Non, cette vidéo ne montre pas un drone iranien lancé contre Israël et "stoppé" par des fils électriques en Irak

Pendant la nuit du 13 au 14 avril, après des mois de tensions croissantes à travers la région, l'Iran a pour la première fois lancé une attaque directe contre Israël, en représailles à une frappe meurtrière contre le consulat iranien à Damas, en Syrie, le 1er avril, attribuée à Israël. Plusieurs centaines de drones et missiles ont été envoyés par l'Iran, et la quasi-totalité a été interceptée, selon Israël. Dans ce contexte, des internautes partagent une vidéo d'un drone coincé dans une ligne électrique, assurant qu'il s'agit d'un appareil lancé par l'Iran qui aurait terminé sa course en Irak. Mais cette vidéo n'a rien à voir : elle date de plus d'un mois et a été filmée en Syrie.

Dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, l'Iran a lancé contre Israël l'opération "Promesse honnête", une attaque sans précédent en riposte à une frappe imputée à Israël contre le consulat d'Iran à Damas le 1er avril (lien archivé ici).

Israël a affirmé avoir "déjoué" cette opération nocturne en abattant, avec l'aide des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France et d'autres pays, 99% des plus de 350 projectiles -drones, missiles balistiques et missiles de croisière - qui se dirigeaient vers son territoire.

"L'attaque sans précédent de l'Iran a été contrée par une défense sans précédent", s'est félicité le porte-parole de l'armée israélienne, le contre-amiral Daniel Hagari. L'Iran a pour sa part dit avoir "atteint tous ses objectifs".

Seuls quelques missiles balistiques "sont entrés et ont touché légèrement" une base militaire, qui reste en activité, a affirmé l'amiral Hagari, faisant état de plusieurs blessés légers ainsi qu'une fillette de 7 ans placée en soins intensifs. L'agence iranienne Irna a signalé de "sérieux dégâts dans la plus importante base aérienne du Néguev", dans le sud d'Israël.

Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos présentées comme filmées lors de cet évènement ont été partagées.

"En plus des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la Jordanie et des autres pays qui ont aidé hier Israël à intercepter les missiles et drones iraniens, il faut aussi remercier les câbles irakiens qui ont contribué à arrêter ce drone", ironise par exemple le 14 avril sur X un internaute en relayant l'une d'entre elles.

"Un drone iranien emmêlé dans des câbles électriques en Irak", commente un autre profil sur Facebook en partageant la même séquence.

Sur cette vidéo d'une vingtaine de secondes, on voit un drone militaire retenu en l'air par une ligne électrique ou téléphonique.

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Captures d'écran réalisées sur X le 16/04/2024
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Captures d'écran réalisées sur Facebook le 16/04/2024

Cette même vidéo a été partagée dans de multiples langues, notamment en anglais, en arabe, en azerbaïdjanais et en portugais. Certains affirment qu'elle aurait été filmée en Irak, d'autres en Jordanie, deux pays se situant entre l'Iran et Israël.

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Carte d'Israël, des territoires palestiniens et de l'Iran - ANIBAL MAIZ CACERES / AFP

Ancienne vidéo

Une recherche d'image inversée permet de prouver que cette vidéo circule en ligne depuis au moins février 2024, soit plus d'un mois avant l'attaque lancée par l'Iran.

Le 29 février, un internaute publie sur X l'exacte même séquence, sans préciser où elle a été filmée ni dans quel contexte. Il s'agit d'une republication d'une vidéo partagée sur TikTok le 20 février et depuis supprimée.

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Capture d'écran réalisée sur X le 16/04/2024

D'autres vidéos et images de ce même drone ont été publiées sur les réseaux sociaux à partir du 20 février comme ici et ici.

Selon la chaîne de télévision d'opposition syrienne Syria TV, ces images montrent un "drone non-identifié" sur un "câble téléphonique" et auraient été tournées au nord-est de la Syrie, dans la région d'Hassaké (lien archivé ici). Le média rapporte que l'appareil pourrait appartenir à des factions pro-Iran et aurait été lancé pour bombarder une base de la coalition internationale anti-Etat islamique (EI) en Syrie.

Attaques contre la coalition internationale

Le Nord-Est syrien, dont la province d'Hassaké, est depuis 2012 contrôlé en partie par les Forces démocratiques syriennes (FDS) qui s'opposent au régime de Bachar al-Assad (lien archivé ici). Dominées par les Kurdes et comprenant des factions arabes et chrétiennes syriaques, les FDS ont été le fer de lance de la lutte contre l'Etat islamique.

Les forces américaines sont déployées dans le cadre de la coalition internationale anti-EI à travers plusieurs bases situées dans les zones contrôlées par les Kurdes.

Depuis la mi-octobre, plus de 165 frappes de drones et tirs de roquettes ont visé les soldats américains déployés avec la coalition internationale antijihadiste en Irak et en Syrie (lien archivé ici). Revendiquées pour la plupart par la "Résistance islamique en Irak" pro-Iran, ces attaques interviennent dans un contexte régional explosif, sur fond de guerre à Gaza entre Israël et le Hamas.

Le 4 février, sept combattants des Forces démocratiques syriennes ont été tués dans une attaque de drone menée contre une base américaine dans l’est de la Syrie où ils sont stationnés, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Une semaine plus tôt, trois soldats américains avaient été tués dans une attaque menée en Jordanie, non loin de la frontière avec l'Irak et la Syrie.

Le 2 février, les Etats-Unis avaient riposté en menant des frappes contre 85 cibles sur sept sites différents – quatre en Syrie et trois en Irak –, visant les Gardiens de la Révolution islamique, armée idéologique de l’Iran, et des groupes armés pro-iraniens. Peu après la fin de l’opération, Joe Biden avait promis d’autres frappes. "Notre riposte a commencé aujourd’hui. Elle continuera selon le calendrier et aux endroits que nous déciderons, avait fait savoir le président démocrate. Les Etats-Unis ne veulent de conflit ni au Moyen-Orient ni ailleurs dans le monde. Mais que ceux qui veulent nous faire du mal le sachent bien : si vous touchez à un Américain, nous répondrons."

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