiraient pas dans un essai randomisé bien mené", détaille le chercheur.

Les personnes participant à un essai randomisé sont choisies de façon aléatoire "par le biais d'un tirage au sort", afin d'éviter certains biais (lien archivé ici).

"Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nos résultats ne reflètent pas entièrement ce qui aurait été observé dans un essai randomisé de vaccination chez les enfants", développe William Hulme.

En effet, dans une étude observationnelle, des facteurs tels que le statut socio-économique ou des comportements de santé spécifiques peuvent différer entre les groupes, entraînant des biais potentiels.

"Par exemple, les enfants vaccinés pourraient être plus enclins à se présenter aux services de santé après la vaccination s'ils présentaient des symptômes correspondant à une réaction indésirable au vaccin, même si celle-ci n'était pas due au vaccin", selon le chercheur.

Il explique également que les mêmes symptômes chez un enfant non vacciné n'auraient peut-être pas donné lieu à une visite médicale car "il n'y a pas eu de vaccination préalable pour que l'enfant ou le parent se dise 's'il s'agit d'une mauvaise réaction au vaccin, alors je dois aller à l'hôpital'", ou car les enfants non vaccinés sont "peut-être moins susceptibles en général de se faire soigner pour de tels symptômes".

Dans le cadre d'un essai randomisé, "ces biais auraient été surveillés et enregistrés dans l'étude", insiste l'auteur.

Un effet secondaire rare

Les myocardites et les péricardites peuvent résulter d'infections virales ou de maladies auto-immunes, comme l'explique le centre de recherches Johns Hopkins Medicine (liens archivés ici et ici).

En France, depuis l'été 2021, les myocardites et les péricardites sont considérées comme des effets indésirables pouvant survenir à la suite d'une vaccination contre le Covid-19 par un vaccin à ARN messager. Ce risque reste toutefois très rare et généralement sans gravité. 

En 2023, un rapport publié par l'Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé montrait ainsi que les cas de myocardites et de péricardites post-vaccinales, bien que plus fréquents chez les jeunes, sont généralement rares, bénins et se résorbent rapidement (archivé ici). 

Les centres de contrôle et de prévention des maladies américains (CDC) continuent d'ailleurs de recommander la vaccination contre le Covid-19 pour les enfants, affirmant que "les avantages de la vaccination l'emportent sur les risques connus de Covid-19 et d'éventuelles complications graves" (lien archivé ici).

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter