Attention, cette photo date de 2022 et montre une manifestation contre le président Déby

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Capture d'écran Facebook réalisée le 06 décembre 2024

Dans un communiqué de presse publié le 28 novembre sur Facebook, le ministère tchadien des Affaires étrangères a annoncé la fin des accords militaires avec la France (lien archivé ici). Cette décision entraînera entre autres la fermeture des trois bases françaises présentes dans le pays. 

Ces accords de coopération militaire étaient "complètement obsolètes" et ne correspondaient plus "aux réalités politiques et géostratégiques de notre époque", notamment face aux "attaques de dimension terroriste" auxquelles le pays est confronté, a ensuite précisé le président Mahamat Idriss Déby, lors d’un point presse le 1er décembre (lien archivé ici, voir dès la 16ème minute).

Cette décision a été positivement accueillie par les citoyens. Certaines publications sur les réseaux sociaux ouest-africains, notamment au Mali voisin, mettent en avant une photo censée montrer le peuple tchadien en liesse dans la rue pour célébrer cette annonce (comme archivé ici et ici). L'image, prise en gros plan, montre une centaine de jeunes hommes, dont certains brandissent le drapeau bleu-jaune-rouge du Tchad tout en levant le poing.

"Tchad vs FRANCE: les Tchadiens ont envahi les rues de Ndjamena pour soutenir la dénonciation de l'accord de défense avec l'armée macronienne et exiger leur départ sans délai", indique l’auteur d’une publication associée à cette image.

Une manifestation a en effet eu lieu vendredi 6 décembre en soutien à la rupture des accords militaires avec la France. Une foule d'environ 300 à 500 personnes, dont de très nombreux mineurs, s'est rassemblée à N'Djamena, la capitale, a constaté un journaliste AFP. 

En revanche, l'utilisation de cette photo dans des publications datant du 5 décembre ou avant est doublement trompeuse: d'une part, aucune manifestation n'avait encore eu lieu à ce moment-là, et d'autre part, l'image présentée est en réalité beaucoup plus ancienne et ne montre pas une manifestation visant la France.

Une image datant de 2022 

Il s'agit en fait d'une photo prise lors d'une protestation anti-régime violemment réprimée en 2022.

En procédant à une recherche d’image inversée avec l’outil Google Lens, on retrouve d’anciennes occurrences de cette photo dans des publications datant d'octobre 2022 sur Facebook et X. Elle est à chaque fois utilisée - notamment  par des médias locaux comme Tchad TV5 et LSI Africa - pour évoquer une manifestation survenue le 20 octobre 2022.

A cette date, et suite à l'appel de l'opposition, des milliers de Tchadiens avaient manifesté dans les rues de plusieurs localités du pays pour protester contre la prolongation du mandat de transition du président Idriss Déby, qui devait initialement durer deux ans (dépêche AFP archivée ici). Le général a depuis été officiellement élu, en remportant l'élection présidentielle de mai 2024. 

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Le 20 octobre 2022, lors d'une manifestation à N'Djamena, des manifestants ont exposé un corps recouvert du drapeau tchadien. (Dr Joseph Ampil, chef de l'hôpital Union Chagoua / AFP)

Interrogé sur l’image qui nous intéresse, Florent Nadjidoumdé, directeur de publication du journal N'djamena Bi-Hebdo, a assuré le 3 décembre au correspondant de l’AFP au Tchad qu’”il s'agit d'une photo de la manifestation du 20 octobre 2022". Il précise que l’image qui circule sur les réseaux sociaux est similaire à celle utilisée dans leur article paru le 2 mai 2023, commémorant les victimes des manifestations du 20 octobre 2022 (lien archivé ici).

Il révèle également que ce cliché n’a pas été pris à N'Djaména, la capitale, mais à Moundou, la deuxième plus grande ville du Tchad, où se trouve le quartier général du parti d’opposition Les Transformateurs. Cette région est majoritairement favorable à cette formation politique, selon le correspondant de l'AFP, et les manifestations du 20 octobre 2022 y avaient donc été particulièrement suivies.

Cette mobilisation avait été réprimée dans le sang dans plusieurs villes du pays, rapportait à l’époque l'AFP. Initialement, les autorités avaient fait état d’un bilan officiel de 50 morts, tués par les forces de l’ordre, avant de réévaluer ce nombre à 73. La Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) du Tchad a quant à elle estimé que la sanglante répression de cette révolte avait fait 128 victimes ( lien archivé ici).

Fin de la présence militaire française au Sahel

Le Tchad, où un millier de soldats français est déployé sur trois bases, constituait le dernier point d’ancrage militaire de la France au Sahel. La décision du régime de Mahamat Idriss Déby met fin à des accords militaires signés avec l’Hexagone le 5 septembre 2019,  hérités de textes de 1960 issus de la décolonisation. 

Le président tchadien a assuré dimanche que son pays avait mis fin à ces accords sans "logique de remplacement d'une puissance par une autre", alors que Moscou gagne du terrain au Sahel. "Nous avons décidé de mettre un terme à cette coopération militaire pour réorienter notre partenariat avec la France sur d’autres domaines qui auront plus d’impacts positif sur le quotidien de nos populations respectives", a-t-il ajouté.

Depuis cette annonce, le gouvernement tchadien a créé le 4 décembre une commission spéciale chargée de superviser la dénonciation de l'accord militaire avec Paris, avec un "retrait ordonné des engagements bilatéraux", sans préciser de date limite (dépêche AFP archivée ici).

Cette rupture militaire n’est pas isolée: les troupes françaises ont déjà été contraintes de se retirer entre 2022 et 2023 du Mali, du Burkina Faso et du Niger, après l'arrivée au pouvoir de juntes militaires qui se sont rapprochées de la Russie. Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a également indiqué le 29 novembre 2024 dans un entretien à l'AFP que la France allait devoir fermer ses bases militaires au Sénégal.