
Non, les virements supérieurs à 800 euros ne vont pas être suspendus pendant 24 heures à partir d'octobre 2025
- Publié le 05 juin 2025 à 17:26
- Lecture : 6 min
- Par : Océane CAILLAT, AFP France
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"A partir du 16 octobre 2025, tout virement supérieur à 800 euros entre particuliers sera temporairement bloqué pendant 24 heures pour vérification", avance une vidéo TikTok postée le 26 mai 2025 et relayée depuis par plus de 12.000 autres utilisateurs de la plateforme.
"Concrètement, si tu envoies plus de 800 euros à un ami, un membre de ta famille ou un particulier que ce soit pour un remboursement, un achat ou un prêt, ton virement ne sera plus instantané, mais sera automatiquement mis en attente pendant 24 heures afin d'être vérifié par un système de contrôle mis en place par les banques en lien avec l'administration fiscale", poursuit la voix off de la vidéo alors que défilent en fond des images d'illustrations de carte bancaires, de billets de banque ou encore de terminaux de paiement.
Parmi les centaines de commentaires, plusieurs utilisateurs de la plateforme s'insurgent. "Nous n'avons plus de libertés dans ce pays", déplore un internaute, tandis que d'autres dénoncent une mesure digne d'une "dictature".
Cette vidéo provient du compte TikTok actu.france25, suivi par plus de 46.000 utilisateurs, qui assure dans sa présentation offrir "un résumé rapide de l'actualité". Mais en réalité, ce compte mêle, dans les "actualités" qu'il diffuse, des faits authentiques comme des fausses informations, une pratique visible sur un grand nombre d'autres comptes similaires, reconnaissables à leur mise en page alarmiste imitant parfois les codes visuels de médias existants, comme l'avait expliqué l'AFP dans cet article.

L'allégation, également relayée sur Facebook et Instagram, est trompeuse.
Un système de vérification sera bien mis en place à partir du 9 octobre 2025, pour renforcer la sécurité. Mais il s'agira d'informer le client de la concordance des informations qu'il fournit au moment de sa demande de virement avec celle de l'IBAN (numéro de compte) référencé, et non de permettre un traçage par l'administration fiscale, comme le laissent entendre les publications virales.
De plus, cette vérification concernera tous les virements sans montant minimum et devra être immédiatement fournie comme exigé par un règlement européen adopté en 2024 : il n'y aura pas de suspension de 24 heures.
Entrée en vigueur d'un règlement européen
Dans la vidéo, l'administration fiscale et les banques sont mentionnées comme étant à l'origine de cette mesure. Contacté par l'AFP, le ministère de l'Economie a démenti cette affirmation, qualifiant la vidéo de "fake news" et soulignant ne disposer d'"aucun élément sur de pareilles allégations".
De son côté, la Fédération bancaire française, qui représente l'ensemble des banques installées en France, a confirmé à l'AFP le 2 juin 2025 qu'il "n'est pas prévu de bloquer automatiquement les virements de plus de 800 euros". L'organisation a aussi estimé que "la désinformation" relayée dans la vidéo avait été développée "à partir d'une information vaguement en lien avec le sujet" (lien archivé ici).
En effet, les banques de l'UE proposant des services de virements dans des pays également membres de la zone euro sont dans l'obligation de proposer, au plus tard le 9 octobre 2025, un dispositif permettant à leur clientèle de vérifier la cohérence entre le nom du destinataire du virement indiqué par le client et le nom figurant sur l'BAN vers lequel le montant doit être envoyé (lien archivé ici).

Cette nouveauté est la conséquence de l'adoption en 2024 d'un règlement européen sur la généralisation des virements instantanés au sein de l'UE (lien archivé ici). Visant à faciliter et à sécuriser l'utilisation de ce type de virements, le texte a rendu obligatoire la possibilité de recevoir des virements instantanés pour tous les établissements bancaires situés dans un Etat membre et dont la monnaie est l'euro, depuis le 9 janvier 2025.
L'objectif de ce dispositif de vérification est d'"éviter qu'un virement ne soit envoyé à un mauvais bénéficiaire à la suite d'une fraude ou d'une erreur, étant donné que le payeur pourrait se trouver dans l'impossibilité de recouvrer les fonds avant qu'ils ne soient crédités sur le compte du bénéficiaire", peut-on lire dans le texte.
Le dispositif s'appliquera "de manière obligatoire pour la clientèle des particuliers, quel que soit le montant", précise la Fédération bancaire française. "Dans l'immense majorité des cas, les virements instantanés vont continuer à fonctionner comme actuellement, avec un cran de sécurité supplémentaire", a-t-elle ajouté.
Le texte européen exige justement que les prestataires de services de paiement "évite[nt] que le traitement de l'opération ne soit indûment bloqué ou retardé" et "s’acquitte[nt] de ce service immédiatement [...] avant que le payeur ne se voie offrir la possibilité d'autoriser le virement".
Néanmoins, pour des raisons de protection des données personnelles, "il ne sera pas possible à la banque du client, du payeur donc, de lui donner le nom figurant sur l'IBAN, mais il y aura indication de la concordance et le client restera seul décideur d'émettre son virement ou non, car il est responsable des coordonnées bancaires (IBAN) qu'il renseigne pour effectuer un paiement", a précisé la Fédération bancaire française.
Un mécanisme développé par l'Eurosystème
Afin d'aider les prestataires de services de paiement concernés à se conformer à cette nouvelle exigence, le Conseil européen des paiements, qui rassemble la plupart des organismes bancaires de l'UE, a travaillé sur un système assurant cette vérification de concordance des données (lien archivé ici).
Celui-ci, nommé Verification of Payee (VoP), est développé à partir de services mis au point par les banques centrales portugaise et lettone, comme l'explique sur son site la Banque centrale européenne (BCE).
"Les deux solutions proposées par ces banques centrales de l'Eurosystème [qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales, NDLR] ont été conçues conformément au système VoP développé par le Conseil européen des paiements [...] Ainsi, tout prestataire de services de paiement de la zone euro pourra remplir son obligation de proposer un service VoP à ses clients d'ici le 9 octobre 2025, en utilisant l'une des deux solutions", indique l'institution bancaire européenne.
Fin mars 2025, le Conseil européen des paiements a annoncé lancer sa "procédure de qualification" dans l'objectif de "garantir le succès du déploiement du système VOP" (lien archivé ici) prévu pour octobre 2025. Celui-ci permettra au prestataire de services de paiement (PSP) du payeur "d'envoyer instantanément au PSP du bénéficiaire (le PSP répondant) une demande de vérification de l'IBAN et du nom du bénéficiaire tels que fournis par le payeur". Le PSP du bénéficiaire dit "répondant" fournira immédiatement au PSP requérant une réponse : "correspondance", "absence de correspondance", "correspondance proche avec le nom du bénéficiaire" ou "vérification impossible".
Ce système est déjà présenté sur le site de plusieurs banques françaises comme la Société Générale ou le Crédit Agricole (liens archivés ici et ici).
La thématique de la surveillance financière fait souvent l'objet d'affirmations fausses ou trompeuses sur les réseaux sociaux. L'équipe d'AFP Factuel en a déjà réfuté plusieurs comme sur cette vidéo qui prétendait qu'une nouvelle loi exigerait la déclaration aux impôts de tout achat supérieur à 1.000 euros à partir de 2026.