Cette photographie prise le 23 mars 2023 montre différentes boîtes de pilules contraceptives dans une pharmacie, à Colomiers, dans le sud-ouest de la France. (AFP / Valentine CHAPUIS)

Non, la pilule contraceptive n'est pas aussi cancérogène que l'alcool et le tabac

En 2005, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), dépendant de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé la pilule contraceptive parmi les produits cancérogènes du groupe 1, dans lequel sont également classés le tabac et l'alcool. Vingt ans après cette classification, des internautes se sont indignées sur les réseaux sociaux, affirmant que ce classement serait la preuve que les dangers de la pilule seraient comparables à ceux du tabac et de l'alcool. Mais c'est faux : la proportion de cancers liés au tabac et à l'alcool est bien plus élevée que celle liée aux contraceptifs oraux, ont assuré des experts et le CIRC à l'AFP.

"Les filles, c'est trop grave. L'OMS [l'Organisation mondiale de la santé, NDLR] a classé la pilule comme cancérogène GROUPE 1 au même niveau que le tabac ou l'alcool [...] Vous vous rendez compte de la dinguerie ? C'est placé au même niveau cancérigène que l'alcool et le tabac ! Je ne sais même pas pourquoi c'est encore vendu, pourquoi c'est encore donné aux femmes", s'indigne une internaute dans une vidéo publiée sur TikTok le 17 juin 2025. La publication a été partagée près de 60.000 fois et visionnée 1.6 million de fois.

"Vous savez ce qui me rend dingue, moi ? C'est qu'on m'a fait passer pour une folle pendant trois ans à chaque fois que je refusais de prendre la pilule quand on me la prescrivait à chaque fois comme seul traitement contre l'endométriose, pour qu'elle soit aujourd'hui enfin classée cancérigène, plus dangereuse que le tabac ou que l'alcool !", déplore une autre internaute sur la même plateforme.

Des messages similaires circulent également sur TikTok (1, 2, 3), Instagram et X.

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Captures d'écran prises sur TikTok prises le 25/06/2025. Croix rouges ajoutées par l'AFP.

Dans les descriptions et commentaires, des internautes appuient ces affirmations en renvoyant vers un article publié le 7 août 2005 par RFI, ou encore vers ce rapport sur les contraceptifs et traitements combinés œstrogènes-progestatifs du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), publié en 2007 (liens archivés ici et ici).

Si le CIRC, dépendant de l'OMS, a bien classé la pilule contraceptive parmi les produits cancérogènes du groupe 1 en 2005, cela ne veut pas dire que prendre une pilule contraceptive est aussi, voire plus dangereux que consommer du tabac ou de l'alcool. En effet, même si la pilule peut présenter certains risques pour la santé, dont celui de développer certains cancers, cela ne concerne jusqu'à présent qu'un très faible nombre de cas, et cela n'est pas du tout comparable aux effets dévastateurs de la prise d'alcool ou de tabac (lien archivé ici).

Un classement mal interprété

Dans un courriel adressé à l'AFP le 19 juin 2025, le CIRC affirme que son programme de monographies (c'est-à-dire, des études exhaustives et détaillées portant sur un sujet précis) se porte uniquement sur l'identification des dangers liés au cancer et non sur l'évaluation des risques (lien archivé ici).

En outre, l'identification des dangers permet de savoir si une substance peut - ou non - causer un cancer dans certaines circonstances, mais cela ne mesure pas la probabilité qu'un cancer se déclenche effectivement.

"Évidemment que la pilule n'est pas aussi dangereuse que le tabac et l'alcool", a affirmé à l'AFP Philippe Deruelle, professeur de gynécologie et chef du service gynécologie-obstétrique au CHU de Montpellier.

Interrogé par l'AFP le 25 juin 2025, le professeur de gynécologie explique que "le principal risque de la pilule est plutôt métabolique et vasculaire. En termes de fréquence, on est bien entendu très en dessous du risque lié au tabac ou à l'alcool, et encore plus sur la question du cancer".

C'est également ce qu'indique ce rapport publié par le CIRC en 2018, qui expose les risques des cancers liés aux contraceptifs oraux et la part attribuable pour chaque cancer. Le but de cette étude était d'estimer la part et le nombre de nouveaux cas de cancer attribuables à des facteurs de risque liés au mode de vie ou à l'environnement chez les adultes de 30 ans en France métropolitaine en 2015 (lien archivé ici).

Parmi les 346 000 nouveaux cas de cancer diagnostiqués, 142 000 seraient attribuables aux facteurs de risque étudiés, soit 41 % de tous les nouveaux cas de cancer. Le tabac était responsable du plus grand nombre de cas (20 %, soit plus de 68 000 nouveaux cas attribuables au tabagisme). Venaient ensuite l'alcool (8 %), l'alimentation (5,4 %), et le surpoids et l'obésité (5,4 %). Parmi les autres facteurs liés au mode de vie, 0,6 % sont attribuables aux hormones exogènes (contraceptifs oraux et traitement de la ménopause).

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Capture d'écran prise sur le rapport des cancers attribuables au mode de vie et à l'environnement en France métropolitaine, publié par le Centre international de recherche sur le cancer en 2018. Rapport envoyé par l'OMS à l'AFP.

"Vous pourrez constater que la proportion de cancers liés à ces deux facteurs de risque est bien plus élevée que celle liée aux contraceptifs oraux. [...] Ils représentent les 2 premiers facteurs de risques évitables de cancers", a indiqué l'Institut national du cancer (INCa) dans un courriel adressé à l'AFP le 18 juin.

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Captures d'écran de tableaux du rapport publié par le CIRC en 2018, prises aux pages 55 et 62 le 20/06/2025.

Pour Philippe Deruelle, il est "indéniable" que la pilule ait des effets indésirables, "comme pout tout médicament" : "En particulier ça augmente le risque d'AVC, d'infarctus du myocarde et également le risque de troubles métaboliques", précise l'expert.

"Il n'y a jamais de contraception sans risque"

Méthode contraceptive la plus répandue en France, la pilule est la première méthode proposée aux femmes. Il existe deux types de pilules contraceptives : les pilules combinées œstroprogestatives et les pilules micro-progestatives (liens archivés ici).

Les contraceptifs œstroprogestatifs ont été évalués pour la dernière fois en 2008 par le CIRC, qui les a classés dans le Groupe 1, parmi les substances cancérogènes avérées pour l'être humain.

Selon le Volume 100A des Monographies du CIRC - publié en 2012 en anglais - il existe suffisamment de preuves constatées sur l'organisme humain démontrant que les contraceptifs oraux, combinés œstrogènes-progestatifs, peuvent provoquer certains cancers : le cancer du sein, le cancer du col de l'utérus (in situ et invasif), ainsi que le cancer du foie. Toutefois, le rapport souligne que l'usage de ces contraceptifs est associé à une réduction du risque de cancer de l'endomètre, des ovaires et du côlon-rectum (liens archivés ici et ici).

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Capture d'écran d'un tableau du rapport publié par le CIRC en 2018, prise à la page 151 le 20/06/2025.

Quant aux contraceptifs à base de progestatif seul, ils ont été classés au Groupe 2B en 1998 dans le Volume 72 des Monographies du CIRC, ce qui signifie qu'ils sont possiblement cancérogènes pour l'être humain. Cependant, lors d'une réunion récente du groupe consultatif, chargé de définir les priorités du programme des Monographies pour la période 2025-2029, une réévaluation de ces pilules a été proposée (liens archivés ici et ici)

Selon le rapport de cette réunion, consultable en anglais à la référence contraceptive 092 de la page 158 : "Plusieurs études épidémiologiques solides montrent, de manière cohérente, qu'un risque accru de cancer du sein et un risque réduit de cancer de l'ovaire sont liés à l'utilisation de contraceptifs à base de progestatif seul". "Des preuves émergentes montrent une association avec un risque accru de tumeur cérébrale lié à l'utilisation de contraceptifs uniquement à base de progestatif", ajoute le rapport (lien archivé ici).

Selon Philippe Duruelle, "il n'y a jamais de contraception sans risque [...]. Les risques sont divers en fonction de la méthode qu'on choisit. La pilule est un très bon moyen de contraception, mais qui ne convient pas à toutes les femmes".

L'expert rappelle que ce genre d'études sont difficiles à mener car "un individu n'est jamais exposé qu'à une seule chose dans sa vie. Il faudrait pour cela avoir des individus qui soient exposés qu'à la pilule, versus d'autres qui soient exposés à pas de pilule, et puis qui ont plus de ça, et vraiment les mêmes profils d'antécédents".

Bien que les réseaux sociaux soient "une excellente source d'informations", le chef du service gynécologie-obstétrique au CHU de Montpellier signale qu'il est nécessaire de vérifier les compétences et les qualificatifs de la personne qui les transmet : "C'est souvent important, surtout en médecine, d'aller poser les éléments positifs et les éléments négatifs, parce qu'en médecine, jamais rien n'est ni tout noir ni tout blanc".

L'OMS invite le public à consulter une liste de questions réponses ici sur les monographies du CIRC sur l'identification des dangers cancérogènes pour l'être humain (lien archivé ici).

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