Non, un rapport du "service de renseignement" israélien n’a pas mis en garde contre la vaccination de masse

Un “rapport du service de renseignement des forces de défense israéliennes” aurait averti en janvier que “le programme de vaccination de masse en Israël pourrait créer une mutation résistante aux vaccins Covid-19”, avancent plusieurs publications partagées des derniers jours sur Twitter et Facebook. C’est faux : le document en question provient d'une agence de la branche des renseignements militaires de l’armée, mobilisée dans le cadre de la crise sanitaire pour aider le ministère de la Santé. Il recommande de poursuivre la vaccination, et mentionne en parallèle le risque d’apparition de variants résistants, sans pour autant lier ce risque au programme de vaccination israélien.

Depuis début juillet, des dizaines de publications sur Twitter (ici, ici, ici) et Facebook (ici) partagées plusieurs centaines de fois prétendent qu’un “rapport du service de renseignement des forces de défense israéliennes” publié en janvier aurait mis en garde à l’encontre du “programme de vaccination de masse en Israël”, affirmant que celui-ci “pourrait créer une mutation résistante aux vaccins Covid-19”.

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Capture d'écran Facebook, réalisée le 12.07.2021



La plupart des posts citent un article du média The Epoch Times, qui relaie régulièrement des informations non-vérifiées voire des théories complotistes, selon l’analyse de l’entreprise Newsguard, qui évalue la fiabilité des sites. Seul, cet article a par ailleurs été partagé plus de 4500 fois selon l'outil de mesure d'audience CrowdTangle.

D’autres publications renvoient vers le blog “Anguille sous roche”, qui se présente comme un “bric-à-brac de l’Internet”. Celui-ci reprend directement l’article de The Epoch Times, en modifiant son image d’illustration.

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Capture d'écran du site francophone de The Epoch Times, réalisée le 13.07.2021
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Capture d'écran du blog "Anguille sous roche", réalisée le 13.07.2021

 

 

Un rapport réalisé pour le ministère de la Santé

Ces deux articles, et certains autres messages sur les réseaux sociaux, renvoient directement vers le lien d’un document de 9 pages en hébreu, présenté comme provenant des services de renseignements d'Israël.

A l'aide d'une recherche avancée sur Google, on peut retrouver ce rapport, publié le 23 janvier 2021 sur le site du gouvernement israélien. Le pays, l'un des premiers à avoir lancé une campagne vaccinale de grande ampleur dès décembre 2020, est alors en plein troisième confinement.

Le document provient bien d’un centre de recherches dépendent de la branche des renseignements militaires de l'armée israélienne, mais celui-ci a été mobilisé à des fins civiles pour aider le ministère de la Santé dans le cadre de la crise sanitaire, et édite ainsi régulièrement des documents sur l'évolution de l'épidémie.

L'intitulé du rapport précise en effet qu'il s'agit du "document 216 du centre national de renseignements et d'informations sur le coronavirus, crée par la branche des renseignements militaires de l'armée israélienne pour aider le ministère de la Santé à étudier de façon systématique la propagation du coronavirus".

Un document favorable à la vaccination

Le document ne met par ailleurs pas "en garde contre la vaccination de masse" comme l'avancent les publications qui prétendent qu'il y est écrit que "la campagne de vaccination de masse qui se déroule parallèlement à l’épidémie active en Israël peut ‘pousser le virus à évoluer'".

Il s'agit d'une traduction erronée du document, dont l'introduction explique à l'inverse qu'en Israël, "il est recommandé d'accélérer la campagne de vaccination et d'éviter l'ouverture incontrôlée du confinement actuel en raison du variant britannique qui accélère les infections, d'agir avec diligence pour réduire la morbidité et détecter de façon précoce de nouveaux variants locaux."

Le rapport évoque par ailleurs un risque d'apparition de variants locaux, possiblement plus résistants au vaccin. Le document propose ainsi d'accélérer la vaccination afin d'éviter ces potentielles mutations au sein de la population non-vaccinée.

En page 2, il est en effet précisé que "tant que l'ensemble de la population adulte n'a pas été vaccinée, la vaccination de masse se produit parallèlement à une épidémie active dans le pays, ce qui peut conduire à un "stress évolutionnaire" sur le virus. Cette situation peut conférer un certain avantage aux variants du virus sur le vaccin et conduire à leur propagation dans la population, s'ils apparaissent".

Eviter l'apparition d'un variant local à l'aide de la vaccination

Le rapport recommande aussi de "lutter contre l'introduction de variants étrangers (principalement via l'aéroport Ben Gourion) qui pourraient nuire à l'efficacité du vaccin et prolonger la durée de l'épidémie de coronavirus en Israël".

Un peu plus loin, le document aborde le risque de la création d'un variant dans le pays, dans le cas où la population serait trop peu vaccinée. "En plus du risque d'importation d'un variant résistant de l'étranger, il est également possible qu'une tel variant se forme en Israël compte tenu de l'existence d'une importante population non vaccinée et d'une épidémie active."

Le rapport conclut que "le vaccin permettra à Israël de revenir à la normale", et suggère de "mener à son terme l'opération de vaccination rapidement et efficacement, en fournissant suffisamment d'informations pour permettre une large mobilisation nationale pour cet effort".

La vaccination de masse ne crée pas des nouveaux variants

Par ailleurs, l'idée que la vaccination de masse crée des variants du virus avait déjà été relayée à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux, sans pour autant être scientifiquement prouvée.

En mars, des internautes ont relayé la théorie du scientifique flamand Geert Vanden Bossche, qui avance que les campagnes de vaccination seraient potentiellement plus dangereuses que le virus lui-même, car elles pourraient provoquer une "fuite immunitaire adaptative" massive, c'est-à-dire le développement de variants plus résistants aux vaccins qui seraient donc plus dangereux.

En réalité, comme l'expliquait déjà l'AFP, tout virus mute et s'adapte pour survivre et échapper à ce qui le combat (médicaments, anticorps ou vaccins), surtout lorsqu'il circule beaucoup. Les coronavirus ont par ailleurs la particularité d'être plus stables que d'autres virus à ARN, selon le site de l'Inserm.

Pour pallier au risque de "fuite immunitaire adaptative", la capacité du virus à échapper aux anticorps induits par le vaccin ou par le système immunitaire via des mutations, les chercheurs expliquaient alors à l'AFP l'importance de déployer rapidement la vaccination.

C'est précisément l'idée qui est mentionnée dans le rapport réalisé par les autorités israéliennes en janvier. Le 5 juillet, le même centre de recherches mobilisé pour aider le ministère de la Santé, a par ailleurs émis un nouveau document, réaffirmant l'importance de la vaccination pour réduire le nombre de malades en Israël.

Contexte de hausse du variant Delta en Israël

Le rapport de janvier fait parler de lui sur les réseaux sociaux alors qu'Israël a commencé à administrer une troisième dose de vaccins à des patients dotés d'un faible système immunitaire le 12 juillet. Plus de 55% de la population du pays est vaccinée avec deux injections, et ce chiffre grimpe jusqu'à 85% de la population adulte.

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Evolution du nombre de cas de Covid en Israël jusqu'au 13 juillet 2021 ( AFP / )
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Evolution du nombre de décès liés au Covid en Israël jusqu'au 13 juillet 2021 ( AFP / )

 

 

Plus de 400 nouveaux malades ont été déclarés en 24 heures lundi 12 juillet, contre environ 200 par jour en moyenne la semaine précédente, ce qui a poussé les autorités à ouvrir la campagne de troisièmes doses de vaccination aux personnes les plus vulnérables et à réinstaurer des restrictions sanitaires, comme le port du masque dans les lieux publics clos.

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