
Des bananes et des tomates colorées artificiellement ? Cette vidéo a été générée par IA
- Publié le 6 octobre 2025 à 14:52
- Lecture : 3 min
- Par : Alexis ORSINI, AFP France
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"Rouges, jaunes, brillantes… Les tomates et bananes de supermarché sont maquillées comme des influenceuses. Bienvenue dans le supermarché du faux", peut-on lire en légende d'une vidéo partagée sur X et sur Facebook (1, 2, 3) depuis fin septembre 2025.
On y voit un homme revêtu d'une combinaison de protection colorer en jaune, à l'aide d'un spray, des bananes pas encore mûres qui défilent sur un tapis roulant, avant qu'une seconde séquence ne montre, avec un angle de vue différent, une autre personne colorer de la même manière, mais en rouge, des tomates encore vertes.

Cette vidéo est également très partagée sur les réseaux sociaux en anglais, en espagnol, en arabe ou encore en albanais.
Mais ces deux séquences ont été générées par intelligence artificielle, comme le montrent plusieurs indices visuels, tels que la disparition incohérente des tomates une fois arrivées au bout du tapis roulant, ou encore le fait que certaines bananes arrivent déjà jaunes sur la chaîne de "coloration".
L'AFP n'a pas été en mesure de retrouver la vidéo originelle, mais une recherche inversée d'image a permis de trouver une chaîne YouTube, "Quick Flick Ai" (lien archivé ici), partageant des contenus identiques de fausses séquences montrant des fruits et légumes colorés artificiellement dans une usine.

L'utilisateur YouTube de ce compte n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP, mais il indique clairement, dans l'intitulé de sa chaîne, comme sur chaque vidéo, que son contenu est généré par intelligence artificielle.
Surtout, une telle pratique de coloration de fruits et légumes n'est pas une pratique en vigueur chez les producteurs de fruits et légumes, ont assuré plusieurs d'entre eux à l'AFP.
"Aucun processus de 'peinture de fruits' montré dans la vidéo n'existe et n'est utilisé dans la filière", a notamment indiqué, le 2 octobre 2025, l'interprofession des fruits et légumes frais (Interfel).
C'est également ce qu'a pointé à l'AFP, le 3 octobre 2025, l'Association d’organisations de producteurs nationale "tomates et concombres de France" (AOPn) : "Il n'y a pas de pratique de coloration [artificielle, NDLR] des tomates, ni des fruits et légumes en général".
Une coloration accélérable grâce à un gaz
La coloration artificielle imaginée dans ces vidéos s'avère d'autant plus fantaisiste que, comme le pointe l'AOPn, "une tomate pas mûre, au goût et même à la découpe, serait insipide", et que "les tomates sont toujours cueillies à maturité" en France.
"Nos concurrents qui exportent vers la France vont les cueillir plutôt tournantes, donc elles peuvent être encore un peu verte-orange et finir leur maturation durant le transport", relève l'association.
Au niveau européen, les producteurs de fruits et légumes sont en revanche autorisés, pour certaines variétés, à recourir à un processus "d'évolution naturelle de la coloration des fruits" à base d'éthylène, un "gaz émis naturellement par les fruits" et "responsable en grande partie de leur maturation avant et après récolte", note l'Interfel.
L'éthylène contribue en effet à l'évolution de leur couleur, à la baisse de la fermeté et de l'acidité ou encore à l'augmentation des arômes et des sucres selon les fruits. Il permet donc d'accélérer le processus de maturation des fruits et légumes et, par extension, de leur coloration - mais pas de les colorer artificiellement, contrairement au procédé fantaisiste mis en scène dans les vidéos.
En pratique, les bananes peuvent donc faire l'objet d'un murissage en chambre avec injection d'éthylène, un processus qui permet d'enclencher leur maturation "au-delà du changement de couleur", sous peine qu'elles restent "très dures et vertes".
Cette pratique est également autorisée pour les tomates sous serre - mais pas en post-récolte - afin "d'homogénéiser la coloration des fruits au sein d'une grappe", par exemple avec les fruits du bas à la maturation décalée par rapport à ceux du haut sur les tomates cerise ou grappe.
Comme le rappelle l'Interfel, les consommateurs peuvent eux-mêmes accélérer la maturation d'un fruit ou légume avec l'éthylène en "mélangeant dans un sachet des bananes ou pommes avec des kiwis pour les faire mûrir, les premiers étant des émetteurs forts d'éthylène et les seconds très sensibles à ce gaz".
"L'objectif, c'est d'avoir un produit qui soit le plus attrayant possible", conclut l'AOPn, consciente que "le consommateur va aller plutôt vers un produit conforme à ses attentes pour faire son choix", ce qui implique d'assurer la distribution des tomates en rayon le plus vite possible après leur récolte à maturité.