Non, Donald Trump n’a pas modifié de loi sur le partage des biens en cas de divorce

Depuis le 20 janvier 2025, Donald Trump a entamé son second mandat en tant que président des États-Unis. Quelques heures après son investiture seulement, le président républicain signait déjà ses premiers décrets présidentiels. Des internautes affirment dans des publications virales qu’il a modifié ou s'apprête à modifier la loi sur le divorce afin de supprimer le partage des biens à 50%, qui favoriserait selon eux les femmes. Mais c’est faux : aucun texte en ce sens ne figure dans la liste officielle des décrets signés par Donald Trump depuis son investiture. Il n’a pas non plus évoqué récemment de réforme du mariage ou du divorce, a assuré le rédacteur en chef de l'AFP pour l'Amérique du Nord. De plus, il serait difficile pour le président de changer ces lois qui ne sont pas régies au niveau fédéral mais à celui des États, a indiqué un expert à l’AFP.  

"Mariage et divorce : Trump met fin à la 'fortune facile' après séparation. Donald Trump modifie la loi sur le divorce : fin du partage des biens à 50%", affirme un internaute sur X le 23 janvier 2025, soit trois jours après l'investiture du nouveau président.

 "Le président américain Donald Trump a annoncé une réforme radicale de la loi sur le divorce, qu’il juge défavorable aux hommes. Selon lui, le divorce est devenu un business lucratif pour certaines femmes aux États-Unis", ajoute-t-il dans sa publication, partagée plus de 2.000 fois. 

Cette affirmation est devenue virale sur les réseaux sociaux, partagée des milliers de fois en quelques publications sur Facebook, X et Instagram (1,2,3,4,5, 6, 7)

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Captures d'écran réalisées sur Facebook le vendredi 7 février 2025

Certaines de ces publications sont accompagnées de supposées citations de Donald Trump sur le divorce : "Ce n'est pas parce que quelqu'un épouse quelqu'un qui a construit quelque chose d'énorme (...) qu'il devrait finir comme la reine de Sabaen cas de divorce.

"Le divorce est devenu un business très lucratif pour les femmes aux États-Unis et je vais y mettre fin”, aurait-il déclaré, les internautes invoquant ces propos comme preuves qu’une réforme serait en cours. 

Le double divorcé Donald Trump, qui a versé 14 millions de dollars à sa première épouse Ivana Trump lors de leur divorce en 1992 puis seulement un million en 1999 à sa deuxième épouse Marla Maples grâce à un contrat de mariage plus protecteur, tient régulièrement des discours attaquant les femmes et leurs droits.

Pour autant, le président n’a pas évoqué dernièrement de réforme du divorce, ni signé de décret en ce sens.

Pas de décret

L'ensemble des décrets ratifiés par Trump depuis son retour au pouvoir est disponible sur le site de la Maison Blanche (site en anglais). AFP Factuel a parcouru tous les décrets et aucun ne concerne ni le mariage ni le divorce. Trump n’a donc pas modifié la loi sur les divorces depuis le 20 janvier 2025. 

Mais a-t-il annoncé qu’il le ferait ? Une recherche sur internet avec les mots clefs “divorce”, “loi” ou “décret”, et “Trump”, ou leurs équivalents en anglais, ne conduit à aucun article sur le sujet issu de média traditionnel, alors que l’annonce d’une telle réforme aurait forcément été couverte.

Pour savoir si le président a tout de même récemment évoqué le sujet, AFP Factuel a joint le rédacteur en chef de l'AFP chargé de l'Amérique du Nord, Giles Hewitt, qui suit de près toute l'actualité américaine et les déclarations du président. Il a assuré que Donald Trump "n'avait mentionné la question d'une réforme du mariage ou du divorce dans aucun de ses discours récents". 

En revanche, le vice-président de Trump, JD Vance, s’était lui positionné avant l'élection en faveur de la suppression du divorce par consentement mutuel,  mais cette idée largement impopulaire n’a pas été de nouveau évoquée depuis l’investiture.

Des propos datant de 1994

Mais alors, d’où viennent les citations brandies comme preuves dans les publications annonçant le supposé changement de loi ? 

Pour retrouver l’origine de ces propos, nous essayons une recherche sur Google avec un passage précis de cette citation et le nom de Donald Trump. Ici nous avons choisi “reine de Saba” (traduit en anglais “queen of sheba”), une expression assez rare pour qu’elle ne soit pas utilisée dans de nombreux discours.

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Capture d'écran réalisée sur le moteur de recherche Google, le 7 février 2025

On retombe rapidement sur plusieurs vidéos d’une interview d’un Donald Trump beaucoup plus jeune, aux cheveux encore bruns, qui prononce effectivement les mêmes mots en anglais que ceux repris dans les publications virales. Certaines de ces vidéos mentionnent “1994” en légende. 

Quand on combine le nom du président américain suivit de “1994” et “divorce”, on retrouve sur la chaîne Youtube d’ABC News la vidéo originale. Le président, accompagné de sa femme de l’époque Marla Maples, donne une longue interview de 11 minutes à l’émission “Primetime Live”, précise la légende. Le passage qui nous intéresse est disponible à partir de la 4ème minute.  

On y retrouve les mêmes propos que dans les publications virales. Mais si Donald Trump a bien tenu ces propos, ils datent d’il y a plus de 30 ans et n’indiquent donc pas de réforme imminente.

Lors de son premier mandat, le milliardaire américain ne s’est d’ailleurs pas attaqué à une réforme d’ampleur du divorce, malgré quelques ajustements (comme les changements sur la fiscalité de la pension alimentaire des époux, survenus avec l’adoption en 2017 d'une plus large réforme fiscale, la “Tax Cuts and Job Act”).

Une loi difficile à réformer au niveau fédéral

Donald Trump n’a donc passé aucun décret modifiant les lois sur le divorce, ni avancé qu’il avait, pour le moment, l’intention de le faire. Et s’il venait finalement à se saisir du sujet, il serait difficile pour le président de modifier à sa guise la loi en la matière, a expliqué à l’AFP Scott Altman, professeur en droit de la famille à l’université de Californie du Sud.

Le droit de la famille, y compris les règles relatives au divorce, est presque entièrement adopté au niveau des Etats”, et non pas au niveau fédéral, où peut agir le président, a-t-il exposé. 

Chaque Etat décide donc lui-même de la législation en la matière et “le président n'a pas le pouvoir d'agir seul pour modifier le droit de la famille d'un État”, affirme-t-il.

Il est déjà arrivé que le gouvernement essaye de forcer des Etats à adopter un texte en menaçant de couper certaines subventions fédérales, comme lorsque l’administration Clinton a poussé en 1996 les Etats à renforcer leurs lois encadrant le recouvrement des pensions alimentaires.

Mais,  précise M. Altman, cela nécessiterait l'appui du Congrès ainsi qu'"une nouvelle législation" complète, et ne pourrait être réglé aussi rapidement qu'avec un simple décret.

Depuis son retour au pouvoir, le 47e président des Etats-Unis s’est déjà attaqué aux droits des femmes transgenres et des femmes en général. Il a en particulier pris une série de mesures anti-avortement (dépêche AFP archivée ici) et demandé à son futur ministre de la Santé Robert F. Kennedy de réévaluer la sûreté d’une pilule abortive (dépêche AFP archivée ici).

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