Cet incendie n’a aucun lien avec l'actuel contexte électoral tendu au Cameroun, il remonte à 2018

L'opposant camerounais Maurice Kamto a été définitivement écarté début août de la course à la future présidentielle par le Conseil constitutionnel, une aubaine selon ses partisans pour l’actuel président Paul Biya, qui briguera en octobre un huitième mandat. C’est dans ce contexte électoral tendu qu'une vidéo affirmant montrer un incendie survenu le 8 août 2025 au Palais des Congrès de Yaoundé se propage sur les réseaux sociaux, attisant les craintes d'un débordement aux abords de ce bâtiment qui héberge le Conseil constitutionnel. Mais c’est faux : aucun incendie ne s’est récemment déclaré au Palais des Congrès, ont démenti les responsables de l'établissement. La vidéo apparaît sur la toile depuis octobre 2018, et montre un incendie survenu à ce moment-là. 

A l’approche de la présidentielle au Cameroun, douze candidatures parmi 82 ont été validées pour le scrutin du 12 octobre (lien archivé ici). Parmi elles figure celle de l’actuel président Paul Biya, qui brigue un huitième mandat consécutif après 43 ans au pouvoir. 

En face, son principal opposant, Maurice Kamto, figure parmi les candidats écartés par Elécam, l’organe électoral, en raison du dépôt d’un autre dossier concurrent sous la bannière du même parti politique, le Manidem. Sa disqualification, confirmée définitivement le 5 août par le Conseil constitutionnel, a suscité une vive indignation chez ses partisans et parfois au-delà dans l’opinion publique.

Un fort dispositif policier a été déployé le soir de son éviction sur plusieurs axes stratégiques de Yaoundé, a constaté un journaliste de l’AFP (dépêche archivée ici), surtout aux abords du siège du Conseil constitutionnel, soulignait le média local Equinoxe Tv (lien archivé ici). Plusieurs personnes accusées de trouble à l'ordre public ont par ailleurs été arrêtées aux abords de l'institution, a indiqué le ministère de l'Administration territoriale.

C’est dans ce contexte électoral tendu qu’une vidéo devenue virale, où l’on voit des épaisses volutes de fumée s’échapper d’un bâtiment, prétend montrer un incendie survenu le 8 août 2025 au Palais des Congrès de Yaoundé, siège du Conseil Constitutionnel.

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Capture d’écran d’une publication Facebook, prise le 14 août 2025 / Croix rouge rajoutée par la rédaction de l'AFP.

"TRÈS TRÈS TRÈS URGENT : LE PALAIS DES CONGRÈS À YAOUNDÉ EN FEU ACTUELLEMENT", alerte ainsi l’auteur d’une publication qui totalise plus de 3.000 mentions "j’aime" et près de 500 commentaires sur Facebook (archivée ici).

"Le Siège du Conseil Constitutionnel (Palais des Congrès) à Yaoundé en feu cet après-midi du 8 août 2025", précise un autre internaute sur Facebook (archivé ici).

Situé sur une colline dominant la capitale camerounaise, le Palais des Congrès accueille régulièrement des manifestations socio-culurelles et abrite effectivement le Conseil constitutionnel, chargé d'examiner la conformité des lois avec la Constitution du pays ainsi que les contentieux électoraux.

"J’attends le tour du palais présidentiel", commente un internaute sous la vidéo virale, sous-entendant que l'origine de l'incendie serait peut-être lié à des débordements de citoyens mécontents contre le pouvoir en place. D'autres personnes en commentaires invoquent la "colère de Dieu", une "punition divine" ou tout simplement "le karma" après la décision du Conseil Constitutionnel contre Maurice Kamto. 

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Capture d’écran de commentaires sous une publication Facebook, prise le 12 août 2025.

Mais cette vidéo n’a en réalité rien à voir avec le contexte électoral actuel, et pour cause : elle remonte en réalité à 2018. 

Vidéo datant de 2018

En recherchant plus d’informations sur internet concernant le prétendu incendie survenu à Yaoundé début août, on se rend compte qu'aucun site d’actualité camerounais sérieux ne le mentionne, alors qu'un incident d'une telle ampleur survenu dans la capitale aurait été largement couvert par les médias locaux.  

On découvre par ailleurs que les équipes du Palais des Congrès ont publié sur Facebook dès le 8 août 2025 un démenti affirmant qu’ "aucune situation d’incendie n’a été déclarée" dans leurs locaux (lien archivé ici). Le service de presse du Palais de Congrès qualifie de "fake news" les publications affirmant qu'un incendie est en cours dans leur bâtiment et suppute qu'il s'agit de l'"oeuvre des individus aux desseins inavoués". 

Suspectant le détournement d’une vidéo plus ancienne, on effectue une recherche d’images inversée, sans que cela ne nous mène à un quelconque résultat probant. Cependant, en prêtant attention au son de la vidéo virale, on décèle plusieurs indices qui nous permettent de remonter la piste. 

Regardez ! Le Palais des Congrès est en train de brûler à Yaoundé," alerte dans cette séquence de 28 secondes la voix d’une personne présente sur place. "L’année passée, c’était l’Assemblée nationale. Aujourd'hui c’est le Palais des Congrès", poursuit-elle avec ironie.

Or, le dernier incendie en date de l’Assemblée camerounaise a eu lieu en 2017 (dépêche AFP archivée ici). A ce stade de nos recherches, on estime donc probable que la vidéo virale ait été prise en 2018.

Par ailleurs, la même voix souligne qu’elle se trouve à l’Ismat, c'est-à-dire l’Institut universitaire Matamfen. En menant des recherches avec les mots-clés "incendie au palais des congrès yaoundé 2018 ismat" sur Youtube et Facebook, on trouve plusieurs vidéos très similaires à celle de l'incendie qui nous intéresse, comme ici. Toutes publiées en 2018, elles ont sans doute été filmées par différents étudiants de cet établissement (lien archivé ici). 

Parmi ces vidéos, on finit par retrouver exactement la même que celle qui refait surface à l’été 2025. Elle a été publiée pour la première fois précisément le 25 octobre 2018 (vidéo archivée ici).

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Capture d’écran des résultats d'une recherche sur Facebook, réalisée le 12 août 2025 / Encadrés rouges rajoutés par la rédaction de l'AFP.

On aperçoit le même bâtiment blanc perché sur une colline, d'où s'échappe une épaisse fumée noirâtre.

Les médias locaux, notamment le média d’Etat Cameroon tribune, confirment qu’un incendie est bien survenu le 25 octobre 2018 dans un entrepôt du Palais des Congrès, situé un peu à l’écart du bâtiment principal (lien archivé ici). 

Le même article souligne qu’il n’y a eu aucune perte en vie humaine lors de cet incident provoqué par "un court circuit"

La vidéo reprise début août 2025 montre donc bien un incendie au Palais des Congrès de Yaoundé, mais elle date en réalité du 25 octobre 2018. Elle a donc été reprise récemment de façon décontextualisée, afin sans doute d’attiser l'inquiétude et les dissensions autour du processus électoral. 

"Intolérance" contre l'opposition ?

La diffusion de cette vidéo survient en effet dans un climat politique tendu au Cameroun, cristallisé par la mise à l’écart de Maurice Kamto de la prochaine présidentielle.

Après le rejet de sa candidature, Human Rights Watch (HRW) a exprimé sa vive "inquiétude quant à la crédibilité du processus électoral" au Cameroun (lien archivé ici). L'ONG a dénoncé une décision qui "reflète l'intolérance de longue date du gouvernement à l'égard de toute opposition et de la dissidence". Elle a rappelé par ailleurs que cette exclusion survenait dans "un contexte de répression accrue des opposants, des militants et des avocats depuis le milieu de l'année 2024".

Cependant, l'organe électoral a retenu les candidatures de deux autres opposants historiques : Cabral Libii, du Parti camerounais pour la réconciliation nationale, et Joshua Osih, du Social Democratic Front.

Mais l'opposition camerounaise, historiquement divisée, peine une nouvelle fois à s'unir pour faire front contre la candidature du président Paul Biya. Un collectif de représentants de plusieurs partis a diffusé le 2 août un communiqué dans lequel ils se sont engagés à choisir "un candidat consensuel autour d'un programme commun", sans qu'aucun nom ne soit encore avancé.

La désinformation en période électorale, notamment en amont d'une élection présidentielle, est monnaie courante sur les réseaux sociaux. L'AFP a plusieurs fois vérifié de fausses informations liées à des scrutins au Cameroun, que ce soit en amont de l'élection présidentielle de 2025 (comme ici ou ) ou bien pendant la campagne des législatives et municipales de 2020 (comme ici). 

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