Une dose du vaccin Pfizer/BioNTech Covid-19 est préparée dans la ville israélienne de Holon, près de Tel Aviv, le 21 juin 2021 ( AFP / JACK GUEZ)

86% des adolescents ont ressenti des douleurs temporaires au bras durant les essais cliniques du vaccin Pfizer

Une publication partagée plusieurs centaines de fois sur Facebook en août 2021 affirme que "86% des enfants entre 12 et 15 ans" ayant reçu le vaccin de Pfizer/BioNTech "ont subi des effets secondaires" lors des essais cliniques. Il s'agit d'une mauvaise interprétation: en réalité, le chiffre de 86% correspond au pourcentage d'adolescents ayant ressenti une douleur au point d'injection après la vaccination, disparue en quelques heures. Quelques effets indésirables graves ont été rapportés après la vaccination chez des jeunes, mais ils restent rares.

"86% des enfants entre 12 et 15 ans qui ont été injectés avec le produit Pfizer dans les essais cliniques ont subi des effets secondaires", selon cette publication partagée 351 fois en août.

"Un crime !", "une honte", commentent des internautes.

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Capture d'écran réalisée le 21/10/2021 sur Facebook

Cependant, l'auteur de cette publication omet de préciser que le chiffre de 86% correspond au pourcentage d'adolescents ayant ressenti une douleur temporaire au point d'injection après la vaccination. Il ne s'agit pas d'effets secondaires graves.

Certains effets indésirables graves, notamment des inflammations du péricarde et du myocarde, ont été rapportés depuis le début des campagnes de vaccination, mais ils sont rares et sous surveillance des agences de pharmacovigilance.

Le chiffre de 86% correspond au pourcentage d'adolescents ayant ressenti des douleurs au point d'injection

Les résultats des essais cliniques portant sur l'efficacité du vaccin de Pfizer-BioNtech sur les adolescents ont été publiés le 27 mai 2021 dans la prestigieuse revue médicale The New England Journal of Medicine. Ils ont été réalisés sur 2260 participants âgés de 12 à 15 ans.

Le chiffre de 86% évoqué dans la publication que nous vérifions n'y apparaît qu'à une seule reprise: les auteurs écrivent que le vaccin présente un "profil d'effets secondaires favorable, avec principalement une réactogénicité transitoire légère à modérée (principalement une douleur au site d'injection [chez 79 à 86 % des participants], de la fatigue [chez 60 à 66 %] et des maux de tête [chez 55 à 65 %]). Aucun SAE/SAR (pour "Serious adverse event", événement indésirable sérieux, ndlr) lié au vaccin n'a été observé et peu d'événements indésirables graves dans l'ensemble".

On peut observer le détail de ces chiffres sur le graphique disponible à la page 246 du PDF: 86% des adolescents vaccinés ont ressenti une douleur au point d'injection après la première dose de vaccin, contre 23% des adolescents ayant reçu une dose de placebo. A la deuxième injection du vaccin, 79% des adolescents ont ressenti une douleur au point d'injection, contre 18% dans le groupe placebo.

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Capture d'écran réalisée sur le site du New England Medicine Journal le 21/10/2021

"On voit dans la publication de Pfizer que la majorité des effets indésirables - douleur au site d'injection, fatigue, mal de tête - ne sont pas des choses très dramatiques et passent très rapidement", a commenté Thibault Fiolet, épidémiologiste à l'INSERM, interrogé le 20 octobre 2021.

"Il faut être précis" lorsqu'on parle des effets indésirables, a abondé Annie Robert, responsable du Pôle de recherche en épidémiologie et biostatistique à l'UCL. "Le seul effet indésirable grave observé durant les essais cliniques a été un adolescent dont la fièvre est montée jusqu'à 40°".

Le 28 mai 2021, l'Agence européenne du Médicament (AEM) a approuvé l'usage du vaccin de Pfizer/BioNTech pour les adolescents âgés de plus de 12 ans. Elle a jugé que les effets secondaires observés durant les essais cliniques étaient"similaires à ceux observés chez les personnes de 16 ans et plus. Ils comprennent la douleur au point d'injection, la fatigue, les maux de tête, les douleurs musculaires et articulaires, les frissons et la fièvre. Ces effets sont généralement légers ou modérés et s'améliorent dans les quelques jours qui suivent la vaccination".

Mi-juillet, l'AEM a également autorisé l'usage du vaccin de Moderna pour les adolescents.

En Belgique, la vaccination des adolescents a commencé début juillet. Dans un avis publié le 7 juillet 2021, le Conseil Supérieur de la Santé belge (CSS) concluait que les essais cliniques de Pfizer apportaient des "données (partielles) de sécurité et d’efficacité rassurantes pour les enfants à partir de 12 ans". Il soulignait néanmoins les limites de ces essais cliniques, notamment la petite taille de l'étude, qui "ne permet pas la mise en évidence de SAE/SAR rares" - c'est-à-dire d'effets indésirables sérieux et inattendus.

L'AFP a interrogé le 20 octobre 2021 l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) à propos des effets secondaires observés depuis le début de la vaccination des plus de 12 ans en Belgique. "Au niveau belge, l’AFMPS a reçu 44 notifications d’effets indésirables graves dans cette tranche d’âge", a indiqué l'Agence. "Nous ne disposons pas de chiffres spécifiques des vaccinations pour les 12-15 ans, mais nous savons qu’environ 550.000 jeunes entre 12 et 17 ans ont reçu les deux doses. L'incidence des effets indésirables dans cette population apparaît donc très faible", a-t-elle conclu.

De rares effets secondaires graves

Depuis le début de la vaccination des plus de 12 ans aux Etats-Unis, en France et en Belgique, plusieurs cas de myocardites (une inflammation cardiaque) chez des adolescents vaccinés ont été notifiés aux agences de pharmacovigilance. Ces myocardites touchaient principalement des jeunes hommes, après réception de la deuxième dose.

En juin, des experts américains se sont réunis afin d'étudier 323 cas d'inflammations au niveau du cœur déclenchées chez des adolescents après l'injection de Pfizer/BioNtech et Moderna. Ils ont conclu qu'il existait un lien "probable" entre ces vaccins et les rares cas de myocardites, mais qu'il s'agissait dans la plupart des cas de cas "légers, les individus guérissant souvent d’eux-mêmes ou avec un traitement minime".

Dans un communiqué publié début août, les CDC américains rapportent la décision des experts: "Le 23 juin 2021, le Comité consultatif sur les pratiques d'immunisation (ACIP) des CDC a examiné les données disponibles et a conclu que les avantages de la vaccination contre le Covid-19 pour les personnes individuelles et la population l'emportent sur les risques de myocardite et a recommandé de poursuivre l'utilisation du vaccin chez les personnes âgées de plus de 12 ans".

Ces effets indésirables continuent cependant d'être surveillés par les agences de pharmacovigilance. Dans son rapport de suivi des effets indésirables publié le 26 août 2021, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) française évoquait 33 cas de myocardites et 15 cas de péricardites (une inflammation du péricarde, au niveau du cœur) rapportés à la date du 26 août. 3 d'entre eux concernaient des adolescents âgés de 12 à 15 ans.

L'ANSM rapportait également un décès, une jeune fille "avec une maladie congénitale responsable de complication cardiovasculaire et perte de poids importante au cours de l’année scolaire", décédée d'un arrêt cardio-respiratoire.

Fin septembre, l'Agence régionale de santé et le parquet d'Aix-en-Provence ont annoncé l'ouverture d'une enquête après la mort d'une adolescente de 17 ans, quelques jours après avoir reçu sa deuxième dose du vaccin de Pfizer.

A la suite de ces rapports, la Suède a suspendu "par précaution" le vaccin anti-Covid de Moderna pour les moins de 30 ans, tout en reconnaissant que le risque de myocardite était "minime". Au Danemark et en Norvège, le vaccin de Moderna a été suspendu pour les moins de 18 ans.

Les adolescents peuvent aussi souffrir de formes sévères du Covid-19

Les adolescents et les enfants ne font pas partie des populations les plus à risque de développer une forme grave de Covid-19, contrairement aux personnes âgées ou aux adultes avec comorbidité. Sur son site, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que, les enfants et adolescents ayant tendance à développer une forme plus bénigne du coronavirus, "à moins qu'ils ne fassent partie d'un groupe à haut risque de COVID-19 grave, il est moins urgent de les vacciner que les personnes plus âgées, celles souffrant de maladies chroniques et les travailleurs de la santé".

L'OMS ne recommande pour le moment pas la vaccination pour les adolescents, tout en reconnaissant l'efficacité du vaccin de Pfizer pour "les personnes âgées de 12 ans et plus".

Néanmoins, on ne peut pas affirmer que les plus jeunes "ne craignent rien du COVID", comme le fait cette publication. "Certains enfants sont hospitalisés après avoir attrapé le covid", témoigne Annie Robert, "les fréquences ne sont pas élevées, mais ce n'est pas rare".

Le site des Nations Unies indique que "les enfants et les ados peuvent présenter des symptômes cliniques prolongés (connus sous le nom d’état post Covid-19 ou de séquelles post-aiguës de l’infection par le SRAS-CoV-2)", mais que "leur fréquence et leurs caractéristiques font encore l’objet de recherches".

Les scientifiques rappellent également que les plus jeunes peuvent aussi attraper et transmettre le Covid-19 aux personnes plus fragiles, argument utilisé par les pays ayant choisi de vacciner les adolescents.

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