Non, cette vidéo ne montre pas un ministre israélien et le chef du Mossad s'écharper au sujet de l'Iran

Le 13 juin, Israël a lancé une attaque d'une ampleur sans précédent sur l'Iran, visant des centaines de cibles militaires et nucléaires, avec l'objectif affiché d'empêcher ce pays de se doter de la bombe atomique. En réponse, l'Iran a tiré des missiles sur plusieurs grandes villes d'Israël. Dans ce contexte extrêmement tendu, des publications diffusées dans plusieurs langues prétendent dévoiler la vidéo d'une dispute à ce sujet entre le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, et le chef du service de renseignement israélien, David Barnea. Mais ces images sont anciennes et n'ont aucun lien avec les affrontements actuels entre l'Iran et Israël. Elles ne montrent d'ailleurs pas le chef du Mossad. 

Israël a lancé à partir du 13 juin 2025 des attaques massives sur l'Iran, accusé de vouloir se doter de l'arme atomique. Ce que Téhéran dément, défendant son droit à développer un programme nucléaire civil. L'Iran a répondu à l'offensive israélienne par des tirs de missiles.

Après douze jours d'affrontements, un fragile cessez-le-feu annoncé par le président américain Donald Trump est en place depuis le 24 juin et devrait déboucher selon lui sur "la fin officielle" de la guerre (lien archivé ici).

Quelques jours auparavant, des publications assurant montrer la vidéo d'une dispute entre un ministre et le chef du service de renseignement israélien (Mossad) se sont propagées sur les réseaux sociaux, laissant croire qu'il existe d'importantes dissensions entre les décideurs israéliens.

"Le ministre Ben-Gvir et le chef du Mossad se sont affrontés sur les ruines de Tel-Aviv !", avancent depuis le 19 juin 2025 des publications d'utilisateurs basés entre autres au Burkina Faso ou au Mali, images à l'appui. 

Sur cette vidéo d'une durée de 27 secondes, on aperçoit deux hommes se quereller vivement en hébreu, alors qu'ils sont filmés de nuit par plusieurs caméras et smartphones. 

"Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a réprimandé le chef du Mossad, David Barnea, sous les cendres de la frappe aérienne de Tel-Aviv. La vidéo a fuité en ligne !", prétend encore ce post, publiant la prétendue transcription de l'altercation entre les deux hommes.

D'autres publications, comme celle-ci, identifient correctement les deux hommes, mais sortent tout de même la vidéo de son contexte en proposant une traduction erronée de leurs propos. 

Image
Captures d'écran de publications Facebook, prises le 24 juin 2025 / Croix ajoutées par la rédaction de l'AFP.

Cette rumeur a largement circulé en français mais aussi en slovaque (ici), en espagnol (ici) et en anglais (). 

Cependant, la vidéo que nous vérifions date en réalité de 2022 et n'a donc aucun lien avec les affrontements actuels entre l'Iran et Israël. Par ailleurs, elle ne montre pas le chef du renseignement israélien, mais plutôt l'actuel ministre de la Sécurité nationale et son prédécesseur, dont le titre était en 2022 ministre de la Sécurité publique.

Vidéo de 2022 qui ne montre pas le chef du Mossad

Pour retrouver l'origine de ces images, nous avons effectué une recherche d'image inversée qui nous a conduit à une publication Facebook du média israélien Israel Hayom, diffusée le 27 mars 2022 (lien archivé ici). 

On y retrouve exactement la même vidéo, accompagnée d'une légende décrivant la dispute survenue ce jour-là, sans aucun rapport avec les tensions actuelles entre l'Iran et Israël. 

"Le député Itamar Ben Gvir a interrompu le discours du ministre de la Sécurité publique, Omer Bar Lev, sur le site de l'attentat à Hadera", affirme ainsi la publication en hébreu. 

L'altercation a en effet été documentée par des médias israéliens comme Times of Israel et Israel Hayom (liens archivés ici and ici). A l'époque, les deux hommes se sont retrouvés sur les lieux d'un attentat qui a causé la mort de deux policiers israéliens (lien archivé ici).

De nombreux articles confirment leur identité. Le premier homme est bel et bien Itamar Ben Gvir, l'actuel ministre israélien de la Sécurité nationale (extrême-droite), qui était alors simplement membre du parlement israélien. Le second n'est en revanche pas le chef du renseignement israélien David Barnea. Il s'agit en réalité d'Omer Bar Lev, qui occupait à l'époque - et juste avant M. Ben Gvir - le poste de ministre de la Sécurité publique.

Une vidéo filmée sous un autre angle et montrant les deux protagonistes de plus près a également été mise en ligne par la chaîne de télévision publique israélienne IPBC sur YouTube (lien archivé ici). 

Image
Capture d'écran prise le 24 juin 2025 sur YouTube.

Elle permet de mieux discerner les visages. On y reconnait effectivement à gauche Itamar Ben Gvir, actuel ministre de la Sécurité nationale et chef de file du parti d'extrême droite Otzma Yehudit. A droite, Omer Bar Lev, présenté à tort dans la vidéo virale qui circule fin juin comme le chef des services de renseignement israéliens.

Une comparaison photo permet de se rendre compte qu'il ne s'agit pas en effet de David Barnea, chef du Mossad depuis le 1er juin 2021, même s'ils ont tous deux les cheveux gris et le visage fin. 

Image
Photos du chef du Mossad David Barnea en 2023 (à gauche) et de l'ancien ministre israélien de la Sécurité publique Omer Bar Lev en 2021 (à droite). (GIL COHEN-MAGEN, Emmanuel DUNAND)

Omer Bar Lev, ancien soldat qui a intégré le parlement israélien la Knesset en 2013 et l'a quitté après les élections de 2022, n'a lui jamais occupé ces fonctions au sein du renseignement.

Dispute politique autour d'un attentat de 2022

La dispute entre Itamar Ben Gvir et Omer Bar Lev est donc survenue en mars 2022, soit plus de trois ans avant qu'Israël ne bombarde l'Iran. 

Les deux protagonistes n'y évoquent pas du tout l'Iran. L'altercation porte, comme évoqué par le média Israel Hayom, sur une attaque survenue dans la ville israélienne de Hadera (nord), le jour même de la diffusion de cette vidéo.

Le 27 mars 2022, deux policiers israéliens sont morts et plusieurs personnes ont été blessées dans cette attaque à l'arme automatique revendiquée par l'organisation Etat islamique (EI). Les deux assaillants, deux Arabes israéliens identifiés par le renseignement israélien comme des agents locaux de l'EI, ont été tués par les forces spéciales.

Selon la transcription de leur échange fournie par les médias israéliens, M. Ben Gvir reprochait à M. Bar Lev, beaucoup plus à gauche que lui sur l'échiquier politique, d'évoquer les pratiques colonialistes d'Israël sur le lieu de cet attentat. 

"N'avez-vous pas honte ? Vous parlez de la violence des colons alors que des Juifs sont assassinés", aurait ainsi déclaré selon le site web Srugim.co.il à son prédécesseur (lien archivé ici).

"Vous devriez avoir honte ! Vous êtes le pire des ministres... Ils ont pris la personne la plus à gauche qu'ils pouvaient trouver et l'ont nommée ministre de la Sécurité publique !", aurait-il déclaré, selon Times of Israel. 

Avant que les deux hommes ne soient séparés, Omer Bar Lev lui avait rétorqué : "Non, je n'ai pas honte. Vous devriez avoir honte ! Vous n'êtes rien !". 

"Vague de désinformation"

Aujourd'hui membre du gouvernement, Itamar Ben Gvir fait partie des figures exposées médiatiquement ces derniers jours. Après les frappes de missiles iraniens sur Israël, M. Ben Gvir s'est rendu sur les lieux des attaques et a exprimé un soutien fort aux actions militaires d'Israël, déclarant notamment que le pays était "obligé" de s'en prendre au programme nucléaire de Téhéran, selon le Times of Israel (archive).

Au deuxième jour du cessez-le-feu entre l'Iran et Israël, le porte-parole de l'armée israélienne, le général de brigade Effie Defrin, a assuré qu'Israël avait porté un "coup dur" au programme nucléaire iranien durant les 12 jours de guerre, mais qu'il était "encore tôt pour évaluer les résultats de l'opération". Le président américain Donald Trump a lui affirmé mercredi que le programme nucléaire de l'Iran avait été retardé de plusieurs "décennies" par les frappes américaines et que les sites visés avaient été totalement détruits.

La guerre a fait au moins 627 morts et plus de 4.870 blessés en Iran, selon un bilan officiel qui ne recense que les victimes civiles. Les tirs iraniens sur Israël ont eux fait 28 morts, selon les autorités. 

Depuis le 13 juin, l'AFP a vérifié plus d'une quarantaine d'images fausses, sorties de leur contexte ou bien générées par intelligence artificielle sur le conflit. Ces infox ont été diffusées dans plusieurs langues sur les réseaux sociaux, notamment en françaisanglaisespagnol ou arabe

Certains acteurs de la lutte contre la désinformation, comme l'entreprise américaine BitMindAI, évoquent une "vague de désinformation" particulièrement virulente dans ce conflit, grâce notamment à l'IA. "Ces outils sont exploités pour manipuler la perception du public, souvent en amplifiant des récits trompeurs ou divergents, à une échelle et avec une sophistication sans précédent", estime son fondateur Ken Jon Miyachi. 

ajoute exemple d'autres types de publications qui ne mentionnent pas le chef du Mossad mais partagent également la vidéo hors contexte
26 juin 2025 ajoute exemple d'autres types de publications qui ne mentionnent pas le chef du Mossad mais partagent également la vidéo hors contexte

Vous souhaitez que l'AFP vérifie une information?

Nous contacter