Capture d'écran de Facebook le 19 juillet

Non, des bébés ne sont pas morts à cause du traitement contre la bronchiolite pendant les essais cliniques

Le traitement préventif de la bronchiolite Beyfortus, commercialisé par Sanofi depuis moins d'un an, a montré son efficacité pour réduire les hospitalisations. Pourtant, sur les réseaux sociaux, certains affirment que lors des essais cliniques ayant servi à l'évaluation du traitement par les autorités américaines, douze bébés sont morts à cause du médicament. C'est faux, explique la FDA notamment: aucun lien n'a été démontré entre le décès de ces bébés et le traitement. Les bébés décédés ont souffert d'autres pathologies pré-existantes, voire d'accidents.

"Il est exact que CERTAINS BÉBÉS parmi les milliers inscrits aux essais cliniques du médicament SONT MORTS. Il s'agit d'injections d'anticorps #Beyfortus contre la bronchiolite et de décès imputables au FDA/CDC". Sur X et Facebook depuis début juillet, ces phrases sont copiées des dizaines de fois par des internautes français, reprenant la même idée: le traitement de la bronchiolite du nourrisson Beyfortus serait dangereux pour les bébés.

Si les internautes parlent de "décès imputables au FDA/CDC", c'est qu'il s'agit de la traduction de publications en anglais accusant les autorités sanitaires américaines de ces décès: la FDA (Food and Drug administration), l'agence du médicament, et les CDC (Center for Disease Control), les centres de contrôle des maladies.

Ces allégations sur la dangerosité du Beyfortus ont notamment été massivement diffusées le 9 juillet sur le compte X de DiedSuddenly, dont le nom fait référence à un film démystifié par l'AFP Factuel, sur une prétendue "vague de morts subites" dues au vaccin Covid.

Sous le commentaire "Meurtriers", DiedSuddenly relaie un article datant d'un an auparavant, en août 2023, de l'organisation américaine hostile aux vaccins Children's health defense, dont le titre est "Malgré douze décès lors des essais, les CDC donnent leur feu vert aux injections contre la bronchiolite du nourrisson".

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Capture d'écran de X le 11 juillet 2024

En France, les publications relayant cet article partagent aussi, de manière plus surprenante, un article de vérification de l'information d'une agence de presse américaine, Associated Press (AP), sur ce sujet (archive). Selon les publications trompeuses, mêmes les fact-checkeurs d'AP admettent que "certains bébés" sont morts.

Or, comme nous le verrons plus loin, si des bébés ayant participé aux essais cliniques du Beyfortus sont bien morts, certains n'ont même pas reçu le traitement. Pour les autres, il n'a été prouvé aucun lien entre le traitement et les décès.

Qu'est-ce que la bronchiolite du nourrisson?

La bronchiolite est une infection virale, très contagieuse, qui touche principalement les très jeunes enfants, de moins de deux ans. Comme son nom l'indique, elle touche les bronchioles, les petites bronches, et entraîne des symptômes pouvant être impressionnants chez un bébé: toux persistante, respiration sifflante...

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Un bébé de 12 jours hospitalisé pour une bronchiolite en décembre 2022 à Berlin (AFP / John MACDOUGALL)

Comme le rappelle l'Assurance maladie (archive), la bronchiolite est due la plupart du temps au virus respiratoire syncytial (VRS), qui circule d'octobre à février. Si dans la plupart des cas la maladie est bénigne, certains nourrissons font une forme plus grave de la bronchiolite nécessitant une hospitalisation.

Chaque année en France, 30 % des petits de moins de 2 ans sont atteints, selon l'Assurance maladie.

Qu'est-ce que le Beyfortus?

Le nirsevimab (Beyfortus) n'est pas un vaccin, même s'il est injectable, mais un traitement préventif empêchant le virus à l’origine de la bronchiolite, le VRS, d’infecter l’organisme.

Comme le précise le ministère de la santé (archive), "il repose sur la technologie des anticorps, c’est-à-dire que l’on donne à l’organisme les outils pour se défendre, et est efficace sur plusieurs mois (à la différence de la vaccination qui présente la maladie à l’organisme pour l’entraîner à se défendre seul)".

En France, Beyfortus a été autorisé au cours de l'année 2023 d'abord dans l'Union européenne, puis au Royaume-Uni, au Canada, et enfin aux Etats-Unis (archive).

Des décès sans rapport avec le traitement

Déjà en septembre, dans des messages sur X, la biologiste Hélène Banoun, dont les propos trompeurs sur les vaccins sont régulièrement démystifiés par l'AFP, mettait en avant ces chiffres : la "FDA [l'agence du médicament américaine, NDLR] a enregistré 12 décès dans les essais de Beyfortus : 4 décès cardiaques, 2 gastro-entérites, 2 morts subites, 1 cancer, 1 Covid, 1 fracture, 1 pneumonie, mais aucun décès n'a été relié au traitement", qualifiant dans un autre tweet le traitement de "toxique".

Pour tout vaccin ou médicament, des remontées d'"effets indésirables suspectés" font état de tout événement de santé succédant à la prise du comprimé ou à la vaccination mais ne ne disent rien d'un éventuel lien de causalité entre cet événement (un décès par exemple) et le produit. Dans son communiqué de presse (archive) annonçant l'approbation du Beyfortus, la FDA décrit les effets secondaires suivants: "des éruptions cutanées et des réactions au site d'injection". L'agence américaine met aussi en garde: "Beyfortus doit être administré avec prudence aux nourrissons et aux enfants présentant des troubles hémorragiques cliniquement significatifs".

Dans ce document (archive) sur le Beyfortus, la FDA fait en effet mention de onze décès chez des bébés ayant reçu l'injection de nirsevimab et un ayant reçu l'injection de palivizumab. Mais selon la FDA, "aucun de ces décès n'a été considéré comme étant lié à l'injection ou au VRS".

Contactée en juillet par l'AFP, la FDA a assuré avoir "investigué minutieusement les cas de décès rapportés lors des essais sur le nirvesimab tout au long des 360 jours post-traitement pour déceler une éventuelle causalité, et a conclu qu'aucun de ces décès ne pouvait être lié au Beyfortus".

Les décès enregistrés, relève l'agence américaine "ont été attribués à des pathologies sous-jacentes comme des malformations cardiaques" ou d'autres maladies reconnues comme causes habituelles de mortalité infantile dans les différents pays où les essais ont été menés, comme des gastro-entérites non soignées.

L'évaluation de Beyfortus par le Centre d'évaluation et de recherches sur les médicaments américains détaille la cause de chaque mort rapportée dans un essai clinique: un enfant au Panama est mort des suites d'une fracture du crâne dans un accident de voiture, tandis qu'un enfant prématuré en Ukraine est décédé du Covid-19.

"Au cours de tous les essais cliniques, des personnes peuvent décéder de causes sans rapport avec le traitement", explique à l'AFP le 11 juillet Amesh Adalja, professeur du Johns Hopkins Center for Health Security, "Ces morts ont fait l'objet de discussions et d'enquêtes et aucun lien avec le traitement n'a été trouvé".

Une citation hors contexte du fact-check d'AP

Enfin, les publications mensongères ont détourné une phrase de l'article d'AP, en anglais, dans lequel il est écrit: "Il est exact que certains bébés parmi les milliers enrôlés dans les essais cliniques du traitement sont morts. Mais des experts relèvent que les enquêteurs n'ont pas établi de lien entre les décès et le traitement, et que les décès sont survenus parmi des bébés qui ont reçu le traitement, mais aussi parmi certains qui ne l'ont pas reçu".

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Capture d'écran d'APNews le 19 juillet

Effectivement, comme le note AP, la FDA remarque que lors de deux des essais cliniques du Beyfortus, certains bébés ne recevaient pas le traitement commercialisé par Sanofi mais un placebo. Or, dans ces essais, le taux de mortalité dans les deux bras de l'étude était le même, 0,2%.

Un traitement à l'efficacité désormais bien établie

Deux études françaises publiées au printemps ici et ici ont montré que, testé massivement cet hiver dans plusieurs pays comme la France, le Beyfortus s'avère éviter nombre d'hospitalisations.

"C'est très encourageant de voir qu'en vie réelle toutes les études vont dans le même sens: une efficacité importante pour prévenir les hospitalisations", avait expliqué à l'AFP en avril Isabelle Parent du Chatelet, chargée des maladies infectieuses à l'agence Santé publique France.

D'après ces publications, le traitement réduit de 75% le risque de passage en soins intensifs (un chiffre qui doit cependant être relativisé par la taille relativement réduite de l'échantillon d'environ 300 bébés).

Selon les chercheurs, ce sont des milliers de bébés qui ont ainsi échappé à l'hôpital: entre 3.700 et 7.800 au total.

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