Un homme reçoit sa troisième dose de vaccin Pfizer le 1er août 2021 à Jérusalem ( AFP / MENAHEM KAHANA)

Non, ce docteur israélien ne met pas en garde contre la vaccination

La vidéo d'un docteur israélien critiquant la vaccination contre le Covid-19, assortie de commentaires prétendant le citer en affirmant que "95% des patients gravement malades sont vaccinés", ou que le vaccin est "inefficace", a été partagée plusieurs milliers de fois sur les réseaux sociaux depuis août. Ces publications sont pourtant trompeuses : les citations attribuées à ce médecin sont, pour certaines totalement erronées et pour d'autres tronquées. Dans son interview complète sur une chaîne télévisée locale, ce médecin encourage la population à recevoir une troisième dose de vaccin.

La vidéo a été postée une première fois le 5 août sur Twitter, avec des commentaires en anglais (ici). Depuis, cette publication a été visionnée plus de 1.3 million fois et partagée à plus de 12.600 reprises.

On y trouve un montage d'une quarantaine de secondes composé de plusieurs extraits d'une interview réalisée par une présentatrice israélienne, qui pose des questions au docteur Kobi Haviv, le tout en hébreu, avec quelques sous-titres en anglais.

La description du tweet en anglais prétend reprendre des citations du docteur, affirmant que "95% des patients sévèrement malades sont vaccinés", que "85 à 90% des hospitalisations concernent des personnes entièrement vaccinées" ou encore que "l'efficacité du vaccin s'amenuise/se dissipe".

La même vidéo, accompagnée d'une traduction automatique des commentaires du post original, a ensuite été reprise en français. Elle a été partagée depuis quelques milliers de fois sur Facebook (ici, ou ), et quelques dizaines d'autres sur Twitter (ici, ).

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Capture d'écran Twitter, réalisée le 13/10/2021
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Capture d'écran Facebook, réalisée le 13/10/2021

 

 

Des extraits comportant les mêmes citations attribuées au médecin israélien ont aussi été repris en août dans des articles sur plusieurs sites comme Breizh-Info, la version française du média The Epoch Times (dont les fondateurs sont liés au mouvement du Falun Gong, et qui relaient régulièrement des articles présentant des théories conspirationnistes), sur le site "Vision Times" ou encore dans une tribune publiée par France Soir.

En anglais, elle a aussi circulé sur de multiples autres plateformes, dont Instagram, YouTube ou Reddit, et a été partagée dans différentes autres langues, dont l'espagnol, le coréen, le russe, le turc et le hongrois.

Cependant, ces posts sont trompeurs. Ils citent et traduisent incorrectement le médecin israélien, sortent ses propos de leur contexte et omettent de mentionner l'idée générale véhiculée dans l'interview complète : le Dr. Kobi Haviv encourage les Israéliens à recevoir une troisième dose de vaccin.

Omission du contexte général de l'interview

Une recherche par mot-clé sur Google, dont le principe est expliqué dans la vidéo en dessous, confirme que l'homme dans les publications est le Dr Jacob "Kobi" Haviv, directeur de l'hôpital Herzog à Jérusalem.

La vidéo partagée sur les réseaux sociaux est tirée de cette interview, diffusée le 5 août 2021 par la chaîne israélienne Channel 13. L'intervention du Dr. Haviv commence à partir de la cinquième minute du programme.

Comme présenté ci-dessous, la capture d'écran d'une des publications partagées sur les réseaux sociaux (à gauche) correspond à celle de la vidéo originale de Channel 13 (à droite).

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Comparaison entre la vidéo originale de Channel 13 (à droite), et celle mise en avant dans les publications (à gauche)

 

Au cours de l'interview, le Dr. Haviv se prononce à plusieurs reprises en faveur de la vaccination Covid-19, encourageant ses concitoyens à recevoir des rappels d'injections, et impute un pic de cas dans son hôpital au fait que la protection offerte par le vaccin s'estompe avec le temps.

"Malheureusement, comme nous l'entendons, l'efficacité des vaccins s'estompe. C'est pourquoi j'espère que les gens entendront l'appel de la troisième dose de vaccin et que ce troisième vaccin sera utile", déclare-t-il en hébreu.

Cet "appel" lancé aux Israéliens pour qu'ils puissent recevoir une troisième injection n'a pas été inclus dans la compilation partagée sur les réseaux sociaux.

Des légendes trompeuses

Les publications affirment aussi que le médecin israélien dit dans son interview que "95% des patients gravement malades sont vaccinés". Cependant, le Dr. Haviv ne prononce jamais ces mots exacts, que ce soit dans la vidéo complète ou dans la vidéo éditée.

Il précise en fait que "la plupart des personnes âgées sont vaccinées, la plupart de la population est vaccinée, et c'est pourquoi environ 90 %, 85-90 % des patients hospitalisés ici sont des patients qui ont été entièrement vaccinés."

Dans les lieux où les taux de vaccination sont élevés, il est cohérent et attendu qu'une forte proportion des personnes admises à l'hôpital pour cause de Covid-19 aient été vaccinées, car il existe toujours un risque, plus faible, d'infection, ont déjà précisé à l'AFP plusieurs experts cette année, notamment dans cet article, dans celui-ci ou encore dans celui-là.

En outre, les messages partagés sur les réseaux sociaux peuvent laisser penser que le docteur Haviv décrit la situation générale, alors qu'il n'est interrogé et ne se prononce que sur l'hôpital dans lequel il travaille.

Les publications prétendent ainsi qu'il affirme que "85-90% des hospitalisations concernent des personnes entièrement vaccinées". Elles omettent le mot hébreu "etslenu", qui se traduit par "chez nous".

De la même manière, les posts citent à tort Kobi Haviv, indiquant qu'il aurait déclaré : "Nous ouvrons de plus en plus de salles de COVID !".

Il ne prononce pas ces mots. Dans la version complète de l'interview, le docteur israélien indique plutôt qu'une deuxième unité a été ouverte dans son hôpital pour les patients atteints du Covid-19, et qu'elle est pleine, le jour de son interview, mais ne dit pas que "de plus en plus" de "salles de Covid" sont ouvertes, dans son hôpital ou ailleurs.

La dernière citation attribuée au docteur Haviv, selon laquelle l'efficacité des vaccins Covid-19 "s'estompe", est correcte mais elle manque de contexte : les posts indiquent simplement que "l'efficacité du vaccin diminue/se dissipe".

Dans l'interview complète, le docteur explique, en hébreu : "Malheureusement, comme nous l'entendons, l'efficacité des vaccins s'estompe. C'est pourquoi j'espère que les gens entendront l'appel au troisième vaccin et que ce dernier sera utile."

La campagne de troisième dose

Dès le 30 juillet, Israël a lancé une campagne de rappels visant à offrir une troisième injection du vaccin contre le Covid-19 aux personnes âgées de plus 60 ans, comme le rapportait cette dépêche de l'AFP.

Fin août, ces rappels ont été généralisés à l'ensemble de la population éligible à la vaccination, c'est-à-dire tous les Israéliens de plus de 12 ans.

Dans un message vidéo publié le 18 août 2021 sur la page Facebook de son hôpital, le docteur Haviv avait déclaré que le nombre de patients Covid-19 admis dans son établissement était en baisse, attribuant cette diminution des cas à la campagne de rappels du vaccin.

"Pendant le week-end, nous avons commencé à voir une diminution et nous espérions vraiment que cela était lié au fait que les personnes âgées recevaient la troisième dose de vaccin. Aujourd'hui, il n'y a aucun doute, la troisième dose fonctionne", déclare-t-il en hébreu.

Dès le 29 décembre 2020, Kobi Haviv avait plaidé en faveur de la vaccination contre le Covid-19, en s'affichant recevant "fièrement" sa première dose de vaccin sur la page Facebook de son hôpital.

Le 19 septembre 2021, le ministère israélien de la santé avait déclaré que trois millions de citoyens avaient reçu une troisième dose de vaccin contre le Covid-19.

Plus de non-vaccinés gravement malades en Israël

La majorité des patients atteints de Covid-19 grave en Israël ne sont pas vaccinés, indiquait par ailleurs un article du quotidien national Haaretz paru le 1er octobre 2021.

Selon les données du ministère israélien de la Santé citées alors, 73 % des patients gravement atteints par le Covid-19 n'étaient pas vaccinés.

En jetant un oeil sur le site du ministère de la Santé israélien, on observe en effet que la majorité des malades, tous âges confondus, sont non-vaccinés (premier tableau). En outre, la plupart des cas graves de la maladie sont enregistrés chez des personnes non-vaccinées selon ces mêmes données (deuxième tableau), au 13 octobre.

Les personnes entièrement vaccinées (avec deux, ou trois doses) sont représentées en vert foncé, les personnes vaccinées avec une dose en vert clair, et les personnes non-vaccinées en bleu clair ci-dessous.

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Capture d'écran du site du ministère de la Santé israélien, réalisée le 13/10/2021

Israël, qui a débuté la vaccination en décembre 2020, a été l'un des pays dans lequels celle-ci s'est déroulée le plus rapidement. Elle a ainsi permis de réduire les infections drastiquement en juin 2021, lorsque toutes les restrictions liées à la pandémie ont été levées.

Mais une recrudescence des cas au cours de l'été a amené les experts à se demander si cela était du au variant Delta ou à la perte d'efficacité du vaccin Pfizer-BioNTech, le seul utilisé dans le pays, cinq mois après la deuxième injection.

Quelques semaines après le début du déploiement de la campagne de rappels avec la troisième dose de vaccin, le nombre de cas graves s'est stabilisé.

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( Claire Line NASS)
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( Claire Line NASS)

 

 

Le ministère israélien de la santé a déclaré en juillet 2021 qu'il avait constaté un "déclin marqué de l'efficacité du vaccin" dans la prévention de l'infection et des maladies symptomatiques. "Ce déclin a été observé simultanément avec la propagation de la variante Delta en Israël", indiquait-il, ajoutant que "néanmoins, le vaccin conserve un taux d'efficacité d'environ 93 % dans la prévention des maladies graves et des cas d'hospitalisation."

La pandémie du nouveau coronavirus a fait au moins 4.861.478 morts dans le monde depuis que le bureau de l'OMS en Chine a fait état de l'apparition de la maladie fin décembre 2019, selon un bilan établi par l'AFP à partir de sources officielles le 13 octobre.

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