Covid-19 : la "zone d'ombre" du bilan dans les Ehpad

  • Cet article date de plus d'un an
  • Publié le 25 mars 2020 à 18:37
  • Mis à jour le 25 mars 2020 à 23:14
  • Lecture : 3 min
  • Par : Sami ACEF
1.331 personnes décédées en France du coronavirus ? Le bilan est malheureusement inférieur à la réalité. En Ehpad ou à domicile, des personnes âgées succombent à l'épidémie de Covid-19, un triste et complexe comptage pour l'instant exclu du bilan quotidien du gouvernement.

"On ne sait pas aujourd'hui mesurer l'étendue des dégâts dans les maisons de retraite", a résumé mercredi le président de la Fédération hospitalière de France Frédéric Valletoux. 

Cette "zone d'ombre", selon ses mots, est aussi reconnue par le directeur général de santé Jérôme Salomon, qui mardi, au moment d'annoncer un nouveau bilan de "1.100 décès (...) à l'hôpital", a concédé qu'ils "ne représentent qu'une faible part de la mortalité". 

Problème, on ne sait pas non plus combien de victimes en Ehpad attribuer à l'épidémie. 

"On ne dépiste plus systématiquement"

Vingt décès "en lien possible avec le Covid-19" dans un Ehpad de Cornimont (Vosges), selon les autorités. A Saint-Dizier (Haute-Marne), seize résidents d'une structure sont décédés et une quarantaine sont sous surveillance.

Dans un établissement de la fondation Rothschild à Paris, une dizaine de personnes sont décédées et près de 80 étaient positives au Covid-19, selon un bilan provisoire de l'ARS mardi. 

A Thise (Doubs), ce sont 16 personnes qui ont trouvé la mort. Toutes présentaient les symptômes du nouveau coronavirus mais "c'est difficile de savoir si ces décès sont liés car on ne dépiste plus systématiquement les nouveaux cas", a précisé le porte-parole à l'AFP. 

Même problème à Cornimont : "seuls les résidents hospitalisés ont été testés", explique la directrice Sophie Nivel. Ainsi, seulement six décès parmi les 20 peuvent être attribués formellement au Covid-19.

En Bourgogne-Franche-Comté, 80 des 400 Ehpad de la région "ont signalé des difficultés en lien avec la gestion Covid-19", selon l'ARS.

"Au sein même des Ehpad on ne teste que les deux premiers cas", explique Candice Morel, médecin généraliste à Ousse (Pyrénées-Atlantiques), qui regrette également que le personnel ne bénéficie pas toujours du matériel suffisant, notamment de surblouses. 

Pourquoi deux tests ? Le ministère de la Santé le recommande dans un document du 16 mars: "seuls les premiers patients résidant dans une structure d’hébergement collectif (...) font l’objet d’un prélèvement. A partir du second cas confirmé, toute personne présentant un état symptomatique ou proche est alors présumée infectée". Une consigne toujours d'actualité, selon le ministère contacté mercredi. 

"Les autres cas sont 'assimilés à des cas Covid-19' sur la base du tableau clinique (caractéristiques et symptômes observés de la maladie, NDLR), mais ne sont pas comptabilisés car non testés", explique l'ARS d'Île-de-France.

La mortalité excessive comme baromètre ?

"Les hôpitaux partagent un système informatique, dans lequel ils enregistrent tous les événements, dont les décès. Pour ça, on a des données fiables", détaille le directeur communication de l'ARS Idf David Heard. "Mais ce système n'existe pas en dehors. En Ehpad, les cas sont signalés par les directeurs d'établissements, il n'y a pas de remontée automatique."

Selon lui, on dénombrait mardi à 14h en Ile-de-France 148 Ehpad avec au moins deux cas de Covid-19 détectés, seuil à partir duquel des mesures de réorganisation de l'établissement doivent intervenir pour éviter la propagation. 

Lors de son allocution mardi, Jérôme Salomon promettait un "suivi quotidien de la mortalité" dans ces établissements. 

Interrogée par l'AFP mercredi, la DGS précise : "une application" doit être opérationnelle "dans les prochains jours" et doit produire une estimation plus fiable du nombre de victimes en Ehpad, sur déclaration des médecins des établissements. 

Reste une dernière zone d'ombre : "quand une personne âgée qui n'a pas été hospitalisée décède à son domicile, on ne pourra pas avoir de certitude", prévient le Dr Morel. "Et vu le peu de tests dont on dispose, je ne pense pas qu'on teste post-mortem."

"Tous ces décès sont systématiquement déclarés en mairie à l'Etat civil pour être ensuite confirmés, analysés par Santé publique France", a déclaré mercredi Jérôme Salomon. 

C'est une méthode évoquée par la DGS pour estimer le nombre de victimes totales quel que soit le lieu de décès : "la surveillance de la mortalité toutes causes" sur le territoire par Santé publique France. Elle permettrait, en comparant le nombre de décès attendus sur une période à celui observé pendant l'épidémie, "d'estimer l'excès de mortalité" dû au Covid-19. 

Edit du 25/03 : actualise le bilan

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