Les personnes vaccinées contre le Covid-19 peuvent toujours donner leur sang aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la Croix-Rouge accepte toujours les dons de sang de personnes vaccinées contre le Covid-19, contrairement à ce qu'affirment des internautes, qui relaient une vidéo contenant plusieurs affirmations trompeuses sur les vaccins. Un projet de loi visant à interdire les dons de sang a bien été déposé à la Chambre des représentants de l'Etat du Montana, mais il a été rejeté en février 2023. Il n'existe à l'heure actuelle aucun risque connu lié au don de sang de personnes vaccinées, selon les scientifiques et les autorités de santé.

"Les Etats-Unis interdit au [sic] personnes vaccinées contre la Covid 19 de donner du sang", affirme la légende d'une vidéo, partagée plus de 2 600 fois depuis le 19 mai 2023 sur Facebook en France. Elle est également relayée en Belgique et sur Twitter.

Image
Capture d'écran réalisée le 15/06/2023 sur Facebook

On y voit Hervé Juvin, eurodéputé Rassemblement national, qui se réjouit de la déclassification de documents liés à l'origine du Covid-19 votée en mars 2023 par le Congrès américain. Cette vidéo a été publiée le 17 mars 2023 sur le compte Facebook de l'eurodéputé.

A 0'58 minute, Hervé Juvin cite "un projet de loi aux Etats-Unis qui interdit aux personnes vaccinées de donner leur sang". Les internautes relayant cette vidéo extrapolent cette affirmation et clament que les Etats-Unis interdisent aux personnes vaccinées contre le Covid de donner leur sang.

En réalité, le projet de loi évoqué par Hervé Juvin, déposé en février 2023 à la Chambre des représentants de l'Etat du Montana (ouest des Etats-Unis), a été rejeté, comme l'a confirmé à l'AFP l'élu républicain qui en est à l'origine.

Par ailleurs, plusieurs scientifiques ont rappelé que le don de sang de personnes vaccinées contre le Covid-19 ne présente pas de risque particulier pour les receveurs, qu'ils soient vaccinés ou non.

Dans cette vidéo, Hervé Juvin s'interroge également sur les "questions de santé publique que posent les vaccins contre le Covid-19" et fait plusieurs déclarations sur la vaccination, affirmant entre autres qu'"il n'est plus question de vaccin" dans l'armée américaine, que "certains Etats [américains] interdisent" la vaccination des enfants et adolescents et que la "vaccination obligatoire contre le Covid-19" aurait "détruit l'immunité naturelle et condamné une partie de la population à périodiquement se faire vacciner sans fin".

Plusieurs de ces déclarations sont trompeuses, voire fausses.

La théorie du sang "contaminé" par les vaccins anti-Covid est récurrente sur les réseaux sociaux depuis le début des campagnes de vaccination contre cette maladie. L'AFP a vérifié des assertions similaires à plusieurs reprises, ici, ici ou encore ici. Certains exploitent même cette théorie pour faire des affaires, à l'instar de Safe Blood Donation, une organisation basée à Zurich (Suisse) qui cherche à mettre en relation donneurs et receveurs non-vaccinés.

Un projet de loi rejeté par la Chambre des représentants du Montana

En cherchant des publications relayant cette affirmation ou des informations similaires, on peut retrouver ce tweet, publié le 31 mars 2023: "Etats-Unis, Montana. Un projet de loi vise à interdire aux vaccinés le droit de donner leur sang". En effet, il partage le lien d'un projet de loi visant à interdire "de donner sciemment du sang total, du plasma, des produits sanguins, des dérivés sanguins (...) contenant des protéines altérant les gènes, des nanoparticules, des protéines de pointe à haute teneur issues de Covid-19 long ou d'autres isolats introduits par les vaccins à ARNm ou à ADN (...)".

Le tweet est illustré d'une capture d'écran d'un article publié le 27 février 2023 dans le journal Daily Montanan, qui explique que ce projet de loi vise à interdire aux personnes ayant reçu un vaccin anti-Covid de donner leur sang, sous peine d'une amende de 500 dollars. L'autrice de l'article relaie les préoccupations du médecin en chef de la Croix-Rouge de l'Ouest américain, inquiet que l'adoption de cette loi "anéantisse" l'approvisionnement en sang de cet Etat d'un million d'habitants.

Ce projet de loi a été introduit auprès de la Chambre des représentants du Montana le 17 février 2023 par le représentant Républicain Greg Kmetz, indique le site de la justice du Montana. Elle a été "tabled" - rejetée - le 27 février 2023. Contacté le 13 juin 2023, Greg Kmetz a confirmé à l'AFP que ce projet de loi avait été abandonné. "Il s'agit d'une tentative de projet de loi qui a échoué, nous essaierons à nouveau lors de la session de 2025", a-t-il déclaré.

La Croix-Rouge américaine a indiqué à l'AFP le 13 juin 2023 avoir "connaissance d'une poignée de propositions émises par des Etats relatives à l'admissibilité des donneurs de sang et aux vaccins Covid-19", mais n'avoir connaissance "d'aucune proposition susceptible d'être adoptée et de devenir une loi".

L'AFP n'a trouvé aucune trace d'une loi interdisant aux personnes vaccinées de donner leur sang aux Etats-Unis.

Les personnes vaccinées contre le Covid-19 peuvent toujours donner leur sang

Au 15 juin 2023, le site de la Croix-Rouge américaine indiquait que "si vous avez reçu un vaccin, vous pouvez toujours donner du sang, des plaquettes ou du plasma".

Le service de communication de la Croix-Rouge a indiqué à l'AFP "respecter les directives d'admissibilité de la FDA, y compris les directives relatives à l'admissibilité des donneurs de sang ayant reçu le vaccin contre le Covid-19. Les dons de sang provenant de personnes ayant reçu ce vaccin peuvent être transfusés en toute sécurité. Comme d'autres vaccins tels que la rougeole, les oreillons ou la grippe, le vaccin contre le Covid-19 est conçu pour générer une réponse immunitaire qui aide à protéger un individu contre la maladie, mais les composants du vaccin eux-mêmes ne se trouvent pas dans la circulation sanguine".

Sur son site (lien archivé), la Food and Drug Administration (FDA) américaine indique que les personnes ayant reçu un vaccin inactivé, non réplicatif ou à ARN messager, peuvent donner leur sang sans période d'attente. Les personnes vaccinées avec un vaccin à vecteur viral - qui utilise un virus atténué - ou qui ne savent pas quel type de vaccin elles ont reçu, doivent attendre une quinzaine de jours avant de pouvoir donner leur sang.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) détaille les différents types de vaccins Covid existants ici.

Ce temps d'attente est "un principe de précaution", a expliqué à l'AFP Béatrice Swennen, docteur en médecine et chercheuse au département d’épidémiologie et de médecine préventive au Brussels Studies Institute."Avec les vaccins à virus vivants atténués, sur le principe on pourrait avoir la présence de germes vivants" dans le sang du donneur. "Mais jusqu'à maintenant, on n'a jamais vu d'infections induites par ces vaccins", relève-t-elle.

A l'heure actuelle, il n'y a pas de vaccins anti-Covid à vecteur viral distribué aux Etats-Unis. Certains vaccins candidats ont été étudiés, mais aucun n'a été autorisé par la FDA à ce jour.

Image
Une personne donne du sang lors d'une collecte à l'hôpital pour enfants de Los Angeles, le 13 janvier 2022. ( AFP / Patrick T. FALLON)

En Belgique, un délai de 48 heures entre l'injection d'un vaccin anti-Covid et le don de sang est requis, indique le site de la Croix-Rouge belge. En cas de symptômes, ce délai est allongé à 7 jours.

Sur son site, l'Etablissement français du sang écrit que "dans la grande majorité des cas, il est possible de donner son sang après une injection de vaccin contre la Covid-19, sans aucun délai d’ajournement à respecter".

Recevoir le sang d'une personne vaccinée ne présente pas de danger

Recevoir le sang d'une personne vaccinée ne présente "aucun risque", a expliqué à l'AFP Michel Moutschen, chef du service d'infectiologie et professeur en immunopathologie à l'Université de Liège, interrogé le 14 juin 2023. "Dans le cas des vaccins à ARN messager, l'ARN est dégradé très rapidement et disparaît de l'organisme. Dans le cas des vaccins à adénovirus, on a retiré le matériel génétique nécessaire au virus pour infecter la personne".

"Sur le principe, si une personne vaccinée fait le lendemain de l'injection un don de sang, il paraît possible qu'une quantité infime d'ARN ou de protéine de pointe circule dans le sang du receveur", a admis Michel Moutschen. Cependant, à ce jour, aucun problème lié à un don de sang d'une personne vaccinée n'a été signalé.

"Si vous donnez le sang d'une personne vaccinée à quelqu'un qui ne l'est pas, la personne recevant la transfusion ne devient pas vaccinée", expliquait à l'AFP en janvier Katrine Wallace, épidémiologiste de l'université de l'Illinois à Chicago.

L'AFP expliquait déjà cela dans un précédent article de vérification.

Confusion entre le plasma et le plasma convalescent

Dans l'une des publications que nous vérifions, une internaute belge relaie le lien vers une vidéo en anglais, publiée sur la plateforme Odyssée, qui affirme que "la Croix-Rouge affirme que quiconque a reçu un vaccin contre le Covid-19 ne peut pas donner de plasma convalescent pour aider d'autres patients Covid-19 dans les hôpitaux. Le plasma est constitué d'anticorps de personnes qui se sont remises de la maladie. Le vaccin élimine ces anticorps, rendant le plasma convalescent inefficace pour traiter d'autres patients atteints de Covid-19".

Le plasma est la partie liquide du sang. Quand une personne contracte le Covid-19, son corps produit des anticorps pour combattre le coronavirus. Ils sont concentrés dans le plasma. Le traitement consiste alors à prélever les anticorps sur des personnes ayant été contaminées mais s'étant rétablies, ce qu'on appelle le plasma convalescent, et à l'injecter chez des malades.

Image
Graphique sur l'usage possible du plasma sanguin d'un patient guéri du SARS-CoV-2 pour soigner des malades du Covid-19. ( AFP / John SAEKI, Alain BOMMENEL)

Avec la pandémie de Covid-19, certains chercheurs ont proposé d'avoir recours à des transfusions de plasma de convalescents pour étudier ses bienfaits potentiels sur des patients infectés.

La Croix-Rouge américaine a répondu en juillet 2021 sur son site aux affirmations selon lesquelles elle refuserait les dons de plasma convalescent en soulignant que la FDA autorisait les personnes ayant reçu un vaccin contre le Covid-19 à donner du plasma dans les six mois suivant leur infection par le virus. Elle a aussi expliqué qu'"en raison de la baisse de la demande hospitalière et parce que la Croix-Rouge et nos partenaires industriels ont été en mesure de constituer un approvisionnement suffisant en plasma de convalescent pour répondre aux besoins prévisibles des patients atteints de Covid-19, la Croix-Rouge a complètement cessé de collecter du plasma de convalescents le 14 juin".

L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en France explique dans un article publié en juillet 2022 sur son site que "depuis le début de la pandémie, l’utilisation de plasma de convalescents (PCC) est très encadrée, soit par le biais d’essais cliniques, soit dans le cadre d’un protocole d’utilisation thérapeutique (PUT) lorsqu’une inclusion dans un essai clinique n’est pas possible".

L'arrivée des vaccins anti-Covid a rendu caduque l'utilisation du plasma convalescent, qui n'a pas montré une efficacité particulière. Son utilisation est maintenant réservée "aux traitements d'extrême urgence", a expliqué Michel Moutschen.

L'ANSM précise en effet qu'"à ce jour, les nombreux essais cliniques réalisés depuis le début de la pandémie n’ont pas démontré l’efficacité du PCC dans le traitement de la maladie Covid-19. En revanche, un effet favorable du PCC sur l’amélioration clinique des patients présentant une immunodépression sévère a été observé dans le cadre du PUT et est également décrit dans de nombreux rapports de cas et études observationnelles".

Sur son site, l'EFSA indique participer à une étude européenne sur l'intérêt d'une transfusion de plasma à des patients infectés par le Covid-19 et à risque de développer une forme grave de la maladie, et fait un appel à des donneurs de plasma "ayant déclaré un Covid il y a moins de 6 mois ET ayant reçu au moins 1 injection de vaccin".

Les vaccins n'ont pas "détruit l'immunité naturelle" de la population

"La vaccination a détruit l'immunité naturelle et condamné une partie de la population à périodiquement se faire vacciner sans fin", affirme Hervé Juvin.

"L'immunité naturelle n'est pas un terme scientifique exact", a commenté Michel Moutschen, ajoutant qu'il est faux de supposer que l'immunité induite par les vaccins remplace une immunité acquise par l'infection au Covid-19.

"Aujourd'hui on a des données qui montrent que la meilleure immunité contre le Covid-19 est une immunité hybride, activée par une infection et réactivée par une vaccination", ou vice-versa, a ajouté Michel Moutschen.

C'est également ce qu'explique l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans un article publié en mars 2023 sur son site: "les personnes vaccinées après une infection sont les mieux protégées d’une réinfection par le SARS-CoV-2".

L'AFP expliquait déjà dans un article de vérification publié en 2021 que l'immunité "naturelle" n'était pas menacée par l'immunité acquise avec les vaccins anti-Covid.

Autres affirmations trompeuses sur la vaccination aux Etats-Unis

"Dans l'armée américaine, il n'est plus question de vaccins", affirme Hervé Juvin dans la vidéo. En effet, l'armée américaine a levé en février 2023 la plupart des restrictions liées aux vaccins anti-Covid, comme la vaccination obligatoire pour voyager ou pour adhérer à certains programmes. Cependant, l'armée recommande toujours la vaccination, comme l'indique le site du Département de la Défense américain.

"Pour nombre d'enfants et d'adolescents, certains Etats interdisent tout simplement la vaccination", affirme aussi Hervé Juvin.

Depuis juin 2022, la FDA autorise les vaccins à ARN Messager de Pfizer-BioNtech et de Moderna pour les enfants de 6 mois et plus, comme indiqué sur le site de l'agence.

Le site de l'ONG américaine National Conference of Legislature (NCSL) indique que les 50 États américains disposent tous d'une législation imposant certains vaccins aux étudiants, y compris les vaccins anti-Covid pour certains Etats comme la Californie et Washington D.C. Si des exemptions existent pour des raisons morales ou religieuses, le site n'évoque aucune interdiction totale de la vaccination anti-Covid pour les mineurs.

"C'est aux Etats-Unis que les chiffres de mortalité d'athlètes de haut niveau, de jeunes en pleine santé commencent à être dévoilés", avance aussi Hervé Juvin, sans donner de détails.

Aux Etats-Unis, les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) surveillent quelques rares "effets indésirables intéressants" signalés après la vaccination par le Covid-19. Interrogé en janvier 2023 dans un précédent article de vérification sur le décès de jeunes athlètes, le service de communication des CDC a indiqué à l'AFP que "les déclarations qui impliquent que les rapports de décès suite à la vaccination équivalent à des décès causés par la vaccination sont scientifiquement inexactes, trompeuses et irresponsables. À ce jour, les CDC n'ont détecté aucun schéma inhabituel ou inattendu de décès suite à une vaccination qui indiquerait que les vaccins Covid causent ou contribuent à des décès".

L'idée selon laquelle les décès d'athlètes de haut niveau auraient explosé depuis le début des campagnes de vaccination contre le Covid-19 a déjà été vérifiée par l'AFP.

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter