Collision aérienne à Washington : ces rumeurs sur une pilote transgenre prétendument impliquée sont infondées
- Publié le 04 février 2025 à 12:57
- Lecture : 8 min
- Par : Rob Lever, AFP Etats-Unis
- Traduction et adaptation : AFP France , Claire-Line NASS
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"Crash de Washington: La pilote du Black Hawk a été identifiée comme étant l'adjudant-chef 2 (CW2) Jo Ellis, une femme transgenre. Jo Ellis a servi dans la Garde nationale de Virginie pendant 15 ans et a fait sa transition alors qu'elle était pilote. Jo a fait des déclarations radicales contre Trump sur les réseaux sociaux", assure une publication partagée plus de 1.000 fois sur X depuis le 31 janvier, diffusant plusieurs photos d'une femme blonde.
Les mêmes allégations associées à des photos ont aussi circulé sur Facebook, et ont été largement relayées en anglais sur X, Threads, Facebook, Instagram et TikTok.
D'autres messages assurant que Jo Ellis aurait été aux commandes de l'avion ont aussi circulé en polonais et ont été diffusées sur la version en grec d'un site "Pravda", l'une des versions d'une galaxie de sites déclinés en plusieurs langues, ressemblant à des portails d'information mais véhiculant régulièrement des contenus faux ou trompeurs, dont certains ont été vérifiés par l'AFP comme ici, ici ou ici.
Selon le service français spécialisé dans la traque de la désinformation et des ingérences numériques dans les médias sociaux français Viginum, "Pravda.fr" appartient à un réseau "structuré et coordonné" (lien archivé ici) de 193 sites diffusant de la propagande russe visant les pays européens et les Etats-Unis.
Les affirmations concernant la prétendue pilote impliquée sont devenues virales après la collision le 29 janvier entre un hélicoptère et un avion au-dessus du fleuve Potomac, dans la capitale américaine de l'Etat de Virginie, qui a causé la mort de 67 personnes.
La veille de la catastrophe, le président américain Donald Trump, commandant en chef des armées, avait justement signé un décret visant à exclure les personnes transgenres de l'armée (lien archivé ici).
Au lendemain de l'accident, M. Trump a rapidement imputé la responsabilité de la collision aux programmes mettant en avant la diversité et l'inclusion dans l'embauche de fonctionnaires (lien archivé ici). Il s'en est aussi pris à des politiques mises en place, selon lui, par les anciens présidents démocrates Joe Biden et Barack Obama et qui auraient affaibli les exigences en matière de sécurité aérienne.
Des assertions infondées ont aussi circulé au sujet de consignes qu'aurait données la FAA (Federal Aviation Administration) afin de favoriser l'embauche de contrôleurs aériens souffrant de handicaps graves quelques jours avant l'arrivée à la Maison Blanche de Donald Trump. Comme détaillé dans cet article de vérification de l'AFP en anglais, la consigne mentionnée existait déjà pendant sa première présidence.
Quant aux affirmations virales selon lesquelles la militaire transgenre Jo Ellis était le pilote de l'hélicoptère, elles sont fausses.
Un démenti de Jo Ellis
En effectuant une recherche par mots-clés sur Facebook, on peut retrouver un compte au nom Jo Ellis, sur lequel figurent les photos diffusées dans les publications sur les réseaux sociaux assurant qu'elle aurait piloté l'hélicoptère accidenté.
Le 31 janvier, deux jours après la collision mortelle, ce compte a diffusé une vidéo dans laquelle la femme indique qu'elle est "en vie et en bonne santé" (lien archivé ici).
Jo Ellis s'y décrit comme étant comme étant "pilote de Black Hawk [hélicoptère militaire, NDLR] de la garde nationale de l'armée en Virginie" et assure : "je comprends que certains m'ont associée à l'accident survenu à Washington DC, ce qui est faux".
Un autre message diffusé sur ce compte qualifie ces affirmations d'"insultantes" pour les victimes, appelant à "signaler" tous les comptes diffusant ces fausses affirmations (lien archivé ici).
Le 28 janvier, un article dans lequel Jo Ellis revenait sur son parcours dans l'armée américaine en tant que militaire transgenre, notamment en Irak, et dénonçant la volonté du président américain d'écarter les personnes transgenres de l'armée avait été publié sur le site Smerconish.com (lien archivé ici).
Certains comptes anglophones qui avaient d'abord relayé l'infox ont, à partir du 31 janvier, diffusé des messages mettant en garde contre la présence de la fausse information, comme cet internaute. Mais au 3 février, plusieurs publications partagée des milliers de fois restaient présentes sur X et sur Facebook.
Trois militaires à bord de l'hélicoptère accidenté
Le 31 janvier, le ministère de l'armée américain a d'abord confirmé les noms de deux des trois pilotes de l'hélicoptère, après que certaines informations sur leur identité ont été rendues publiques par des personnalités politiques ou leurs familles les jours précédents.
"Le sergent-chef Ryan Austin O'Hara, 28 ans, de Lilburn (Géorgie), est considéré comme décédé dans l'attente d'une identification. La dépouille de l'adjudant-chef de classe 2 Andrew Loyd Eaves, 39 ans, de Great Mills (Maryland), n'a pas encore été retrouvée. À la demande de la famille, le nom du troisième soldat ne sera pas divulgué pour le moment. Ce pilote est également DUSTWUN [sa dépouille n'a pas été pas localisée, NDLR]", indique le communiqué (lien archivé ici).
Le 30 janvier, le gouverneur de l'Etat de Géorgie, Brian Kemp, avait aussi présenté ses condoléances sur X "aux familles et aux amis de Ryan O'Hara et de Sam Lilley", ce dernier étant l'un des pilotes de l'avion d'American Airlines (lien archivé ici).
Des médias locaux avaient précisé que Ryan O'Hara était le chef d'équipage de l'hélicoptère UH-60 (lien archivé ici).
Plusieurs médias américains, comme le New York Times, avaient indiqué que le troisième militaire à bord de l'hélicoptère était une femme (lien archivé ici). Ce que l'armée a confirmé dans un communiqué le 1er février, en publiant plus d'informations sur cette dernière, "en coordination avec sa famille".
Il s'agit du "capitaine Rebecca M. Lobach, de Durham, en Caroline du Nord", qui "a servi en tant qu'officier d'aviation (15A) dans l'armée régulière de juillet 2019 à janvier 2025" (lien archivé ici).
Une photo de la militaire a été diffusée avec ce message, montrant une femme aux longs cheveux bruns.
Des enquêtes en cours
L'accident aérien du 29 janvier, le plus meurtrier aux Etats-Unis depuis 2009, s'est produit alors que l'avion en provenance de Wichita, dans le Kansas, s'approchait de l'aéroport national Ronald Reagan en fin de soirée (lien archivé ici).
American Airlines a déclaré que 60 passagers et quatre membres d'équipage étaient à bord de l'avion. Aucune des 67 personnes impliquées (64 dans l'avion et les trois militaires dans l'hélicoptère) n'a survécu, d'après les autorités.
Au 2 février, 55 corps avaient été repêchés du Potomac, selon les autorités locales (lien archivé ici).
L'avion transportait des athlètes et des entraîneurs de l'élite du patinage artistique, dont les anciens champions du monde russes de patinage en couple Evgenia Shishkova et Vadim Naumov.
Des enquêtes pour déterminer ce qui s'est passé sont en cours : l'Agence américaine de sécurité des transports (NTSB), indépendante du gouvernement, espère notamment publier un rapport préliminaire sous trente jours. Leur investigation complète pourrait prendre un an.