Attention à ces publications prétendant que l'Australie demande d'administrer des vaccins aux personnes sous sédation

Dans certains cas, notamment pour des personnes très anxieuses ou étant déjà sous anesthésie pour un traitement médical, les médecins australiens peuvent administrer des vaccins à des patients sous sédation. Dans le cadre de la vaccination contre le Covid-19, un comité officiel conseillant le gouvernement australien a publié des recommandations à ce sujet, qui ont été mal interprétées sur les réseaux sociaux. Des publications partagées début 2024 ont assuré que le gouvernement australien préconiserait d'utiliser "de façon opportuniste" la sédation pour administrer des vaccins à des personnes endormies non consentantes. Mais c'est une mauvaise compréhension d'une phrase du document, ont déploré deux experts en santé auprès de l'AFP, rappelant que le "consentement éclairé" est toujours nécessaire avant une injection. En outre, la vaccination sous sédation ne concerne qu'une "très faible minorité de personnes".

"Le gouvernement australien publie un avis effrayant conseillant aux responsables de la santé d'administrer 'de manière opportuniste' des vaccins aux patients sous sédation ou anesthésie. C'est horrible", s'émeut un post sur X (ex-Twitter) partagé près de 700 fois depuis le 1er janvier, sous-entendant que les autorités sanitaires australiennes voudraient profiter de leur état d'endormissement  pour leur administrer discrètement des vaccins.

Des publications semblables ont été relayées sur Telegram et Facebook, et des affirmations similaires ont été partagées plusieurs dizaines de milliers de fois en anglais.

Nous avons également été interrogés quant à l'authenticité de cette allégation via notre numéro WhatsApp.

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Capture d'écran prise sur X le 09 janvier 2024

Les publications diffusent une citation en anglais "Vaccines may also be admistered opportunistically while patients are undergoing sedation for unrelated procedures", attribuée à l'ATAGI, l'acronyme pour "Australian Technical Advisory Group on Immunisation", une instance composée de spécialistes de santé qui conseillent le gouvernement australien sur la stratégie vaccinale liée au Covid-19.

 Cette phrase peut se traduire par "les vaccins peuvent également être administrés opportunément lorsque les patients sont sous sédation pour des procédures non liées à la vaccination". En d'autres termes, les médecins peuvent -lorsque le patient est sous anesthésie pour une opération chirurgicale par exemple- en profiter pour les vacciner.

Les visuels des publications que nous étudions contiennent aussi un QR code, qui renvoie vers un document intitulé : "recommandations de l'ATAGI sur la sédation avant la vaccination", daté d'avril 2022, dont elles extrapolent une citation.

Que dit le document de l'ATAGI ? 

Une recherche avancée sur internet avec la phrase de la citation permet de retrouver un document (archivé ici), semblable à celui vers lequel renvoie le QR code des publications, publié par l'ATAGI le 6 avril 2022.

Ce document propose des recommandations sur la sédation "comme l'une des mesures d'aide à l'administration" des vaccins contre le Covid-19.

Il indique notamment que "l'administration d'un vaccin" peut provoquer "uneanxiété importante" chez des "personnes anxieuses ou ayant une phobie des aiguilles", et peut être "compliquée" chez "certaines personnes ayant des troubles comportementaux".

Uniquement dans ces cas précis, et si "toutes les mesures non pharmacologiques pouvant aider à l'administration des vaccin ont échoué", "la sédation peut faciliter une administration en toute sécurité des vaccins, dans des circonstances particulières", préconise le document.

Il précise néanmoins aussi que "dans la plupart des cas, la sédation ne doit pas être utilisée comme une première option pour administrer le vaccin. De nombreuses personnes souffrant d'anxiété ou de troubles du comportement peuvent être vaccinées en toute sécurité en utilisant des techniques non pharmacologiques".

Ces dernières peuvent inclure la présence d'une personne ou d'un objet "réconfortant", une "distraction" avec de la musique, de la vidéo ou des jouets, ou d'autres mesures visant à rendre la situation plus "relaxante".

Le document indique aussi clairement dès sa première page que "le consentement éclairé doit être obtenu avant chaque dose, de la part du patient lui-même, ou, lorsque le patient n'a pas la capacité de donner son consentement, de son parent, tuteur ou mandataire spécial".

Le "consentement éclairé" (lien archivé ici) correspond à "la décision d'une personne, donnée volontairement, d'accepter un traitement, une procédure ou une autre intervention de soins de santé", selon un document de la Commission australienne sur la sécurité et la qualité des soins de santé, une agence publique qui propose des réglementations sur les soins de santé en Australie.

"La sédation ne doit pas être utilisée dans le but de forcer la vaccination", est-il aussi souligné dans le document de l'ATAGI.

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Capture d'écran du document de l'ATAGI, prise le 09/01/2024

Une phrase "sortie de son contexte"

La phrase "les vaccins peuvent également être administrés opportunément lorsque les patients sont sous sédation pour des procédures non liées à la vaccination" figure aussi dans le document de l'ATAGI, mais elle a été "complètement sortie de son contexte" sur les réseaux sociaux, regrette Megan Prictor, professeure de bioéthique et de droit de la santé à l'université de Melbourne, auprès de l'AFP.

La citation fait plutôt référence "aux patients qui seraient déjà sous anesthésie dans le cadre d'un autre traitement", a expliqué Megan Prictor. "Mais ces personnes sont volontaires pour recevoir le vaccin. Il est tout simplement plus logique de les vacciner lorsqu'elles sont déjà sous sédatif dans le cadre de cet autre traitement, plutôt que de les endormir deux fois", a-t-elle développé.

Daryl Cheng, professeur de pédiatrie à l'université de Melbourne, a également assuré à l'AFP qu'un "consentement écrit signé est obtenu avant la sédation, conformément au protocole pour toute procédure effectuée sous sédation ou anesthésie".

Les deux professeurs ont déploré que les messages sur les réseaux sociaux aient "mal compris" l'emploi du mot "opportunistically" dans le document de l'ATAGI.

"Le mot [...] signifie simplement si le patient a déjà donné son consentement pour recevoir le vaccin sous sédation, et que la personne est sous anesthésie pour une autre raison, alors le médecin pourrait saisir cette occasion pour administrer cette vaccination", a abondé Megan Prictor, ajoutant que ces recommandations s'appliquent dans tous les cas à "un très petit nombre de personnes, dans des situations très particulières". 

"Le consentement éclairé pour la vaccination est absolument nécessaire dans toutes les situations", martèle-t-elle, soulignant que "les médecins ne peuvent pas injecter un vaccin à n'importe qui, c'est illégal".

"'Opportunément' ne signifie en aucun cas sans consentement, ni de façon secrète, contrainte, forcée ou à l'insu du patient", a confirmé Daryl Cheng.

Depuis le début des campagnes de vaccination contre le Covid-19 autour du monde, les fausses informations au sujet des vaccin sont légion sur les réseaux sociaux, et l'AFP en vérifie régulièrement. 

Les vaccins contre le Covid-19 ont aujourd'hui sauvé des millions de vies dans le monde, soulignent régulièrement médecins et autorités de santé, comme détaillé dans cet article de vérification de l'AFP publié en octobre 2023.

En délivrant une autorisation aux vaccins contre le Covid-19 (lien archivé ici), l'Agence européenne des médicaments (AEM) avait estimé que la balance "bénéfice-risque" de ces vaccins était respectée, c'est-à-dire que la protection offerte globalement contre le Covid-19 était beaucoup plus importante que les potentiels effets secondaires ou risques induits par le vaccin, comme l'explique l'agence sur son site. 

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