La tour Eiffel ornée des anneaux olympiques pour JO de Paris 2024, le 24 juillet 2024 à Paris. ( AFP / FABRICE COFFRINI)

JO de Paris : à la veille de la cérémonie d'ouverture, des infox en masse

  • Publié le 25 juillet 2024 à 18:07
  • Lecture : 8 min
  • Par : AFP France
A la veille de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Paris, qui se tiendront du 26 juillet au 11 août 2024, la compétition sportive internationale donne lieu à pléthore de contenus trompeurs sur les réseaux sociaux, dans différentes langues. L'AFP a vérifié plusieurs de ces publications, parmi lesquelles un prétendu vol d'athlètes australiens au village olympique ou encore une séries d'allégations des affirmations fausses sur la propreté de la Seine.  

Une étude affirmant que la Seine serait plus polluée que le Gange, une vidéo qui prétend montrer un militant du Hamas en train de menacer la France à l'occasion des Jeux olympiques : à l'approche des Jeux olympiques de Paris, qui se tiendront du 26 juillet au 11 août, les contenus trompeurs autour de cet événement sportif au retentissement mondial abondent sur les réseaux sociaux, dans différentes langues. 

L'AFP a vérifié plusieurs de ces publications.

Des athlètes australiens victimes d'un vol à Paris ? Il a eu lieu en Belgique

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Capture d'écran réalisée sur X le 25 juillet 2024.

"Paris 2024 : Des racailles volent l'équipement et les affaires des athlètes australiens. Heureusement que le village olympique est sous haute protection", soutient un internaute en légende d'une vidéo mise en ligne sur X le 25 juillet 2024, montrant notamment un athlète australien expliquer, devant une camionnette aux vitres brisées, que celle-ci a été cambriolée.

Mais si cette vidéo est authentique et a originellement été mise en ligne sur Instagram (lien archivé) le 24 juillet 2024 par l'Australien Logan Martin, champion olympique en titre de BMX freestyle, elle a été filmée à Bruxelles, en Belgique, bien loin de Paris et du village olympique. 

"Notre camionnette a été dévalisée pendant la nuit. Heureusement, la plupart de nos affaires étaient dans notre chambre et nous avons pu en récupérer beaucoup d'autres. J'ai perdu mon portefeuille, mon sac et quelques autres choses mais au final ça n'a pas été si grave. C’est malheureux quand les gens ressentent le besoin de faire des choses comme ça", précisait le sportif en légende de sa vidéo, qui a été reprise dans de nombreux médias anglophones (lien archivé) comme francophones (lien archivé). 

Une vidéo d'un militant du Hamas menaçant la France pour les JO ? Une probable manipulation, selon des experts 

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Capture d'écran réalisée sur X le 25 juillet 2024.

Dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux - notamment sur X et en plusieurs langues, dont l'anglais et l'espagnol - à quelques jours de la cérémonie d'ouverture des JO, un homme, le visage dissimulé par un keffieh et arborant un drapeau palestinien sur la poitrine, menace en arabe la France. 

Il l'accuse de soutenir Israël avant de brandir ce qui ressemble à une tête de Marianne, figure symbolique de la République française, coiffée d'un bonnet phrygien, décapitée et sanglante.

Il s'agit très probablement d'un faux, relayé par des réseaux pro-russes, selon différents experts.

Moscou a nié avec véhémence à plusieurs reprises être impliqué dans ce type d'opération.

D'après une source sécuritaire interrogée par l'AFP, "les premières analyses pointent vers une opération russe sous 'faux pavillon' en raison d'un faisceau d’indices", une analyse partagée par plusieurs spécialistes.

Une attaque sous "faux pavillon" est une ruse de guerre dans laquelle les assaillants agissent sous une fausse identité ou sans signes distinctifs pour tromper adversaires, observateurs et potentiellement déclencher un élargissement du conflit. 

Un des premiers comptes à l'avoir publié sur X, baptisé "endzionism24", suspendu depuis, a été créé en février, mais est resté muet pendant plusieurs mois. Il s'est activé quelques jours avant la publication de la vidéo pour partager des contenus hostiles à Israël, un schéma typique de comptes inauthentiques utilisés à des fins de propagande et de désinformation.

Par ailleurs, toujours selon la source sécuritaire interrogée par l'AFP, "la vidéo a été repostée sur X par des comptes connus pour faire partie des réseaux russes et a été relayée par des sites africains connus pour être des points de sortie des Russes".

Il y a par exemple "@aussiecossack", un influent compte pro-russe, relève sur X (lien archivé) le chercheur David Colon, spécialiste des sujets d'ingérence étrangère, qui voit aussi une manipulation russe derrière cette vidéo.

Une autre source sécuritaire souligne en outre que sur la vidéo, "les codes visuels de la propagande du Hamas sont absents", et l'homme qui s'exprime fait des fautes de prononciation et de grammaire, d'après un journaliste arabophone de l'AFP. Selon le site d'analyse de la menace jihadiste Site (lien archivé), un haut responsable du Hamas Izzat al-Rishq, basé au Qatar, a qualifié la vidéo "de montage de la propagande sioniste pour dénigrer la résistance palestinienne". 

La "chanson non-officielle" des JO signée d'un groupe russe en exil ? Non

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Capture d'écran réalisée sur X le 25 juillet 2024.

"En exclusivité … la chanson non officielle de JO de Paris 2024", soutient un internaute dans un message publié sur X le 21 juillet 2024, pour accompagner une vidéo d'un peu plus de deux minutes.

"Little Big qui fait un clip pour se moquer des JO de Paris, c'était pas dans mon bingo 2024", indiquait un autre utilisateur de la plateforme à la même date, en référence au groupe punk russe Little Big, exilé aux Etats-Unis depuis sa prise de position contre la guerre en Ukraine (lien archivé), comme le relevaient nos confrères des Observateurs de France 24 (archive).

Ce clip en anglais, qui mélange des prises de vue avec des acteurs et des séquences générées vraisemblablement avec des outils d'intelligence artificielle, est une compilation de messages critiques sur les JO 2024, autant dans ses paroles ("Paris, Paris, un, deux, trois, va pisser dans la Seine!") que dans ses images. 

On y voit notamment un avatar d'Anne Hidalgo tirer au fusil de chasse sur des "immigrés" ou encore un "sosie" d'Emmanuel Macron boire une gorgée de l'eau polluée de la Seine puis aller en urgence aux toilettes. Le tout sur fond de remarques racistes ou transphobes - notamment lors d'une séquence montrant un combat de boxe entre un homme barbu, portant une perruque féminine et du mascara, face à une femme, rythmée par ces paroles : "Aucune différence entre un homme et une femme".

Mais on n'en trouve pas trace sur les différents canaux de communication du groupe Little Big.

Le clip figure en revanche sur la page YouTube du groupe "Little Bug", qui se présente comme un "groupe parodique" et imite le logo de "Little Big".

Les trois vidéos disponibles sur la chaîne de "Little Bug" - toutes mises en ligne en juillet 2024, à quelques jours d'intervalle - portent sur des sujets d'actualité très politiques (le retrait de Joe Biden et un clip critique de l'OTAN), et véhiculent une rhétorique similaire à celle du Kremin.

Ce clip a en outre connu un important relais sur l'influent compte pro-russe X "AussieCossack" ou encore sur Vkontakte (ici ou encore ), le réseau social russe.

La Seine, plus polluée que le Gange selon une étude ? C'est faux

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Capture d'écran réalisée sur X (ex-Twitter) en juillet 2024.

Une vidéo partagée par des dizaines de comptes sur X, sur Facebook et Telegram, émergeant prétendument d'un média indien, indiquerait qu'une "étude" d'un organe de l'ONU aurait montré que l'eau de la Seine est "plus dangereuse" que celle du Gange, fleuve notoirement connu pour sa pollution.

De quoi interroger sur la bonne tenue des Jeux, dont les épreuves notamment de triathlon (30 et 31 juillet, 5 août) prévues dans la Seine en plein Paris sont devenues l'un des symboles, et un enjeu politique.

Dans la vidéo relayée, figurent les initiales "FPJ", qui correspondent à celles du "Free Press Journal", un média indien. L'équipe de vérification de l'AFP basée en Inde a contacté Kashif Khusroresponsable des vidéos numériques du FPJ qui a confirmé le 25 juillet que le FPJ "n'a pas produit ni publié la vidéo", ajoutant qu'"elle utilise notre logo de façon fallacieuse". 

La vidéo dit par ailleurs s'appuyer sur une "étude" d'UN-Water (ou "ONU-Eau" en français), une entité liée à l'ONU qui "coordonne le travail des Nations Unies en matière d'eau et d'assainissement" présidée tour à tour par des représentants d'agences de l'ONU, comme l'indique son site (lien archivé ici). 

L'ONU-Eau a confirmé à l'AFP le 24 juillet 2024 qu'elle n'a "pas publié d'étude sur l'eau de la Seine et du Gange, ni fait aucune autre mention spécifique sur le niveau de dangerosité de l'eau de l'une ou de l'autre", ajoutant que "l'ONU-Eau n'a pas d'information spécifique sur une telle comparaison" et notant que toutes les publications de l'ONU-Eau sont consultables ici sur son site web (lien archivé ici).

Trois spécialistes ayant travaillé sur la Seine interrogés par l'AFP ont aussi dit ne pas avoir connaissance d'une telle étude, comme nous l'expliquons en détail dans un article de fact-checking dédié

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La flamme olympique, lors de son passage à Vincennes, près de Paris, le 21 juillet 2024. (AFP / KIRILL KUDRYAVTSEV)

Les JO, cibles d'une désinformation récurrente 

L'AFP a déjà vérifié plusieurs affirmations liées aux JO, dont une vidéo sortie de son contexte remettant déjà en question la propreté de la Seine, des rumeurs prétendant que les accouchements hors de Paris seraient encouragés pendant la période des Jeux, un faux plan de circulation dans la capitale française, ou encore des vidéos manipulées des agences de sécurité française et américaines alertant prétendument sur la sécurité.

Les Jeux olympiques puis paralympiques (28 août-8 septembre) représentent une cible de choix pour des attaques informationnelles visant à mettre en doute la capacité de la France à organiser le bon déroulement de l'événement, comme nous l'avions déjà détaillé dans cet article de l'AFP début juin.

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