Attention à cette infox sur la prétendue inéligibilité de Kamala Harris à la présidence américaine
- Publié le 29 juillet 2024 à 17:19
- Lecture : 5 min
- Par : Rob LEVER, AFP France
- Traduction et adaptation : Juliette MANSOUR
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Le compte à rebours est lancé avant l'élections américaine, au moment où la campagne est complètement bouleversée par la tentative d'assassinat de Donald Trump et le départ fracassant du président Joe Biden.
Après des semaines de doutes concernant la candidature de Joe Biden, l'unité des démocrates derrière la vice-présidente Kamala Harris a radicalement remodelé une course dominée par l'ex-président républicain.
L'ex-sénatrice de 59 ans est désormais assurée d'affronter l'ex-président lors du scrutin du 5 novembre qui est en grande partie entre les mains des 100.000 électeurs indécis et indépendants d'une poignée d'Etats clés. Mais quelques heures à peine après l'annonce du retrait de Joe Biden, Kamala Harris a été ciblée par un flot de fausses informations visant à discréditer sa candidature.
Parmi elles, de nombreuses allégations assurent que la démocrate ne serait pas éligible à la présidence des Etats-Unis. Partagée à l'origine dans des publications en anglais, cette théorie a été reprise en français: "RAPPEL : Au moment de la naissance de Kamala, ses parents n'étaient pas citoyens américains. C'étaient des étudiants étrangers. Au moment de sa naissance, elle était la fille de non-citoyens. Ça fait d'elle une citoyenne de papier. Elle n'a pas le droit".
Cette infox n'est pas nouvelle : elle circulait déjà en 2020 au moment où Joe Biden avait désigné Kamala Harris comme colistière. L'AFP avait alors consacré un article de vérification à ce sujet.
Née aux Etats-Unis
Le père de Kamala Harris, Donald Harris, est né en Jamaïque, et sa mère, Shyamala Gopalan, est originaire du sud de l'Inde, comme la sénatrice démocrate l'a elle-même écrit dans son autobiographie (archive ici). Mais cela n'a aucune incidence sur son droit constitutionnel à remplir le rôle de présidente.
L'article 2, section 1 de la Constitution américaine (archive ici) dispose qu'"aucune personne, excepté un citoyen de naissance", ne peut prétendre à la présidence. Tous les candidats doivent également être âgés d'au moins 35 ans et résider aux Etats-Unis depuis au moins 14 ans.
Au vu de ces dispositions, et d'un jugement de la Cour suprême américaine en 1898, "toute personne née sur le sol américain et soumise à sa juridiction est un citoyen de naissance, quelle que soit la nationalité de ses parents", explique le département de droit de l'Université de Cornell (archive ici).
Or, Kamala Harris a 59 ans et est bien née sur le sol américain, à Oakland en Californie, ce qui la rend éligible à la présidence (archive).
Kamala Harris n'aurait d'ailleurs pas pu devenir vice-présidente si elle ne remplissait pas ces conditions, comme l'expliquait en 2020 David A. Super, professeur de droit et d'économie à l'unité de droit de l'université de Georgetown (archive ici). Il soulignait déjà qu'"aucune personne constitutionnellement inéligible au poste de président, ne peut être éligible au poste de vice-président des Etats-Unis", au vu du 12e amendement à la Constitution (archive ici).
Les publications que nous vérifions assurent que si Kamala Harris a bien la nationalité américaine, elle serait néanmoins une "citoyenne de papier", ou en anglais "anchor baby" (archive ici), terme péjoratif utilisé pour désigner pour un enfant né de parents immigrés ou étrangers dans un pays qui applique le droit du sol et qui, en tant que citoyen, pourrait procurer des avantages à des parents.
Mais le droit du sol s'applique indépendamment des origines des parents et n'a pas d'influence sur le fait d'être éligible ou non : à l'exception des enfants de diplomates, tout individu né aux États-Unis est citoyen américain même si ses parents sont étrangers.
Dans ses mémoires de 2019 "The Truths We Hold" (archive ici), Kamala Harris décrit son éducation par son père économiste d'origine jamaïcaine et sa mère spécialiste du cancer du sein en Inde.
La vice-présidente a aussi mis en ligne plusieurs publications sur sa mère Shyamala Gopalan Harris, décédée d'un cancer en 2009 (archive ici).
Une infox amplifiée par Donald Trump
Donald Trump avait lui-même donné de l'écho à l'infox sur Kamala Harris en 2020.
Interrogé en août 2020 lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche sur des "affirmations circulant sur les réseaux sociaux" concernant l'inéligibilité supposée de Kamala Harris, il avait répondu : "J'ai entendu aujourd'hui qu'elle ne remplit pas les conditions" légales requises pour être vice-présidente. "Et d'ailleurs, l'avocat qui a écrit cela est un avocat très qualifié, très talentueux. Je ne sais pas du tout si c'est exact", avait poursuivi Donald Trump. "J'aurais pensé que les démocrates auraient vérifié cela avant qu'elle ne soit choisie pour se présenter comme vice-présidente".
L'ex-président Barack Obama avait lui aussi été ciblé par de fausses accusations similaires ciblant ses origines alors qu'il était candidat.