
Une "taxe Zucman à la norvégienne"? Une expression trompeuse
- Publié le 21 octobre 2025 à 18:49
- Lecture : 14 min
- Par : Gaëlle GEOFFROY, AFP France
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L'idée d'une taxation du patrimoine des plus riches dans le cadre d'une taxe dite Zucman est au coeur du débat politique et budgétaire en France. Ses critiques assurent qu'elle conduirait à une fuite à l'étranger des foyers taxés, comme le montrerait selon certains l'exemple de l'impôt sur la fortune en Norvège. Un argument largement repris sur les réseaux sociaux, mais aussi par des responsables politiques comme le rapporteur du budget à l'Assemblée nationale Philippe Juvin (LR). Mais l'exemple de cette supposée "taxe Zucman norvégienne" est trompeur, parce que l'impôt norvégien s'applique à une population bien plus large et qu'il y a plusieurs explications possibles à la hausse des départs à l'étranger observée dans le pays, soulignent des experts.
La taxe Zucman, serpent de mer du débat économique, est revenue en force dans l'actualité à la faveur des débats sur la préparation du budget pour 2026. Cet impôt plancher de 2% sur le patrimoine des "ultrariches" permettrait de collecter environ 20 milliards d'euros chaque année selon son concepteur, Gabriel Zucman, directeur de l'Observatoire européen de la fiscalité, et professeur d'économie à la Paris School of Economics et à l'université californienne de Berkeley (lien archivé ici). D'autres économistes évoquent un gain moindre, de 5 milliards d'euros, tandis que ses opposants pointent un risque d'effet contreproductif avec une "fuite des talents et du capital" hors de France (liens archivés ici et ici).
Une proposition de loi en faveur de cette taxe, déposée par les députées Clémentine Autain, ex-LFI siégeant dans le groupe écologiste, et l'écologiste Eva Sas (lien archivé ici), avait été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture en février 2025. Le Sénat l'a ensuite retoquée en juin, et le gouvernement Lecornu II lui a préféré le 14 octobre dans son projet de loi de finances pour 2026 une taxe sur les holdings patrimoniales, critiquée par la gauche car jugée insuffisante. Celle-ci a réintroduit la taxe Zucman en commission des Finances à l'Assemblée nationale via un amendement, mais il a été rejeté le 20 octobre. Elle sera néanmoins discutée dans l'hémicycle le 24 octobre (lien archivés ici et ici).
En commission, le rapporteur général du budget à l'Assemblée Philippe Juvin (LR), hostile à cette taxe, a fait valoir les "effets immédiats" d'une taxation des hauts patrimoines en Norvège en 2022 : "315 Norvégiens fortunés exilés", et dans leurs entreprises, une chute de l'emploi de "33%" et des investissements de "22%".
Des allégations partagées depuis plusieurs semaines en français sur les réseaux sociaux. Depuis le 6 octobre 2025, un post des Electrons libres, média qui publie des articles de contributeurs journalistes, scientifiques, chefs d'entreprises, évoque sur X les mêmes effets de cette supposée "taxe Zucman norvégienne".
Partagée plus d'un millier de fois, reprise sur Facebook, la publication évoque en plus "46 milliards de patrimoine délocalisé" et une "perte nette" de recettes fiscales de "381 millions d'euros". Elle renvoie à un article sur le site des Electrons libres qui lui-même cite une "analyse du média CitizenX" comprenant des chiffres équivalents exprimés en dollars américains - par exemple "54 milliards de dollars" de fortune cumulée des millionnaires exilés.
Avec une recherche d'image inversée sur un visuel présent dans l'article de CitizenX, on se rend compte que ces estimations sont virales depuis au moins le printemps 2024 dans diverses langues sur X (1, 2), sur LinkedIn ou bien encore Reddit.


Avant Philippe Juvin, le vice-président du Medef, Fabrice Le Saché, avait fustigé en août sur X les effets de la "taxe 'sur les riches'" en Norvège et "les idées de M. Zucman [qui] sont une catastrophe partout où elles sont appliquées", en citant des chiffres sensiblement plus élevés que ceux de CitizenX - car exprimés "en dollars australiens", a fait valoir l'organisation patronale auprès de l'AFP le 13 octobre 2025.
A la rentrée 2025, un article de l'institut libéral Ifrap a également cité ces chiffres de CitizenX.
Mais ces estimations sont sujettes à caution, et celles évoquant une chute de l'emploi et des investissements sont partielles et ne concernent pas la Norvège. Si un durcissement de l'impôt sur la fortune norvégien en 2022 a en effet été suivi du départ de plusieurs centaines de très riches contribuables, d'autres évolutions de la fiscalité ont pu expliquer ce mouvement, soulignent des économistes interrogés par l'AFP.
Quant à la comparaison du système norvégien avec la taxe Zucman, elle s'avère trompeuse, l'organisation de la fiscalité sur la fortune dans ce pays étant différente.
Assiettes différentes
En Norvège, l'impôt sur la fortune a été l'un des sujets brûlants de la campagne pour les législatives de septembre 2025, remportées de justesse par la gauche (liens archivés ici et ici). Comme pour la taxe Zucman, ses détracteurs dénoncent le fait que cette taxation s'applique au patrimoine productif des plus riches. Mais l'expression "taxe Zucman à la norvégienne", devenue virale sur les réseaux sociaux, fait un raccourci abusif. D'abord parce que l'assiette de l'impôt norvégien sur la fortune est bien plus vaste.
La taxe Zucman prévoit que seuls les ménages disposant d'un patrimoine supérieur à 100 millions d'euros paient chaque année au moins 2% de la valeur totale de ce patrimoine en impôts (liens archivé ici). Si elle était appliquée en France, elle concernerait 1.800 foyers, selon Gabriel Zucman, soit 0,0045% des 40 millions de foyers fiscaux français, ou 0,01% des 18 millions s'acquittant de l'impôt sur le revenu, d'après les calculs de l'AFP.
L'impôt norvégien sur la fortune est, lui, de 1% pour ceux qui possèdent un patrimoine net (fortune moins dettes) de plus de 1,76 million de couronnes, soit 150.000 euros, et de 1,1% pour ceux qui possèdent plus de 20,7 millions de couronnes, soit 1,76 million d'euros (lien archivé ici). Il existe des déductions sur certains actifs. Mais au final, avec ces seuils très bas, une large part des contribuables de ce pays de 5,7 millions d'habitants y est assujettie (lien archivé ici).
"Environ 720.000 personnes paient l'impôt sur la fortune en Norvège, soit quelque 20% de la population adulte disposant d'un revenu", a précisé l'économiste Mathilde Fasting, du think tank libéral Civita, à l'AFP le 14 octobre 2025 (lien archivé ici). En comparaison, la taxe Zucman appliquée en Norvège concernerait les ménages "juste au-dessus de 1,2 milliard de couronnes", soit "approximativement 67" d'entre eux, soit "moins de 0,01% de la population s'acquittant de l'impôt sur la fortune aujourd'hui en Norvège", a-t-elle calculé.
"L'impôt sur la fortune concerne la majorité de tous les propriétaires d'entreprises norvégiennes, tandis que la taxe Zucman affecte seulement un très petit nombre au plus haut" de l'échelle, ajoute-t-elle.
Autre différence : contrairement au système norvégien, la taxe Zucman prévoit que si le montant d'impôts divers dont le contribuable s'acquitte déjà est inférieur aux 2% prévus, il règle uniquement la différence pour atteindre ce taux (impôt différentiel). L'impôt norvégien sur la fortune s'applique, lui, indépendamment des autres taxes.
"Le contribuable norvégien doit souvent prendre ses dividendes de sa holding pour payer l'impôt sur la fortune", et paie en plus un impôt sur ces dividendes, détaille Andreas Økland, chercheur au Centre for Tax research et à la School of Economics and Business de la Norwegian university of Life sciences (NMBU - lien archivé ici).
Des centaines de départs après un durcissement fiscal
En 2022 et 2023, 105 personnes disposant d'une fortune imposable de plus de 100 millions de couronnes (8,5 millions d'euros) ont quitté le pays, soit plus que sous le gouvernement précédent de la conservatrice Erna Solberg (2013-2021), selon une étude de Civita publiée en juin 2025 qui a analysé des données du Bureau norvégien des statistiques (SSB - lien archivé ici).
Et entre 2022 et 2024, environ 300 riches Norvégiens sont partis vivre en Suisse selon des évaluations citées dans la presse norvégienne. Un chiffre "notable", estime Andreas Økland, du Center for Tax research, et proche du chiffre de 315 départs cité dans les posts viraux. L'un des plus gros entrepreneurs et employeurs du pays, Kjell Inge Røkke, avait donné le la en annonçant dans une lettre aux actionnaires datée du 12 septembre 2022 qu'il avait quitté la Norvège pour l'Etat helvète (lien archivé ici).
Les taux actuels de l'impôt sur la fortune norvégien sont en vigueur depuis 2022, date à laquelle le gouvernement dirigé par le travailliste Jonas Gahr Store avait augmenté de 0,25 point (à 1%) la taxation sur les patrimoines nets de plus de 1,76 million de couronnes et avait instauré une nouvelle tranche, pour ceux de plus de 20 millions de couronnes (1,7 million d'euros), imposés à 1,1%. Dans le même temps, il alourdissait la fiscalité sur les dividendes et les plus-values, à respectivement 35,2% et 37,8% en 2023 (lien archivé ici).
Certains économistes estiment que ce sont ces durcissements concomitants de la fiscalité sur la fortune, les dividendes et les plus-values, ainsi que leurs anticipations, qui ont incité pendant deux ans les plus riches à s'exiler, en particulier les ultrariches, multimillionnaires et milliardaires, plus enclins à partir pour des raisons fiscales. Parmi eux, nombreux sont chefs d'entreprises ou détiennent des participations dans des sociétés (liens archivés ici et ici).
C'est "un des aspects les plus mal compris de l''exode norvégien'" : les départs ne sont pas uniquement le résultat de l'augmentation de l'impôt sur la fortune, a souligné Floris Tobias Zoutman, professeur d'économie à la Norwegian School of Economics (NHH), auprès de l'AFP le 14 octobre 2025 (lien archivé ici). "D'abord, le gouvernement norvégien a augmenté simultanément la taxe sur les dividendes et sur les plus-values, ce qui a contribué à un fardeau fiscal plus lourd. Deuxièmement, et encore plus important, ces deux taxes avaient une échappatoire".
En 2022, le délai pendant lequel les plus riches devaient s'acquitter de l'"exit tax" lors de leur départ s'éteignait au bout de cinq ans, soit relativement rapidement. Il est ensuite devenu illimité mais il restait possible de le contourner. Face à cela, le gouvernement Støre a durci l'"exit tax" en 2024, exigeant notamment qu'elle soit réglée dans les douze ans suivant le départ - à moins que la personne ne rentre vivre en Norvège -, à un taux de 37,84% (lien archivé ici). Ainsi, d'un point bas à 0,2% en 2020, la part des expatriés dans les 10% les plus riches a doublé à 0,4% en 2022 et 2023, avant de diminuer, selon des données d'un rapport du Bureau norvégien des statistiques publié en juillet 2025 (lien archivé ici) :

."Il n'y a pas d'explication définitive à la hausse de l'émigration en 2022 et 2023, mais la raison semble être une combinaison d'un rattrapage après la pandémie, la possibilité d'échapper à la fiscalité sur les dividendes et les plus-values qui a été fermée fin 2023, et la hausse de la fiscalité sur le patrimoine en 2022", résume Andreas Økland.
Estimations contradictoires
Les posts sur les réseaux sociaux affirment que les départs à l'étranger de riches norvégiens en 2022 et 2023 ont représenté un manque à gagner net pour les finances publiques de "381 millions d'euros", comme le fait par exemple le premier post des Electrons libres cité plus haut. Dans une seconde publication, après de nouvelles données de Civita d'août 2025, il évoque ensuite un manque à gagner sur les "impôts personnels" et l'impôt sur sociétés totalisant au moins "355 millions d'euros" (lien archivé ici).
Antoine Copra, directeur de la rédaction des Electrons libres, a indiqué le 16 octobre à l'AFP que ces derniers chiffres résultaient d'estimations établies à partir de données de l'office des statistiques norvégien, citées par Civita, sans toutefois préciser le détail de ces calculs.
Interrogée, Mathilde Fasting, de Civita, n'a pas souhaité commenter.
Plusieurs points posent question. D'abord, le "média CitizenX" cité comme source dans l'article du site des Electrons libres, toujours en ligne fin octobre, s'avère être une société basée en Suisse, spécialisée dans les services aux contribuables souhaitant échapper à l'impôt en s'exilant à l'étranger, notamment dans des paradis fiscaux. Sollicité par l'AFP le 13 octobre, son directeur général et cofondateur, Alex Recouso, auteur de l'article présenté comme une "analyse" par Les Electrons libres, n'avait pas répondu au moment de la publication de notre article.
Puis, seule source citée dans l'article de cette société suisse, la mention d'un papier du Guardian du 10 avril 2023 (lien archivé ici), dans lequel un professeur émérite à la Norwegian Business School, Ole Gjems-Onstad, donnait une estimation de la fortune cumulée de tous ceux ayant quitté le pays : au moins 600 milliards de couronnes norvégiennes - soit un montant proche des "54 milliards de dollars" cités par CitizenX.
Problème cependant : dans les commentaires visibles sous le post des Electrons libres, un utilisateur alerte. Il raconte avoir calculé au printemps 2023, à partir du chiffre du professeur norvégien cité dans The Guardian, que cet exil de riches Norvégiens avait engendré en 2022 un manque à gagner net de "448 millions de dollars"... avant de corriger début 2024 et d'évoquer finalement "un gain net de 100 millions de dollars" la première année. Cet utilisateur, un consultant nommé Luca Dellanna, a confirmé ce déroulé à l'AFP le 15 octobre 2025 (lien archivé ici).
Raison de sa correction : l'évocation au Parlement norvégien par le ministre des Finances d'alors, Trygve Slagsvold Vedu, de chiffres préliminaires indiquant que les quelque dizaines de contribuables très fortunés ayant quitté la Norvège en 2022 et 2023 disposaient d'un patrimoine imposable cumulé de quelque 4 milliards de couronnes (341 millions d'euros - lien archivé ici). Un montant calculé à partir d'échantillons non représentatifs, impliquant de le considérer "avec prudence" avait insisté le ministre.
Parce qu'il concernait la fortune cumulée (fortune brute avant déductions) de tous les exilés fiscaux, le montant cité dans The Guardian est difficilement utilisable pour calculer des estimations fiables de manque à gagner fiscal.
"Dans les conventions fiscales internationales, la décision de vous imposer ou non est établie selon plusieurs critères, et pas seulement selon que vous avez quitté ou pas le territoire national", a rappelé Henri Dang, professeur à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et ancien inspecteur des finances publiques, à l'AFP le 15 octobre (lien archivé ici).
Interrogé le 15 octobre, le professeur émérite Ole Gjems-Onstad a fait valoir qu'"il n'existe pas en Norvège de statistiques officielles concernant ces chiffres" et que si certaines revues spécialisées établissent des classements des Norvégiens les plus fortunés, y compris ceux vivant à l'étranger, "tout cela reste plus ou moins des estimations" (lien archivé ici).
Croissance des recettes fiscales
La dernière étude de Civita publiée en août 2025 indique que les expatriés norvégiens disposant de plus de 50 millions de couronnes d'actifs avaient réglé en moyenne 7,4 millions de couronnes (630.000 euros) d'impôts personnels l'année précédant leur départ, et 40,7 millions de couronnes (3,5 millions d'euros) en impôts sur les sociétés, mais elle n'évalue pas précisément le manque à gagner pour les finances publiques ni les conséquences sur l'économie réelle (lien archivé ici).
"Il est très compliqué de calculer exactement ce que représentent ces pertes fiscales, mais nous savons qu'au fil du temps, les gens qui s'expatrient arrêteront d'investir en Norvège ou orienteront leurs investissement dans le pays où ils vivent", commente Mathilde Fasting, mais à sa connaissance, "personne n'a jusqu'à présent évalué cet impact dynamique de l'impôt sur la fortune sur l'économie norvégienne".
Ces derniers temps par exemple, la presse norvégienne a rapporté les cas d'entrepreneurs préconisant ou envisageant de lancer leur entreprise en Suède plutôt qu'en Norvège pour échapper à l'impôt sur la fortune et à l'exit tax (liens archivés ici et ici).
Le ministère norvégien des Finances a, lui, confirmé à l'AFP le 17 octobre qu'il n'existe pas de statistiques officielles sur l'impact de ces départs sur les recettes fiscales, tandis que le Bureau des statistiques a expliqué le 20 octobre fournir des données pour des travaux de recherche menés par des tiers mais n'avoir "aucune responsabilité" dans la manière dont ceux-ci sont menés.
Les recettes perdues en lien avec les départs à l'étranger pour la période 2022-2024 se situent "probablement autour de 100 millions d'euros par an", estime Andreas Okland, du Center for Tax research, tout en soulignant que l'augmentation de la fiscalité sur la fortune de 2022 s'est traduite par une hausse globale de "plusieurs milliards d'euros" des recettes générées par cet impôt.
Une tendance occultée par les posts sur les réseaux sociaux, qui se focalisent sur le manque à gagner lié à ces départs.
L'impôt sur la fortune a rapporté aux finances publiques norvégiennes 27 milliards de couronnes norvégiennes en 2022 (2,3 milliards d'euros) et 30 milliards en 2023 (2,5 milliards d'euros), ainsi que 30 et 34 milliards (2,9 milliards d'euros) selon les premières estimations pour 2024 et 2025, a indiqué le ministère des Finances à l'AFP.
Par ailleurs, si les plus fortunés sont sensibles aux évolutions réglementaires en matière de fiscalité, cela n'implique pas forcément des conséquences substantielles pour l'économie réelle, notait le service statistiques dans son rapport cité plus haut, car, soulignait-il, le patrimoine net cumulé des expatriés norvégiens représentait en 2021 seulement 0,76% (77 milliards de couronnes, soit 6,5 milliards d'euros) du patrimoine net total de l'ensemble des ménages norvégiens :

Effets "modestes" sur l'économie
Autre raccourci dans les posts viraux : les chiffres évoquant les conséquences sur l'emploi (-33%) et l'investissement (-22%) ne concernent pas la Norvège, mais la Suède et le Danemark.
On les retrouve dans une étude de référence d'économistes du National bureau of Economic research (NBER), basé à Cambridge dans le Massachusetts. Publiée en 2024, elle examine les conséquences de la suppression de l'impôt sur la fortune au Danemark en 1995 et en Suède en 2007 (liens archivés ici et ici).
A partir des données disponibles dans ces deux pays, ses auteurs ont calculé que le départ à l'étranger d'un entrepreneur assujetti à l'impôt sur la fortune est suivi d'une baisse de 33% de l'emploi dans son entreprise, de 22% des investissements bruts et de 51% des paiements d'impôts, mais ils ont constaté "une réallocation substantielle de l'activité : 45% des entreprises fermées par leurs riches propriétaires pour expatriation finissent par être absorbées par d'autres entreprises en Suède, et les employés de ces entreprises subissent des pertes persistantes limitées de leurs revenus et emplois".
Ils concluent à un effet "modeste" de l'expatriation des plus fortunés dans ces deux pays scandinaves : les départs engendrés par une hausse d'un point de pourcentage du taux d'impôt sur la fortune se traduisent par une baisse de l'emploi de 0,02%, des investissements de 0,07% et de la valeur ajoutée de 0,10%.
En France, une étude du Conseil d'analyse économique (CAE), datant de juillet 2025 et s'inspirant des cas suédois et danois, estime que les départs provoqués par une augmentation de 4 milliards d'euros de la fiscalité du top 1% des contribuables n'entraînerait, au niveau national, qu'une baisse de 0,03% du chiffre d'affaires, de 0,04% de la masse salariale et de 0,05% de la valeur ajoutée, des effets qualifiés de "faibles" (lien archivé ici).

Le thème de la fiscalité est régulièrement l'objet de désinformation sur les réseaux sociaux, comme l'AFP a pu le vérifier à plusieurs reprises, par exemple ici, ici ou encore ici.