Cette vidéo n'a pas été filmée dans l’hôpital al-Chifa à Gaza, mais en Egypte en 2013

L’armée israélienne est entrée le 15 novembre à l'aube dans l’hôpital al-Chifa, le plus grand de la bande de Gaza, visant ce qu'elle présente comme une base stratégique du Hamas installée dans ce site où sont réfugiés des milliers de Palestiniens fuyant la guerre. Dans ce contexte, des internautes partagent une vidéo sur les réseaux sociaux, affirmant qu’elle montre les soldats israéliens ouvrir le feu à l’intérieur de l'hôpital al-Chifa. Même si des soldats israéliens ont bien tiré en l'air en arrivant à al-Chifa, cette vidéo n’a toutefois rien à voir avec la guerre actuelle entre Israël et le Hamas : elle a été filmée en Egypte en 2013.

Le 7 octobre, plus de 1.200 personnes ont été tuées sur le territoire israélien par les hommes du Hamas, en majorité des civils fauchés par balles, brûlés vifs ou morts de mutilations, selon les autorités israéliennes. Il s'agit d'une attaque d'une ampleur et d'une violence jamais vues depuis la création d'Israël en 1948.

Au cours de l'attaque, quelque 240 personnes ont été emmenées en otages dans la bande de Gaza, selon l'armée israélienne.

Le Hamas a affirmé de son côté, le 13 novembre, qu'au moins 11.000 personnes - majoritairement des civils, dont près de la moitié d'enfants - ont été tuées dans les bombardements israéliens en représailles et dans les combats au sol dans la bande de Gaza. Des quartiers entiers y ont été rasés et se retrouvent sans eau, sans nourriture ni électricité, après le siège imposé par Israël le 9 octobre au territoire, déjà soumis à un blocus terrestre, maritime et aérien depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007.

Au moins 1,6 des 2,4 millions de Palestiniens de Gaza ont été déplacés depuis le début de la guerre, selon l'ONU.

Tôt mercredi 15 novembre, des dizaines de soldats israéliens, certains cagoulés et tirant en l'air, ont fait irruption dans l’hôpital al-Chifa (lien archivé ici), situé dans la ville de Gaza, et ont ordonné aux hommes de se rendre, selon un journaliste collaborant avec l'AFP sur place.

Dans la journée, l'armée israélienne a brièvement retiré ses soldats et ses chars avant de se repositionner autour de l'établissement en fin d'après-midi. Dans la nuit du 15 au 16 novembre, l'armée a annoncé mener à nouveau une opération à l'hôpital al-Chifa.

L'immense complexe hospitalier, depuis plusieurs jours au coeur des combats entre soldats israéliens et combattants islamistes, représente un objectif majeur pour Israël, qui a juré "d'anéantir" le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza.

Israël estime que l'hôpital al-Chifa abrite des infrastructures stratégiques du Hamas, notamment dans des tunnels sous le complexe. Le Hamas dément ces allégations.

Dans ce contexte, des publications sur X (1, 2) diffusent une vidéo affirmant qu’elle montre "les forces d’occupation israéliennes [ouvrir] le feu à l’intérieur de l’hôpital al-Chifa". Cette même vidéo circule massivement en anglais et en arabe. On y voit un hôpital en ruines et des coups de feu se font entendre en fond sonore.

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Capture d'écran d'une publication sur X, réalisée le 15/11/2023.
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Capture d'écran d'une publication sur X, réalisée le 15/11/2023.

 

 

Une vidéo filmée en 2013 en Egypte

Toutefois, grâce à une recherche d’image inversée, on retrouve la vidéo d’origine (lien archivé ici) sur la chaîne YouTube de "Rassd News Network" (@RassdNewsN), un réseau de médias alternatifs basé au Caire, en Egypte.

La vidéo a été publiée le 16 août 2013. Selon sa légende, elle montre des "tirs violents sur des détenus de l’hôpital Rabaa".

L’hôpital Rabaa Al-Adawiya est situé au Caire, en Egypte.

Le 14 août 2013 (lien archivé ici), la police égyptienne a dispersé, à l’aide de bulldozers, deux rassemblements de partisans du président déchu Mohamed Morsi sur les places Nahda et Rabaa. Des milliers de partisans pro-Morsi y campaient depuis plus d'un mois.

Mohamed Morsi, premier président égyptien élu démocratiquement, avait été destitué et arrêté par l'armée le 3 juillet, après des manifestations monstres réclamant son départ. Les protestataires lui reprochaient d'avoir accaparé les pouvoirs au profit des seuls Frères musulmans et achevé de ruiner une économie déjà exsangue.

L'assaut a ensuite provoqué des violences à travers toute l'Egypte, les Frères musulmans, dont était issu Mohammed Morsi, ayant appelé à manifester pour "mettre fin au massacre".

Plus de 750 personnes, des pro-Morsi pour l'essentiel, ont péri en cinq jours dans des heurts avec les forces de l'ordre qui dispersaient systématiquement leurs manifestations (lien archivé ici).

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Un partisan des Frères musulmans et de l'ancien président égyptien Mohamed Morsi tire des feux d'artifice en direction de la police lors d'affrontements au Caire le 14 août 2013, alors que les forces de sécurité appuyées par des bulldozers ont investi deux immenses camps de manifestants pro-Morsi. ( MOSAAB EL-SHAMY / MOSA'AB ELSHAMY)

Cette vidéo n’a donc rien à voir avec le raid de soldats israéliens dans l’hôpital al-Chifa.

Le 15 novembre 2023, des soldats ont interrogé des personnes dans l'hôpital al-Chifa dont des patients et des médecins, fouillant aussi des femmes et des enfants en pleurs. Des chars israéliens, qui encerclaient depuis plusieurs jours l'hôpital, sont entrés à l'intérieur, postés devant différents services dont celui des urgences, comme relaté dans cette dépêche AFP (lien archivé ici)

Des centaines de Palestiniens, les mains en l'air, se sont rassemblés dans la cour de l'hôpital, pendant que dans les couloirs, les soldats tiraient en l'air en allant de pièce en pièce, recherchant visiblement des combattants du Hamas.

Selon le ministère de la Santé de l'administration du Hamas dans la bande de Gaza, l'armée israélienne a déployé des bulldozers à l'hôpital al-Chifa, le 16 novembre.

Plusieurs organisations internationales ont exprimé leur inquiétude sur le sort des civils, tandis que l'ONU s'est dite "horrifiée" par l'opération israélienne.

Environ 2.300 personnes selon l'ONU, dont des patients, des soignants et des déplacés de guerre sont massés à l'intérieur d'al-Chifa, sans eau ni électricité faute de carburant pour alimenter les générateurs.

Les médecins et des ONG internationales affirment que ces civils ne peuvent pas sortir, piégés par les combats qui font rage aux alentours.

De nombreuses autres fausses informations en lien avec le conflit Hamas/Israël ont été vérifiées par l'AFP, à retrouver sur le site AFP Factuel.

16 novembre 2023 Actualise avec derniers éléments sur mouvements de l'armée israélienne à l'hôpital al-Chifa

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