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Non, le délai légal pour une inhumation n'a pas été allongé en raison d'une surmortalité liée aux vaccins Covid

  • Publié le 25 juillet 2024 à 16:13
  • Mis à jour le 26 juillet 2024 à 18:38
  • Lecture : 10 min
  • Par : Océane CAILLAT, AFP France
Le 11 juillet 2024, un décret est venu allonger le délai maximal autorisé pour incinérer ou enterrer le corps d'un défunt, passant de 6 à 14 jours à compter du lendemain du décès. Depuis, des internautes affirment ou sous-entendent que cette modification serait due à une hausse massive attendue de la mortalité, qui serait elle-même due au vaccin Covid. Cette allégation reprend la théorie - scientifiquement infondée- selon laquelle les vaccins auraient entraîné une recrudescence de problèmes de santé comme les cancers et les infarctus. Il n'existe aucune preuve scientifique que les vaccins anti-Covid peuvent provoquer des cancers ou des crises cardiaques, comme l'ont expliqué différents experts à l'AFP. En outre, l'allongement du délai d'inhumation correspond à besoin des familles d'avoir des délais plus longs, notamment en raison de changements sociétaux, ont expliqué les acteurs du secteur.

"C'était prévu", écrit sur TikTok une internaute en légende de sa publication vidéo, postée le 21 juillet 2024 et depuis visionnée plus de 3 millions de fois. 

"Ecoute ça", commence l'utilisatrice face caméra avant de laisser la parole à un homme, apparaissant dans une une vidéo qui apparaît en surimpression, qui se présente comme le "père Eric" :

"J'ai une mauvaise nouvelle à vous apprendre, c'est que vous savez dès l'instant où il y a un décès, où on procède à l'inhumation ou la crémation on ne doit pas dépasser le délai de six jours. Au-delà, il faut faire une dérogation préfectorale. Là justement l'Etat, de 6 jours ils sont passés à 14 jours parce qu'il va y avoir tellement de décès dus à ce que vous savez qu'ils ont prévu un peu près 20 millions de morts." 

"Il y a une recrudescence de cancers, d'infarctus", affirme-t-il ensuite. 

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Capture d'écran de X faite le 25 juillet 2024

Cette même affirmation et cette même vidéo ont aussi été l'objet de partages viraux sur X.

Si un décret autorisant ce rallongement de délai maximal, de 6 à 14 jours, a bien été publié au Journal officiel le 11 juillet 2024 (archivé ici), celui-ci répond à une demande de "simplification administrative dans le domaine funéraire", selon le site du ministère de l'Intérieur. 

Un allongement du délai lié "aux choix individuels des familles"

"Le décret vient modifier les délais d'inhumation et de crémation, afin de remédier à l'augmentation croissante des demandes de dérogation à ces délais, déposées auprès des préfectures", indique le texte.

Selon le ministère de l'Intérieur, le nombre de dérogations préfectorales a en effet quasiment doublé en l'espace de trois ans. En 2019, 9,5% des décès ont fait l'objet d'une dérogation tandis qu'en 2022 cette proportion est passée à 16,1%.

Contacté par l'AFP, le ministère de l'Intérieur a confirmé, le 24 juillet 2024, que le décret a pour objectif "de faciliter les démarches des familles endeuillées, en leur laissant plus de temps pour organiser les funérailles et en évitant aux opérateurs funéraires d'avoir à solliciter le préfet pour autoriser un déplacement de, parfois, quelques jours [...] Ce texte est sans aucun lien avec l'anticipation d'un pic de surmortalité".

Le ministère a également précisé à l'AFP que le texte a été préparé avec "l'ensemble des acteurs intéressés (associations de familles, organisation syndicales, opérateurs funéraires)" qui sont représentés au sein du Conseil national des opérations funéraires (archivé ici). Il s'agit d'une instance consultative placée auprès du ministère de l'Intérieur dont sont notamment membres la Fédération nationale du funéraire (FNF) ou encore la Fédération française des pompes funèbres (FFPF) (archivé ici et ici) .

"Le délai était de six jours était mis en place depuis longtemps pour des questions de salubrité publique afin d'éviter la putréfaction des corps mais aussi car les gens avaient moins d'ambition en termes d'obsèques qu'aujourd'hui", a expliqué un membre du service juridique de la FNF à l'AFP, le 23 juillet 2024. 

"Pendant le Covid, le délai avait été étendu [temporairement, NDLR] à 21 jours du fait de la surmortalité et que les crématoriums se retrouvaient notamment engorgés [...] Cette expérience a montré que cet allongement de délai n'a causé aucun problème de salubrité publique", a-t-il ajouté.

Selon lui cet allongement du délai à 14 jours se justifie en raison des "choix individuels des familles qui aboutissent à ce que le délai de six jours soit facilement dépassé et donc à des demandes de dérogations préfectorales"

"Le nombre de crématoriums augmente moins rapidement que la volonté de se faire crématiser. Certaines familles veulent des obsèques à l'église, or il y a de moins en moins de prêtres et donc trouver une date devient plus compliqué. Il y a des corps qui sont rapatriés à travers la France ou de l'étranger pour rejoindre la sépulture familiale, ce qui ajoute un temps de transports supplémentaire. Parfois, vous avez aussi des familles qui souhaitent attendre le retour d'un proche vivant à l'étranger pour faire la cérémonie", détaille-t-il.

Une explication qui corrobore justement la notice dudit décret qui précise que "l'allongement de ces délais opère ainsi un équilibre entre les préoccupations de santé publique imposant de pourvoir aux funérailles des défunts dans un délai raisonnable et la nécessité de rendre aux demandes de dérogation leur caractère exceptionnel".

L'affirmation avancée dans la vidéo d'une prétendue surmortalité de la population due "à ce que vous savez" sous-entend que cela est dû aux vaccins, comme le montrent d'ailleurs nombre de commentaires d'internautes sous la publication. Si les mots "vaccin" ou "vaccination" ne sont pas pas prononcés, l'homme de la vidéo incrustée dans la première semble à un moment mimer une injection.

Par ailleurs, l'utilisatrice a déjà exprimé son opposition aux vaccins dans d'autres de ses publications. Néanmoins, aucune surmortalité liée à la vaccination n'a été constatée ces dernières années.

Depuis l'arrivée des vaccins anti-Covid fin 2020-début 2021, ils font l'objet d'une désinformation massive, notamment via l'idée qu'ils seraient mortels.

Une mortalité en hausse sans lien avec la vaccination 

Si la mortalité en France est, en effet, en hausse ces dernières années, cette augmentation ne présente pas de lien avec la vaccination. 

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Capture d'écran du graphique de l'Insee montrant l'augmentation du nombre décès par an entre 1982 et 2023, réalisée le 24 juillet 2024.

Comme on peut le voir sur ce graphique de l'Insee, la hausse est observable dès le début des années 2010, soit bien avant le début de la pandémie de Covid-19 et de la vaccination liée à ce virus (archivé ici). 

De plus, comme l'explique le Conseil national des opérations funéraires dans son rapport 2021-2022 : "l'augmentation du nombre de décès doit être lue au regard de la population elle-même, et également au regard des suites du baby-boom de l'après guerre"(archivé ici).

"En raison de l'arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges où la mortalité est plus élevée, le nombre de décès augmente chaque année depuis 2010", indique ensuite le rapport.

Selon l'Insee, le nombre de décès a effectivement augmenté plus vite ces dernières années : "+0,7% par an en moyenne entre 2004 et 2014, puis +1,9% entre 2014 et 2019" (archivé ici). 

Puis, comme cela a été le cas en 2022, une surmortalité (excédant de décès observés par rapport à ceux attendus) a pu être constatée en raison d'événements inhabituels ces dernières années, mais là encore sans lien avec la vaccination. 

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Une infirmière prépare une dose de vaccin contre le coronavirus Covid-19 en janvier 2022, près de Marseille (AFP / Clement MAHOUDEAU)

En 2022, 53 800 décès de plus qu'attendus sont survenus. Or, l'année avait effectivement été marquée par des épisodes de fortes chaleurs et deux épisodes de grippe, rappelle l'Insee (archivé ici). 

En outre, dans l'argumentaire avancé dans la vidéo est sous-entendu que le vaccin Covid-19 a engendré une "recrudescence de cancers". Or, cette affirmation est aussi infondée, comme l'ont déjà expliqué plusieurs experts à l'AFP. 

La hausse des cancers n'est pas liée à la vaccination

La théorie selon laquelle les vaccins anti-Covid seraient responsables de recrudescence de diverses maladies est récurrente. 

Le Centre international de recherches sur le cancer (CIRC), l'agence spécialisée dans le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), estime à 19,96 millions le nombre de cancers diagnostiqués à l'échelle planétaire en 2022 (archivés ici et ici). 

Ce nombre a augmenté de plus de 26% entre 2010 et 2019, selon une analyse publiée dans la revue scientifique JAMA Oncology (archivé ici et ici), soit bien avant le début de la pandémie mondiale de Covid-19 et de la vaccination.

Par ailleurs, un rapport de la la société américaine du cancer publié en janvier 2024, indique qu'une forte hausse de l'incidence des cancers a été observée chez les jeunes adultes entre 1995 et 2020, soit là encore bien avant le début des campagnes de vaccination contre le Covid-19 (archivé ici). 

Interrogés à ce sujet par l'AFP, en mars 2024, les experts du CIRC rattachés à l'OMS affirmaient : "il n'y a aucune preuve qu'un quelconque vaccin provoque un cancer".

En janvier 2022, la Ligue contre le cancer avait expliqué à l'AFP : "il n'y a rien qui permet de lier les vaccins ARN messager au cancer [...] cet ARN ne peut en aucun cas pénétrer dans le noyau de la cellule et interférer avec ce génome et amener des mutations, c'est du fantasme"

Un avis partagé par Maya Gutierrez, spécialiste en oncologie médicale à l'institut Curie (archivé ici) qui avait estimé que cette hypothèse du vaccin causant des cancers n'avait "pas de rationnel". "Au niveau du timing, c'est beaucoup trop court, c'est impossible qu'une vaccination puisse entraîner des phénomènes comme cela, il y a deux incohérences dans ce discours, sur le mécanisme et le timing", avait-elle détaillé.

En effet, d'autres explications justifient cette augmentation de cancers notamment le mode de vie de la société actuelle. L'obésité, le tabagisme, la consommation d'alcool ou encore l'exposition au soleil sont reconnus comme des facteurs qui jouent un rôle dans l'apparition des cancers, comme le précise sur son site la Ligue contre le cancer (archivé ici). 

Une étude publiée dans le JAMA (Journal of the American Medical Association), en août 2023, évoque justement "la hausse de l'incidence de l'obésité, des changements de l'exposition environnementale, comme la fumée et l'essence, des problèmes de sommeil, le manque d'activité physique, le microbiote, et l'exposition à des composants cancérigènes" chez les jeunes adultes (archivé ici).

Enfin, l'enregistrement de cette hausse de cancers s'explique aussi par le fait que les cancers soient mieux diagnostiqués qu'auparavant comme le souligne le site Santé publique France (archivé ici), qui évoque des diagnostics "plus précoces" et une "amélioration des outils diagnostiques, imageries, techniques de cytogénétiques et de biologie moléculaire". Quant à la recrudescence d'infarctus supposément liée au vaccin anti-Covid comme le sous-entend la vidéo, l'affirmation est aussi fausse.

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Un médecin administre un vaccin contre le Covid-19 en janvier 2022 en Corse (AFP / PASCAL POCHARD-CASABIANCA)

Le vaccin anti-Covid ne provoque pas d'infarctus

L'infarctus, communément appelé crise cardiaque, intervient lorsque meurt "une partie du muscle cardiaque (ou myocarde). Cela se produit quand une des artères coronaires, qui irriguent le coeur, se bouche" peut-on lire sur le site de la Fondation pour la recherche médicale (archivé ici).

Comme pour les cancers, les facteurs de risque sont liés au mode de vie : tabagisme, taux élevé de cholestérol, consommation d'alcool, sédentarité ou encore obésité.

Mais le vaccin anti-Covid ne représente pas un facteur risque de la crise cardiaque. La directrice du département de l'immunisation de l'Organisation mondiale de la santé, Kate O'Brien (archivé ici) a rappelé lors d'un point presse, en janvier 2023 : "qu'il n'y aucune preuve d'une relation entre la vaccination et les crises cardiaques". 

Interrogés à ce sujet en janvier 2023 par l'AFP, les centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont affirmé que "les déclarations qui sous-entendent que les signalement de décès après une vaccination équivalent à des décès causés par la vaccination sont scientifiquement inexactes, trompeuses et irresponsables" (archivé ici).

En France, depuis l'été 2021, ce sont en revanche les myocardites (inflammation du muscle cardiaque) et péricardites (inflammation de la membrane qui entoure le coeur) qui sont considérés comme des effets indésirables rares qui peuvent survenir suite à une vaccination contre le Covid-19 par un vaccin à ARN messager (Pfizer-BioNTech ou Moderna) comme l'indiquent les chercheurs d'EPI-PHARE (archivé ici). 

EPI-PHARE est une structure d'expertise d'intérêt scientifique, constitué en 2018 par l'Agence nationale de sécurité du médicament et la Caisse nationale d'assurance maladie qui apporte une expertise publique en épidémiologie des produits de santé.

Or, ces événements restent rares et le Covid lui même est bien davantage facteur risque que les vaccins comment l'ont expliqué différents scientifique dans cet article de vérification de l'AFP.

Et, comme le souligne l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ASNM) : "aucun décès n'a été rapporté parmi les personnes hospitalisées pour myocardite ou péricardite suite à la vaccination" (archivé ici).

L'AFP a déjà réfuté des affirmations fausses ou trompeuses sur de prétendus liens entre la vaccination anti-Covid et l'apparence de problèmes de santé comme ici ou ici. 

Corrige coquille dans la dernière phrase avant le 3ème intertitre : remplace le mot "inondé" par "infondé"
26 juillet 2024 Corrige coquille dans la dernière phrase avant le 3ème intertitre : remplace le mot "inondé" par "infondé"

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