Les données anglaises sur les décès liés au variant Delta ne montrent pas que la vaccination est inefficace. Au contraire.
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- Publié le 13 juillet 2021 à 13:20
- Mis à jour le 19 juillet 2021 à 10:32
- Lecture : 4 min
- Par : Rémi BANET, AFP France
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"INCROYABLE ! Enfin la vérité. Sur Sky News en Grande Bretagne, la chaîne parle de 257 morts du variant Delta… MAIS précise que 92 étaient non vaccinés et 118 complètement vaccinés !! PREUVE DONC QUE LES VACCINS NE FONCTIONNENT PAS !", écrit une internaute relayant une capture d'écran de la chaîne d'information en continu britannique Sky News.
"En Angleterre… plus les gens sont vaccinés, plus ils décèdent..", affirme un autre, ironisant sur les appels à la vaccination.
Les données relayées par Sky News et visibles sur les captures d'écran ci-dessus sont exactes : 257 personnes sont mortes du variant Delta en Angleterre entre le 1er février et le 21 juin, dont 118 étaient entièrement vaccinées et 92 n'étaient pas vaccinées, indiquent des chiffres publiés le 9 juillet par les autorités sanitaires anglaises (Public Health England).
Pour autant, et même si cela peut paraître contre-intuitif, ces chiffres ne sont pas la preuve de l'inefficacité des vaccins. Au contraire, même.
Le raisonnement est fallacieux car il repose sur une comparaison entre deux valeurs absolues. Or, le "groupe" des vaccinés - qui dénombre le plus de morts - est nettement plus grand que celui des non-vaccinés.
"Ces données doivent être interprétées en prenant en compte la couverture vaccinale très élevée dans la population britannique. Même avec un vaccin hautement efficace, il est attendu qu'une forte proportion des cas [de décès] survienne chez des personnes vaccinées, simplement parce qu'une plus forte proportion de la population est vaccinée", a expliqué à l'AFP Public Health England.
"Cela ne veut PAS dire que les vaccins ne sont pas efficaces", abonde Paul Hunter, professeur de médecine à l'université d'East Anglia (est de l'Angleterre), qui rappelle que "les vaccins ne sont pas efficaces à 100%", et met lui aussi en avant la "couverture vaccinale très élevée" chez les plus de 50 ans, groupe d'âge dans lequel sont survenus "presque tous les décès" depuis le début de l'épidémie.
"Les vaccins ont réduit considérablement le taux de mortalité", insiste le Pr Hunter.
Voici sa démonstration.
"Aujourd'hui plus de 95%, probablement même près de 97-98% des plus de 50 ans (et encore plus dans les groupes les plus âgés les plus vulnérables) sont entièrement vaccinés en Angleterre", souligne-t-il, estimant par ailleurs que la vaccination est efficace aux alentours de "95%*" dans la prévention des décès.
Ainsi, sur un échantillon d'un million de personnes de plus 50 ans, 975.000 sont immunisées et 25.000 ne le sont pas.
Dès lors, si l'on considère - de manière purement théorique - que l'infection tue 100 personnes sur 10.000 (soit 1%) chez les non-immunisés contractant le Covid-19 et seulement 5 personnes sur 10.000 (soit 0,05%) chez les personnes immunisées infectées, l'on arrive à 250 morts sur 25.000 dans le groupe des non-vaccinés et 487,5 morts sur 975.000 dans le groupe des vaccinés, calcule le Pr Hunter.
Mais, souligne-t-il, "sans vaccination 10.000 personnes mourraient" sur l'échantillon d'un million.
Deux statisticiens de l'université de Cambridge et de la Société royale de statistiques ont ainsi publié le 27 juin dans le quotidien britannique The Guardian une tribune intitulée : "Pourquoi la plupart des personnes qui meurent désormais du Covid en Angleterre ont été vaccinées".
"Ne pensez pas qu'il s'agit d'un mauvais signal, c'est exactement ce qui était attendu", préviennent d'emblée David Spiegelhalter et Anthony Masters.
Les deux experts rappellent eux aussi que le vaccin n'est pas efficace à 100% contre les décès, mais à "au moins 95%". Ils estiment que, face au virus, "une personne de 80 ans entièrement vaccinée encourt le même risque qu'une personne non vaccinée d'environ 50 ans", un risque de décès "bien moindre mais pas inexistant".
Les chiffres de mortalité brandis sur les réseaux sociaux sont donc à prendre avec des pincettes, alertent les deux statisticiens.
"Imaginez un monde hypothétique dans lequel tout le monde aurait reçu un vaccin imparfait [non efficace à 100%, comme c'est le cas avec les vaccins anti-Covid] : le taux de mortalité serait bas, mais tous les gens qui mourraient auraient été entièrement vaccinés", écrivent-ils. Ce qui, là encore, ne formerait pas la preuve de l'inefficacité des vaccins.
*Selon plusieurs études, les vaccins sont un peu moins performants contre le variant Delta que contre la souche historique. Ils conservent toutefois un niveau d'efficacité élevé, à condition d'avoir reçu les deux doses. Selon le vaccin, la protection est de 91% à 98% contre le risque d'hospitalisation et de 78% à 80% contre la forme symptomatique du Covid provoquée par le variant Delta, montrent des données des autorités britanniques actualisées début juillet.
19 juillet 2021 corrige chiffre : "0,05%" au lieu de "0,0005%"