Non cette vidéo ne montre pas un oncologue tué dans le crash du 9 août au Brésil
- Publié le 14 août 2024 à 12:24
- Lecture : 5 min
- Par : AFP Brésil
- Traduction et adaptation : AFP France
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"Dr. Leo Ferreira, cet homme était à bord de l'ATR 72 qui s'est écrasé au Brésil. Il était sur le point d'annoncer une solution pour vaincre le cancer", assure une publication partagée plus de 1.000 fois sur X depuis le 12 août, relayant la vidéo dans laquelle un homme vêtu d'un costume s'exprime sur les "cellules T" (ou "lymphocytes T"), qui agissent sur le système immunitaire, et des "espoirs" quant à des recherches à venir sur le traitement de tumeurs.
Des allégations similaires prétendant que ce "Dr. Leo Ferreira", qui aurait déjà ou serait sur le point de découvrir un "remède" contre le cancer, ont aussi circulé dans d'autres publications collectant des milliers de partages sur X et Facebook en français, mais aussi sur LinkedIn ou Instagram en anglais, en portugais, en espagnol ou encore en turc.
Ces internautes sous-entendent que la mort du scientifique aurait un lien avec ses découvertes en accusant "Big Pharma", nom parfois donné à l'industrie pharmaceutique pour dénoncer son pouvoir.
De telles rumeurs, qui voient en les décès de personnalités ayant réalisé des "innovations médicales" le fait d'un complot visant à protéger les marchés des grandes entreprises pharmaceutiques, sont récurrentes sur les réseaux sociaux. L'AFP en avait déjà vérifié en avril concernant le "Dr. Sebi", un herboriste hondurien décédé en 2016 qui vantait des pseudo-traitements alternatifs contre cancer.
Ces allégations ont largement été partagées alors qu'un vol en provenance de Cascavel, dans l'Etat brésilien du Parana, à destination de l'aéroport international de Guarulhos, à Sao Paulo, s'est écrasé (lien archivé ici) à Vinhedo le 9 août 2024, tuant les 62 personnes à son bord. Des enquêtes pour déterminer les causes de l'accident étaient, à la date du 13 août, toujours en cours.
Le scientifique filmé est vivant
En effectuant une recherche avec Google Lens à partir des images diffusées sur les réseaux sociaux, l'AFP a pu retrouver la vidéo (archivé ici) diffusée dans les publications, publiée le 10 avril 2024 sur la chaîne YouTube de MUSC, une université de médecine de Caroline du Sud, aux Etats-Unis.
Sa légende indique : "Leo Ferreira, Ph.D., professeur adjoint à MUSC, parle de ses recherches présentées à l'AACR (American Association for Cancer Research), 'Reproduire les cellules T régulatrices des récepteurs antigéniques chimériques pour traiter le cancer'" (lien archivé ici).
Leonardo Ramos Ferreira, aussi appelé "Leo Ferreira", est professeur associé de microbiologie et d'immunologie à MUSC, selon le site de l'université. Il est également directeur d'un laboratoire, qui étudie notamment le rôle des lymphocytes T dans l'immunité.
Contacté par l'AFP, le service de presse de MUSC a indiqué le 12 août 2024 que "le Dr. Ferreira est vivant et se trouve aujourd'hui à Charleston [ville de Caroline du Sud, aux Etats-Unis, NDLR], où il conduit des expériences dans son laboratoire".
Le 13 août 2024, Leo Ferreira a également confirmé à l'AFP qu'il n'était pas à bord du vol : "je suis vivant et en bonne santé, je travaille dans mon laboratoire au Hollings Cancer Center, dans la Medical University of South Carolina, à Charleston, en Caroline du Sud, aux Etats-Unis", a-t-il assuré, ajoutant qu'il "présente [s]es sincères condoléances à la famille, aux amis, aux collègues et aux patients des passagers décédés".
La compagnie Voepass a par ailleurs diffusé la liste des passagers (lien archivé ici) du vol, sur laquelle le nom de "Leo Ferreira" n'apparaît pas.
Mais selon ce qu'à indiqué le Conseil médical régional de Parana (CRM-PR) auprès de médias locaux (lien archivé ici), parmi les victimes du crash figuraient néanmoins huit professionnels de santé qui se rendaient à un "congrès d'oncologie" à Sao Paulo.
L'université de l'ouest du Parana a publié un message (lien archivé ici) en mémoire à ces huit personnes sur son site. L'un d'entre eux se nommait "José Roberto Leonel Ferreira". Il était, selon le communiqué, "à la retraite depuis trois mois", après avoir travaillé comme radiologue et avoir réalisé des recherches sur la "lithiase rénale", c'est-à-dire la présence dans les reins de cristaux ou calculs rénaux, et sur les effets des thérapies par rayonnements, qui peuvent notamment être utilisées contre certaines tumeurs.
Dans un message publié le 9 août, la société brésilienne de radiologie et d'imagerie médicale a aussi publié un hommage (archivé ici) à José Roberto Leonel Ferreira, l'un de ses membres décédé dans le crash.
Dans les deux messages, des photos de José Roberto Leonel Ferreira sont publiées, mais l'homme ne ressemble pas à celui de la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.
Si son nom complet ne figure pas dans la liste des passagers diffusés par la compagnie, on peut y voir la mention "José Fer", qui correspond au début du nom de ce radiologue.
Des rumeurs récurrentes sur des faux "remèdes miracles" contre le cancer
Comme rappelé dans cet article de l'AFP, les nombres de cancers sont en augmentation dans le monde entier, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (lien archivé ici), en grande partie du fait des évolutions de la société, vieillissante et plus exposée à certains facteurs de risques comme l'obésité.
Mais contrairement à ce que prétendent régulièrement des publications sur les réseaux sociaux, il n'existe pas d'unique remède "miracle" qui pourrait guérir tous les cancers. En revanche, des chercheurs du monde entier travaillent, à partir d'expertises dans leurs domaines respectifs (dont l'immunologie ou la radiologie), à faire évoluer les traitements pour prendre en charge les patients, le mieux et le plus tôt possible.
L'AFP Factuel a publié de nombreux articles pour contrer des infox sur des traitements du cancer par des méthodes "naturelles". Parmi les faux remèdes qui reviennent régulièrement sur les réseaux sociaux figurent par exemple le "jeûne" - qui peut en réalité même être dangereux, ou encore le citron, qui pour certains devrait se consommer chaud, pour d'autres mélangé au corossol (un fruit tropical), ou encore congelé.
Ces recettes nuisent énormément, des malades se soumettant à ces pseudo traitements avant de se résoudre à se rendre à l'hôpital, souvent dans un état cancéreux très avancé, qui peut retarder voire rendre trop tardive la prise d'un traitement pourtant possiblement efficace, ont déploré plusieurs oncologues auprès de l'AFP.
Plusieurs oncologues ont ainsi déploré auprès de l'AFP que ces méthodes au mieux inefficaces, au pire toxiques, ne mènent à l'abandon de soins par les personnes cancéreuses.