
Non, le chef du commandement militaire américain pour l'Afrique n'a pas annoncé sa démission
- Publié le 13 juin 2025 à 10:38
- Lecture : 6 min
- Par : Emilie BERAUD, AFP Afrique
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Le commandement militaire américain pour l'Afrique (Africom) est un organe du ministère américain de la Défense. Il coordonne les activités militaires et sécuritaires des Etats-Unis sur le continent africain. Le général Michael Langley est à sa tête depuis août 2022 (lien archivé ici).
Ce dernier est la cible d'une campagne de désinformation lancée sur les réseaux sociaux à la toute fin du mois de mai 2025. "Dernière minute : FLASH | Le chef de l'#AFRICOM (Commandement américain pour l’#Afrique), Michael #Langley a annoncé sa #démission", prétendent plusieurs publications sur Facebook et X (1,2,3...).
"Un départ qui pourrait faire suite à la récente brouille du général Langley avec le président du #BurkinaFaso, Ibrahim Traoré", avancent certains utilisateurs basés au Burkina Faso ou encore au Mali.

Ces posts font référence à des propos tenus par M. Langley au mois d'avril dernier. Auditionné par le Sénat américain le 3 avril, il avait notamment mis en cause la gestion de l'or burkinabè par la junte au pouvoir, dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré depuis un coup d'Etat en 2022 (lien archivé ici).
Lors de cette audition de hauts responsables militaires américains, le président de la commission lui avait demandé s'il existait dans certains pays africains "des situations dans lesquelles l'élite dirigeante reçoit des rétributions qui profitent plus à l'homme fort du pays qu'à la population", ou plus clairement dit, de la "corruption et des pots-de-vin".
"Absolument président", lui avait alors répondu M. Langley, "je constate cela et je n'ai pas de mal à pointer du doigt le capitaine Traoré au Burkina Faso". Le général avait en particulier évoqué la gestion des "réserves d'or" burkinabè, dont les "recettes sont une monnaie d'échange pour protéger le régime de la junte".
Ibrahim Traoré avait par la suite fustigé la prise de parole du commandant de l'Africom, exigeant dans un entretien mi-mai au média russe Sputnik des excuses publiques de la part du général Langley.
"En réponse à une question directe sans lien avec le Burkina Faso, le Général Michael LANGLEY, commandant de l'US AFRICOM, a tenu des propos pour le moins regrettables, contenant de graves inexactitudes au sujet du Burkina Faso et de son Gouvernement, sans étayer ses affirmations par la moindre preuve", avait également indiqué dans un communiqué le ministère des Affaires étrangères burkinabè (lien archivé ici).
Selon des internautes, cette "brouille" aurait conduit à la démission du général Langley fin mai 2025.
Mais il n'en est rien : le service presse de l'Africom nous a assuré que le général n'a pas démissionné. M. Langley s'est d'ailleurs exprimé à plusieurs reprises en qualité de commandant de l'Africom depuis l'apparition de cette rumeur sur les réseaux sociaux.
Michaeal Langley toujours à la tête de l'Africom
Une recherche avec les mots-clés "démission" et "Langley" ne nous a conduit à aucun article publié dans la presse internationale, ni à aucune déclaration officielle probante. Sur ces réseaux sociaux, M. Langley n'a pas non plus annoncé sa démission.
Bien au contraire, le service de presse de l'Africom a confirmé à l'AFP que "le général Langley est toujours le commandant du U.S. Africa Command. Il n'a pas démissionné."
Cependant, "le mandat du général Langley à l'Africom touche à sa fin", a ensuite précisé la même source. Son prédécesseur avait lui aussi tenu ce poste pendant environ trois ans. "Le Pentagone a annoncé cette semaine le nom du futur commandant de l'AFRICOM, le lieutenant-général de l'armée de l'air Dagvin R.M. Anderson", qui sera "soumis au Sénat pour des auditions de confirmation".
Le communiqué de presse du ministère américain de la Défense annonçant cette nouvelle nomination est en effet disponible ici. Il ne précise pas à quelle date le nouveau général devait prendre ses fonctions.
Pendant ce temps, Michael Langley reste toujours bien à la tête de l'Africom. Sur le site officiel, il est toujours présenté comme le "commandant" de l'organisation, sans ambiguïté (lien archivé ici).
D'ailleurs, le général s'est exprimé en qualité de commandant de l'Africom lors d'une audience publique le 10 juin, soit plusieurs jours après la diffusion des publications soutiennant qu'il a "annoncé sa démission" (lien archivé ici).

Relations tendues
Il est vrai cependant que les liens entre l'Africom et les autorités burkinabè se sont refroidies ces dernières semaines.
Selon le ministère des Affaires étrangères burkinabè, qui dénonce ces propos, M. Langley aurait déclaré que "les ressources minières du Burkina Faso, ainsi que certains revenus issus de la coopération avec la République populaire de Chine, ne profiteraient pas à la population et serviraient plutôt à la protection du +régime en place+".
Par la suite, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées le 30 avril à Ouagadougou en soutien à la junte souverainiste au pouvoir au Burkina Faso, à l'appel de la Coordination nationale des associations de veille citoyenne (CNAVC, pro-junte).

C'était "un meeting de soutien au capitaine Traoré", mais "aussi et surtout" un moyen "de dénoncer énergiquement les propos mensongers du général américain" Michael Langley, avait alors indiqué en direct sur la télévision nationale l'un des organisateurs du meeting, Adama Kima.
Une autre organisation de la société civile pro-régime avait appelé à un "sit-in pacifique" devant l'ambassade des Etats-Unis à Ouagadougou pour "dénoncer les déclarations inexactes" du général Langley.
Depuis le coup d’Etat au Burkina Faso survenu en 2022, une vague de publications propagandistes vantent sur les réseaux sociaux les réalisations du régime militaire au pouvoir ou bien directement la personne d'Ibrahim Traoré (ici, ici, ici et ici).
Il en va de même pour les dirigeants putschistes du Mali et du Niger, que leurs partisans présentent sur Internet comme les visages de renouveau politique sur le continent, à grand renfort de publications fausses ou trompeuses, plusieurs fois vérifiées par l’AFP (comme ici).