Non, la Suède n'a pas annoncé vouloir expulser les personnes naturalisées "qui n'ont pas réussi à s'intégrer"

La Suède a mis en œuvre le 1er avril 2025 une série de réformes législatives visant à renforcer l'efficacité des expulsions des personnes en situation irrégulière sur son territoire. Le gouvernement suédois a annoncé le même jour son intention d'introduire des normes de comportement pour les migrants, sous peine d'expulsion. Plusieurs publications sur les réseaux sociaux affirment depuis qu'il souhaite pouvoir expulser des personnes naturalisées, ayant donc acquis la citoyenneté suédoise, en cas d'intégration jugée insuffisante. Mais il s'agit d'une déformation des annonces gouvernementales, seuls les non-citoyens suédois étant visés par le critère de "conduite honorable" envisagé.

"La Suède a annoncé son intention d'expulser les immigrants qui ont acquis la nationalité suédoise mais qui n'ont pas réussi à s'intégrer dans la société occidentale", peut-on lire dans une publication partagée sur X le 26 avril 2025.

Le post cumule plusieurs centaines de commentaires et plus d'un millier de citations d'internautes dont la plupart répondent à la question posée dans la suite du message : "Êtes-vous d'accord avec la décision de la Suède ?"

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Capture d'écran prise sur X le 2 mai 2025

La photo qui accompagne le message a également été partagée à titre d'illustration dans d'autres publications, sur X et sur TikTok, relayant une affirmation similaire ou identique à celle évoquée précédemment sur la politique migratoire de la Suède.

Mais ces allégations déforment en réalité les récentes annonces du gouvernement suédois, qui a affiché son objectif de faire évoluer la législation du pays en matière d'immigration sans pour autant citer l'intégration comme critère pouvant justifier l'expulsion de personnes naturalisées suédoises. 

Nouvelles "normes de comportement"

Le 1er avril 2025, le gouvernement suédois a annoncé son intention d'introduire des normes de comportement aux migrants sous peine d'expulsion, poursuivant sa série de réformes visant à durcir sa politique migratoire (liens archivés ici et ici).

Ces mesures à l'étude s'appliqueraient à tous les migrants non-citoyens suédois - demandeurs d'asile, étudiants ou travailleurs étrangers et leurs familles - qui pourraient se voir refuser ou retirer leur permis de séjour en cas de non-respect des normes de comportement établies.

"La législation sera plus stricte pour ce groupe de personnes qui ne sont pas des citoyens suédois", a déclaré le ministre suédois des Migrations Johan Forssell.

A noter qu'en Suède, il n'existe pas de distinction légale entre citoyenneté et nationalité, les deux termes désignant le même statut juridique. Les personnes ayant acquis la nationalité suédoise, telles que mentionnées dans la publication X trompeuse, sont de fait des citoyens suédois avec tous les droits et les devoirs que cela implique. 

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Johan Forssell, actuel ministre suédois des Migrations, s'exprimant lors de la réception inaugurale du nouveau consulat général de Suède à San Francisco, le 20 février 2024 (Getty Images North America / Steve Jennings)

Robert Schött, ancien juge en charge de l'examen de cette mesure, propose d'introduire dans la législation suédoise un critère de "conduite honorable" s'appliquant aux migrants, qui engloberait plusieurs comportements jugés incompatibles avec les normes sociales et légales du pays. Outre le fait de commettre un crime ou un délit, Johan Forssell a énuméré la fraude aux prestations sociales, l'endettement, les perturbations à l'ordre public induites par la toxicomanie, ou encore l'apologie du terrorisme ou d'autres agissements qui "menacent la sécurité" de la Suède.

La mesure s'appuie sur les conclusions d'un rapport commandé par le gouvernement suédois et présenté début avril 2025 par Robert Schött (lien archivé ici). Le projet de loi devrait être rédigé après examen du document par des instances de consultation (administratives, ONG, etc.).

L'ONG Civil Rights Defenders a critiqué le futur projet de loi. "Cela porterait atteinte au principe de l'égalité de traitement devant la loi et constituerait une évolution extrêmement regrettable pour la Suède", a déploré John Stauffer, responsable des questions juridiques au sein de l'ONG. 

Durcissement de la politique migratoire

Après l'afflux massif de demandeurs d'asile en Suède en 2015, les gouvernements suédois successifs de gauche et de droite ont renforcé les règles en matière d'asile (lien archivé ici). En 2024, le pays a accordé le plus faible nombre de permis de séjour aux demandeurs d'asile et à leurs proches jamais enregistré (lien archivé ici).

Soutenu au Parlement par les Démocrates de Suède, parti d'extrême droite anti-immigration, le gouvernement actuel a introduit des restrictions de plus en plus sévères depuis son arrivée au pouvoir en 2022.

Les dernières en date sont une série de réformes législatives visant à renforcer l'efficacité des expulsions des personnes en situation irrégulière, entrées en vigueur le 1er avril 2025 (lien archivé ici). Parmi elles : le délai de prescription légal (durée de validité) des décisions de rejet de demande d'asile et d'expulsion passe de quatre à cinq ans, à compter du jour où les personnes concernées quittent la Suède.

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Capture d'écran des Chiffres clés de l’immigration et de l’émigration en Suède prise le 30 avril sur le site internet de l'OCDE

Le gouvernement suédois avait déjà annoncé en janvier 2025 vouloir durcir l'obtention de la citoyenneté en la conditionnant à une "conduite honorable" et à une durée de séjour plus longue (lien archivé ici).

A partir de juin 2026, un étranger voulant devenir suédois devrait avoir vécu huit ans en Suède - contre cinq ans actuellement -, passé un test de connaissances de la société et des valeurs suédoises et réussi un examen de langue, ont notamment plaidé des experts mandatés par le gouvernement de centre droit d'Ulf Kristersson.

Une commission parlementaire multipartite avait également présenté une proposition de révocation de la citoyenneté pour les personnes ayant une double nationalité et ayant obtenu la nationalité suédoise par des moyens frauduleux ou qui constituent une menace pour l'Etat (lien archivé ici).

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