Cette image de joueuses de water-polo qui protesteraient contre la présence de personnes trans en compétition a été retouchée

Aux Etats-Unis, de vifs débats sur la participation des athlètes transgenres aux compétitions sportives divisent la société. Plusieurs sportives ont récemment lancé des procédures contre des fédérations qui interdisent aux personnes trans de participer à certaines compétitions dans la catégorie féminine, estimant que ces règles sont discriminatoires. Dans ce contexte, une image très partagée montrant un groupe de sportives portant des maillots de bain sur lesquels figurent les mots "Not a dude" ("pas un mec"), présentée comme une prétendue protestation de ces athlètes contre la participation de personnes trans à certaines compétitions sportives, a été très largement partagée. Mais cette image qui date de 2018 a été manipulée. Sur l'originale, l'inscription ne figurait pas sur les maillots de ces athlètes d'un lycée américain, comme l'établissement l'a confirmé à l'AFP, en fournissant l'image que l'AFP a pu authentifier.

"Elles portent un maillot de bain 'Not a dude !' (Je ne suis pas un mec !) pour manifester leur opposition aux trans qui détruisent le sport féminin", énonce la légende d'une publication Facebook relayée plusieurs centaines de fois, accompagnée d'un émoji souriant et diffusant une photo montrant des jeunes athlètes.

La même image avec une légende identique a été partagée plus de 1.000 fois sur X depuis le 19 mars, et a été très largement relayée avec des messages visant les personnes trans en anglais sur Instagram, X, et sur des sites et forums présentant peu de modération et prisés de l'extrême droite comme Gab ou 4chan.

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Capture d'écran de l'image modifiée, prise sur X le 22/03/2024 et avec les têtes des athlètes floutées par l'AFP pour préserver leur vie privée

La participation des athlètes trans au coeur des débats aux Etats-Unis

Ces publications sont très relayées alors qu'aux Etats-Unis, - où les équipes sportives ont une place très importante dans la vie des lycées et des universités - la chambre des représentants avait voté en 2023 un texte proposant d'empêcher les athlètes trans de prendre part aux compétitions dans les lycées et universités (qui n'a, en mars 2024 pas encore été voté par le Sénat). 

Début 2024, plusieurs athlètes ont aussi annoncé poursuivre la National Collegiate Athletic Association (NCAA), en charge de l'organisation des compétitions universitaires entre de nombreuses universités américaines, estimant que son règlement qui empêche les athlètes trans de participer à certaines compétitions féminines est discriminatoire, comme rapporté dans cet article de ABC News (archivé ici).

En mars 2022, Lia Thomas était devenue la première nageuse transgenre à remporter un titre universitaire aux Etats-Unis. Ses résultats avaient entraîné des vifs débats au sein de la société américaine, ses détracteurs estimant qu'ayant concouru en tant qu'homme par le passé, elle bénéficiait d'un avantage physiologique injuste.

La fédération internationale de natation (World Aquatics) avait alors décidé de créer une "catégorie ouverte" pour les personnes transgenres, s'ajoutant aux épreuves féminines et masculines, tout en limitant ses catégories féminines aux nageuses ayant effectué leur transition avant la puberté. 

En janvier 2024, Lia Thomas a saisi le Tribunal arbitral du sport pour contester cette politique de la Fédération internationale, qui a pour effet de l'exclure des compétitions féminines de haut niveau, dont les Jeux olympiques (JO).

Mais l'image qui a circulé ne montre pas un message politique diffusé par des athlètes en lien avec événements : elle date de 2018 et a été modifiée, les inscriptions "Not a dude" ayant été ajoutées à la photo originale.

Une équipe de water-polo d'un lycée de Floride

Une recherche sur Google Lens du logo "RE" qui apparaît sur les maillots renvoie vers celui de l'équipe de water-polo de la Ransom Everglades School, un collège-lycée privé mixte de l'Etat de Floride. 

Contactée par l'AFP, cette école a déclaré que l'image est une version manipulée d'une photo qui avait été prise par un photographe qu'elle avait engagé "il y a plusieurs années".

"Les photos qui circulent sur les réseaux sociaux sont des images modifiées numériquement de lycéennes, dont au moins une était mineure à l'époque", a déploré l'école auprès de l'AFP le 20 mars.

"Nous sommes consternés par l'utilisation d'images trafiquées de nos lycéennes à des fins de propagande politique, et nous savons que les jeunes femmes représentées sont désemparées par l'utilisation abusive de leurs images", a-t-elle ajouté.

L'école a également transmis à l'AFP la photo originale, que nous avons choisi de ne pas publier en entier par souci de respect de la vie privée des personnes qui y sont représentées.

La photo montre néanmoins bien que les maillots de bain ne portaient à l'origine aucun message politique.

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Capture d'écran de l'image modifiée, prise sur X le 22/03/2024 et avec les têtes des athlètes floutées par l'AFP pour préserver leur vie privée
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Photo fournie à l'AFP par l'école Ransom Everglades, avec recadrage et visages floutés par l'AFP pour respecter la vie privée des athlètes

Les métadonnées jointes au fichier nous ont permis de confirmer que la photo a été prise le 28 avril 2018, au Miami Dade College à Miami, en Floride.

Ce jour-là, l'équipe de water-polo universitaire féminine de la Ransom Everglades School s'était inclinée 7 à 27 face à Hialeah High School en finale du championnat régional, comme le confirment l'emploi du temps de l'équipe et des articles dans des médias locaux, comme le Miami Herald (lien archivé ici). 

Sur d'autres photos diffusées sur les réseaux sociaux du lycée montrant l'équipe de l'année scolaire 2017-2018, les athlètes arborent les mêmes maillots de bain, et les mots "Not a dude" n'y figurent pas non plus. 

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Capture décran prise sur Instagram le 21 mars 2024, avec les têtes des athlètes floutées par l'AFP pour respecter leur vie privée

Les personnes membres de la communauté LGBT+ sont régulièrement ciblées par la désinformation sur les réseaux sociaux, particulièrement aux Etats-Unis, et l'AFP a déjà vérifié plusieurs images modifiées ou décontextualisées à ce sujet.

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