La Thaïlande va "interdire le vaccin anti-Covid de Pfizer" ? Une allégation infondée, selon le ministère de la Santé thaïlandais

Alors que la fille aînée du roi de Thaïlande s'est évanouie en décembre 2022 et a dû être hospitalisée pour un problème cardiaque, de nombreuses publications attribuent sa condition à la vaccination anti-Covid, certains assurant - à tort - début février 2023 qu'elle serait "décédée"' et que le royaume aurait depuis décidé d'interdire le vaccin de Pfizer dans le pays. Mais le ministère de la Santé thaïlandais, ainsi qu'un haut responsable du département thaïlandais de contrôle des maladies interrogé par l'AFP, ont déclaré qu'il n'y a pas eu de changement décidé concernant la politique vaccinale du royaume en date du 9 février 2023. Les médecins qui ont traité la princesse ont déclaré que celle-ci était tombée malade en raison d'une infection à mycoplasmes.

"La Thaïlande va devenir le premier pays au monde à déclarer ses contrats Pfizer nuls et non avenus", affirment des articles de blogs (1, 2) partagés plusieurs milliers de fois depuis début février en français, mais traduit de l'anglais.

Ces textes assurent qu'"en plus de mettre fin aux contrats de Pfizer, le gouvernement thaïlandais prévoit également de réclamer à l'entreprise un dédommagement se chiffrant en milliards de dollars".

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Capture d'écran prise le 16/02/2023
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Capture d'écran prise le 16/02/2023

 

 

La fille aînée du roi de Thaïlande, la princesse Bajrakitiyabha Mahidol, avait été hospitalisée à Bangkok, le 15 décembre 2022, après un problème cardiaque qui lui avait fait perdre connaissance.

L'incident s'était produit à environ trois heures de route au nord-est de Bangkok, alors qu'elle s'entraînait avec un chien en prévision d'un concours canin organisé par l'armée, comme le rapportait l'AFP dans cette dépêche publiée le même jour.

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Des sympathisants de Bajrakitiyabha Mahidol s'inclinent devant son portrait , le 16 décembre 2022, à l'hôpital Chulalongkorn de Bangkok où la princesse était hospitalisée après s'être évanoui la veille. ( AFP / Lillian SUWANRUMPHA)

Une fois son état de santé déclaré "stable" dans un hôpital local, elle avait été hélitreuillée dans un établissement de la capitale, pour passer des examens approfondis.

Immédiatement, des spéculations ont émergé sur les réseaux sociaux attribuant, sans preuve, cet évanouissement et la condition de la princesse de 44 ans à la vaccination anti-Covid.

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Capture d'écran prise le 16/02/2023
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Capture d'écran prise le 16/02/2023

 

 

L'article de blog partagé sur les réseaux sociaux inclus une vidéo du microbiologiste thaï-allemand Sucharit Bhakdi – déjà critiqué pour avoir partagé des allégations non fondées sur la vaccination anti-Covid comme ici ou ici– suggérant, sans avancer de preuve, que la princesse a subi les effets indésirables d'une vaccination anti-Covid avec le produit de Pfizer-BioNTech.

Des internautes français ont même soutenu début février 2023 que la princesse serait décédée depuis, en affirmant que "la Thaïlande a déclaré la guerre à Pfizer après la mort de sa princesse".

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Mais le palais royal a déclaré dans un communiqué publié le 7 janvier 2023 que les médecins qui s'étaient occupé de la princesse avaient conclu que son état était dû à une infection à mycoplasme, sorte de bactérie qui affecte généralement les poumons, la peau ou les voies urinaires, selon l'espèce responsable de l'infection. Si la plupart de ces infections sont bénignes, certaines peuvent être graves, voire mortelles.

Le palais royal a également indiqué que la princesse était encore inconsciente, et qu'elle recevait des antibiotiques et une aide cardiaque, pulmonaire et rénale. Il n'a donné, depuis le 15 février, aucune nouvelle sur son état de santé.

"Aucun changement de politique vaccinale"

La Thaïlande a commencé sa campagne de vaccination contre le Covid-19 en février 2021. Le royaume inocule au public les vaccins de Pfizer-BioNTech, AstraZeneca, Sinovac et Sinopharm, ainsi que celui de Moderna dans les hôpitaux privés.

Répondant aux allégations relayées sur les réseaux sociaux, des responsables thaïlandais en charge de la santé publique ont déclaré que le royaume n'avait pas modifié sa politique de vaccination contre le Covid-19.

Kajornsak Kaewcharas , directeur général adjoint du département thaïlandais de contrôle des maladies, a déclaré le 9 février qu'il n'y avait eu "aucun changement de politique vaccinale thaïlandaise" à la date du 9 février 2023.

"Nous continuerons à fournir des vaccins à la disposition du public, avec le même objectif allant jusqu'à deux doses de rappel", a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant qu'"il n'y a pas non plus eu de discussion sur des changements concernant les vaccins mis à la disposition du public."

Le 3 février, le ministère thaïlandais de la Santé publique avait déjà déclaré dans un communiqué que les rumeurs selon lesquelles la Thaïlande interdirait les vaccins Pfizer-BioNTech Covid étaient de "fausses informations".

Le 8 février, la Food and Drug Administration thaïlandaise a annoncé qu'elle prolongerait la date d'expiration de certains lots de vaccins Pfizer-BioNTech Covid-19 de 9 à 15 mois à compter de leur date de fabrication.

Selon les experts santé de Meedan, organisme qui répond aux fausses informations en matière de santé, les dates d'expiration figurant sur les vaccins peuvent être prolongées pour aider à réduire le gaspillage de vaccins et en faciliter l'accès.

Meedan a expliqué à l'AFP le 14 février que "les vaccins Pfizer Covid-19 restent stables, sûrs et efficaces jusqu'à 18 mois après leur date de fabrication".

La princesse Bajrakitiyabha Mahidol

La princesse Bajrakitiyabha Mahidol, âgée de 44 ans, est l'unique enfant du premier mariage roi Maha Vajiralongkorn. Elle ne prétend pas au trône de son père en vertu des règles traditionnelles de la monarchie thaïlandaise qui favorisent un successeur masculin, mais le palais n'a annoncé aucun héritier jusqu'ici.

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La princesse Bajrakitiyabha Mahidol prend la parole le 14 septembre 2009 à Genève. ( AFP / FABRICE COFFRINI)

Elle possède une fonction cérémonielle importante en Thaïlande, où la toute-puissante famille royale jouit d'un statut sacré, au point d'exposer ses critiques à 15 ans de prison, prévus par la loi pour le crime de lèse-majesté.

Surnommée la princesse "Bha", elle a opté pour une carrière dans la diplomatie après des études de droit aux Etats-Unis, qui l'a notamment conduite à côtoyer plusieurs agences des Nations unies.

Elle a aussi été ambassadrice de Thaïlande en Autriche entre 2012 et 2014.

La princesse occupe depuis février 2021 un rôle de cheffe au service de la protection rapprochée du roi.

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