Attention à cette fausse Une de Jeune Afrique sur Alassane Ouattara et la France

Depuis le 19 octobre 2024, les Ivoiriens sont invités à participer à la révision de la liste électorale, en vue de l'élection présidentielle de 2025. L’opération pilotée par la Commission électorale indépendante (CEI) donne lieu à un vif débat politique. Le président sortant Alassane Ouattara, en cours de troisième mandat, est notamment accusé d’être pro-français et anti-Alliance des Etats du Sahel (AES). C'est dans ce contexte qu’une Une de Jeune Afrique est devenue virale sur Facebook. On y lit une citation d'Alassane Ouattara affirmant qu’il ne doit “rien à personne, sauf à la France”. Mais il s’agit d’une fausse couverture de Jeune Afrique, comme la rédaction du magazine l’a confirmé à l’AFP, qui a en outre retrouvé la Une d’origine.

Une image présentée comme une couverture du magazine Jeune Afrique (JA) est partagée, en octobre 2024, par différents comptes et pages Facebook, dont plusieurs sont basés dans des pays comme le Mali, le Niger et le Burkina Faso (1, 2, 3).

Sur l’image, on reconnaît clairement l’identité visuelle de l’hebdomadaire consacré à l’actualité africaine et la photo du président ivoirien en exercice, à qui sont attribués ces propos : "Je ne dois rien à personne, sauf à la France".

Juste en dessous de ce titre figure la phrase suivante : "première grande interview du chef de l’Etat, investi le 21 mai".

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Capture d’écran Facebook effectuée le 1er novembre 2024
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Capture d’écran Facebook effectuée le 1er novembre 2024

L’investiture à laquelle fait référence cette Une est celle du président ivoirien lors de son premier mandat : le 21 mai 2011 à Yamoussoukro, des milliers d’Ivoiriens et une vingtaine de chefs d’Etats ont participé à cette cérémonie d’investiture.

A l’époque, Alassane Ouattara avait été investi après une violente crise post-électorale qui avait fait officiellement 3.000 morts. Depuis, le président ivoirien a de nouveau prêté serment le 3 novembre 2015 pour un deuxième mandat et le 14 décembre 2020 pour un troisième.

Alassane Ouattara a-t-il vraiment affirmé qu’il devait tout à la France lors d’une interview à l’hebdomadaire Jeune Afrique ? Pour le savoir, nous avons réalisé une recherche par image inversée grâce à Google Lens et une recherche par mot-clé, avec la citation attribuée au président ivoirien, via Google Search.

Parmi les différents liens suggérés par les résultats de notre recherche figure une image similaire à celle partagée sur Facebook. Cette autre Une a été publiée sur la page Facebook officielle de Jeune Afrique le 31 mai 2011.

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Capture d'écran de la véritable Une effectuée le 1 novembre 2024

Sur cette Une authentique de JA, Alassane Ouattara n’affirme pas "Je ne dois rien à personne, sauf à la France" mais "Je ne dois rien à personne, sauf aux Ivoiriens". L’interview dans laquelle le président ivoirien a tenu ces propos a été publiée en intégralité sur le site de Jeune Afrique le 6 juin 2011.

Jointe par AFP Factuel le 31 octobre 2024, la rédaction de Jeune Afrique a indiqué que la couverture virale sur les réseaux sociaux n’était pas authentique et qu'elle n’avait pas été réalisée par JA.

"Il s’agit d’une fausse Une élaborée à partir d’une vraie (JA no 2629 du 29/05/2011)" a indiqué à l’AFP François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, qui explique que "plusieurs versions de ce fake apparaissent régulièrement sur les réseaux sociaux depuis cinq ans".

L’utilisation de l’identité visuelle de médias crédibles pour propager de fausses informations est une pratique courante sur les réseaux sociaux. L’AFP Factuel a déjà déconstruit de fausses informations basées sur des vidéos authentiques de France 24 (1, 2, 3), des interviews de Radio France Internationale (1, 2, 3) ou de fausses Unes de Jeune Afrique (1, 2).

L’identité visuelle de Jeune Afrique, régulièrement détournée

"C’est loin d’être la première fois que l’identité visuelle de JA est ainsi détournée. Des cas de manipulations de nos Unes ont été relevés au Cameroun, au Congo, au Sénégal... Sans aucun doute parce que les faussaires utilisent la crédibilité de notre média pour faire passer leur 'message' et lui donner une apparence trompeuse de véracité", souligne François Soudan.

Depuis le début du mois d’octobre, la Côte d’Ivoire fait face à un regain de fausses informations qui ciblent particulièrement le président Alassane Ouattara, les relations Côte d’Ivoire-France, la présence militaire française en Côte d’Ivoire ou des décisions du gouvernement ivoirien comme l’interdiction des activités de la FESCI (Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire).

Parmi ces fausses informations, on retrouve la supposée annonce du président ivoirien qui refuserait de briguer un nouveau mandat, la supposée mort de deux soldats ivoiriens tués par un tir involontaire de l’armée française, ou encore les supposées menaces du porte-parole adjoint du gouvernement ivoirien contre l’opposition.

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