Attention, ce sondage n'a pas été diffusé à la télé israélienne
- Publié le 04 septembre 2024 à 15:32
- Lecture : 5 min
- Par : AFP Malaisie, AFP France
- Traduction et adaptation : AFP France
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"La chaîne d'information israélienne 12 a posé une question dans un sondage d'opinion publique israélien :
'Êtes-vous d'accord pour qu'un un soldat est autorisé à violer un captif palestinien les mains liées ?' Résultat du sondage :
47% : Oui ; 43% : Non'", assure le texte d'une publication diffusée le 8 août sur X.
Elle accompagne une photo où l'on peut voir un présentateur debout sur un plateau télévisé, à côté des résultats d'un sondage affichés sur un écran qui semblent indiquer, en hébreu (et parfois automatiquement traduit en français) : "êtes-vous d'accord avec le fait qu'un soldat ait le droit de violer un terroriste ?". On peut aussi y repérer le logo de la chaîne israélienne Canal 12.
Des affirmations semblables ont circulé en français ailleurs sur X, sur Facebook, sur Threads, sur Instagram et ont aussi été relayées en anglais.
Ces messages sont apparus sur les réseaux sociaux après que les Etats-Unis ont demandé à Israël de mener une enquête le 7 août, à la suite de la diffusion d'une vidéo semblant montrer des soldats agresser sexuellement un prisonnier palestinien, comme l'avaient relaté plusieurs médias dont l'AFP (lien archivé ici).
Sur des images d'une caméra de surveillance, diffusées par la chaîne israélienne Canal 12, des soldats semblent choisir un prisonnier et l'emmener dans un coin du centre de détention de Sde Teiman, dans le sud d'Israël, où ils soupçonnés d'avoir agressé sexuellement ce prisonnier.
Ils apparaissent ensuite, pour certains derrière des boucliers où semble se trouver aussi le prisonnier, l'un d'eux la main sur son entrejambe.
Contacté à la diffusion de la vidéo par l'AFP, un porte-parole de l'armée israélienne avait indiqué que cette dernière allait "se renseigner" sur ces images.
Le centre de détention de Sde Teiman a été aménagé pour y incarcérer des Palestiniens arrêtés dans la bande de Gaza après le début de la guerre entre Israël et le Hamas, déclenchée le 7 octobre après l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien, qui a été suivie par des bombardements massifs d'Israël sur Gaza.
Fin juillet, l'armée israélienne avait déjà annoncé l'interpellation de neuf soldats dans le cadre d'une enquête ouverte pour de mauvais traitements présumés sur un détenu dans ce centre, comme détaillé dans cette dépêche de l'AFP (lien archivé ici). Le Club des prisonniers palestiniens, une ONG palestinienne de défense des détenus, avait accusé ces soldats de viols.
Fin juillet, un rapport du bureau des Nations unies pour les droits humains avait aussi fait état de traitements de prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes pouvant s'apparenter à de la torture.
Le 7 août, la chaîne Channel 12 a aussi organisé un débat, qui a été critiqué comme l'ont rapporté des médias israéliens, au cours duquel les participants ont discuté de la possibilité de légalisation des mauvais traitements, et des agressions sexuelles, infligés aux prisonniers palestiniens (lien archivé ici).
Pour autant, l'image partagée sur les réseaux sociaux a été manipulée pour faire croire qu'un sondage sur ce sujet avait été diffusé par la chaîne.
Une ancienne émission
Une recherche d'image inversée sur Google nous a menés vers la séquence originale, publiée par Canal 12, le 27 mai 2022 (lien archivé ici).
Le positionnement du plateau, de l'écran, et les barres représentant les résultats du sondage sont en tous points similaires à ce qui est visible sur l'image relayée sur les réseaux sociaux en août 2024, comme on peut l'observer sur la comparaison ci-dessous.
Le titre de l'émission indique qu'elle revient sur la "première année du gouvernement" (formé en juin 2021 par une alliance entre le leader nationaliste Naftali Bennett et le centriste Yaïr Lapid, opposants à Benjamin Netanyahu - depuis revenu au pouvoir), en proposant des sondages, analyses et questions sur "les mandats" du gouvernement (lien archivé ici).
Dans la vidéo de deux minutes et six secondes, on peut voir un présentateur se tenir à côté d'un écran et parler de plusieurs sujets.
Le moment utilisé dans le message trompeur partagé en août 2024 est visible au bout d'une minute et 46 secondes : derrière le présentateur, apparaissent alors sous forme de diagramme des résultats à une question posée à certains israéliens : "êtes-vous d'accord avec l'affirmation selon laquelle le gouvernement s'appuie sur des soutiens du terrorisme ?"
Sur l'image retouchée diffusée en 2024, un rectangle bleu couvre l'écran et cache la question originellement affichée.
Le 2 octobre 2023, Canal 12 s'était par ailleurs excusée pour cette question posée alors, qui avait suscité des critiques, avait rapporté le journal israélien Haaretz (lien archivé ici), indiquant que la chaîne avait dit : "avec du recul, nous nous rendons compte que la formulation-même de la question était mauvaise".
Quant à la version manipulée de l'image, Canal 12 a publié le 9 août 2024 en hébreu sur X un démenti (lien archivé ici).
Contacté par l'AFP au sujet de l'image, Alon Shani, porte-parole de Canal 12, a confirmé : "nous sommes au courant de la diffusion de ces affirmations, et nous avons publié un message d'alerte au sujet de cette infox peu après qu'elle a commencé à se diffuser en ligne".
D'autres médias de vérification sont aussi parvenus à la conclusion que cette image avait été modifiée dès le début du mois d'août, dont l'agence de presse australienne AAP (lien archivé ici).
L'attaque menée par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël le 7 octobre a entraîné la mort de 1.205 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes (lien archivé ici).
Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 97 sont toujours retenues à Gaza, dont 33 déclarées mortes par l'armée.
En riposte, Israël a lancé une offensive d'ampleur à Gaza qui a fait au moins 40.819 morts au 4 septembre 2024, selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza, qui ne détaille pas le nombre de civils et de combattants tués.
Cette guerre a aussi engendré de la désinformation massive. L'AFP vérifie régulièrement des allégations sur le sujet, consultables ici.