Non, les Maldives ne sont pas épargnées par les conséquences du réchauffement climatique
- Publié le 02 juillet 2024 à 17:57
- Lecture : 6 min
- Par : Manon JACOB, AFP Etats-Unis, AFP France
- Traduction et adaptation : Océane CAILLAT
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"En 1988, les experts prédisaient que l'élévation du niveau de la mer anéantirait les Maldives d'ici 30 ans. En 36 ans les îles se sont agrandies et n’ont pas été englouties par la montée des mer" prétend sur X l'association des Climato-Réalistes.
Une affirmation qui a fait l'objet de plusieurs publications par cette association sur X ces derniers mois et dont certaines ont été partagées par des centaines d'utilisateurs. Ces messages remettent en cause la hausse accélérée du niveau des mers liée au réchauffement climatique, pourtant avérée par les scientifiques.
Des publications similaires ont aussi circulé en anglais et en espagnol , et ce depuis plusieurs années comme ici et ici.
Sur le compte l’association des Climato-Réalistes est relayé une authentique dépêche de l'AFP de 1988 (archivée ici). Nous avons aussi retrouvé sa version française dans nos archives.
Dans celle-ci, les autorités maldiviennes auraient qualifié une "augmentation de 20 à 30 centimètres au cours des 20 à 40 prochaines années" comme "catastrophique" pour l'archipel.
"Ce que les autorités ont apparemment dit, c’est que SI le niveau de la mer s’élève de 20 à 30 centimètres, ce serait catastrophique" a déclaré Jayantah Obeysekera, directeur du Sea Level Solutions Center de l’Université internationale de Floride, le 21 juin 2024. En effet, la dépêche ne précise pas que la déclaration du gouvernement maldivien était basée sur des projections climatiques (archivées ici).
Pourtant une étude publiée sur le site de l'Université nationale des Maldives et des observations par satellite attestent de l'érosion côtière de l'archipel (archivé ici) et de la montée des eaux (archivé ici), toutes les deux conséquences de l'activité humaine depuis des années.
Montée des eaux
"Les Maldives font partie des lieux les plus vulnérables face à la montée des eaux", a confirmé Jayantah Obeysekera. Près de 80 % du territoire maldivien est à moins d'un mètre au-dessus du niveau de la mer (archivé ici).
Selon les données de l’agence américaine d'observation océanique et atmosphérique, le niveau de la mer aux Maldives a augmenté en moyenne de 3,39 millimètres chaque année entre 1987 et 2018 (archivé ici).
Dans un rapport de 2021 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), il est indiqué que le taux moyen d'élévation du niveau de la mer est passé de 1,3 millimètre sur la période 1901-1971 à 1,9 millimètre entre 1971 et 2006. Puis de 2006 à 2018, ce taux a atteint 3,7 millimètres par an (archivé ici).
"Le niveau mondial de la mer a augmenté plus rapidement depuis 1900 qu'au cours de n’importe quel des trois derniers siècles", détaille le rapport ajoutant qu’il est "extrêmement probable" que les émissions d’origine humaine en soient responsables.
"La hausse du niveau de la mer avec l'érosion enlève du sable de la zone côtière. Cela entraîne une perte de superficie terrestre dans certaines îles" des Maldives, a confirmé le géoscientifique Or Bialik de l'Université Ben Gourion du Néguev en Israël (archivé ici), le 26 juin.
"Il est certain que la nation insulaire craint de voir son territoire se réduire" assure Jayantah Obeysekera.
Superficies réduites
Selon Virginie Duvat, professeure de géographie côtière à La Rochelle Université et autrice du chapitre "Petites Iles" d’un rapport du GIEC (archivé ici), ces risques subsistent.
"A ce jour, les îles qui se sont érodées et dont la superficie a diminué sont de très petits îlots - cette découverte est conforme à ce qui s’est passé dans d'autres atolls lors des dernières décennies", a-t-elle indiqué à l'AFP le 27 juin.
Elle a ajouté que ces îles "sont de plus en plus exposées aux inondations" en raison du changement climatique entraîné par l'activité humaine.
Face à ces risques, le gouvernement maldivien, avec l'aide de chercheurs et de scientifiques locaux, a travaillé sur des plans d’urgence et de résilience (archivés ici) pour atténuer les effets du changement climatique, y compris la construction d'îles artificielles telles que Hulhumalé, au nord est de la capitale (archivés ici et ici).
Une partie de l'expansion des terres est donc artificielle et non organique, contrairement à ce qui est suggéré par ces messages et les niveaux d’eau des rivages locaux fluctuent aussi (archivé ici) en fonction de facteurs comme les vagues et les marées.
"Cela est particulièrement vrai aux Maldives où la dynamique insulaire est dépendante" de la mousson (archivé ici), a précisé Virginie Duvat.
"Le point de bascule"
Des études scientifiques ont démontré que la plupart des îles atolls risquent de devenir inhabitables d'ici le milieu du siècle à cause des inondations qui ont des répercussions sur les infrastructures et la disponibilité de l’eau douce (archivé ici et ici).
La chercheuse Virginie Duvat a démontré dans une étude de 2019 (archivée ici) qu'en une décennie, le changement insulaire aux Maldives a été rapide et "principalement influencé par des facteurs anthropologiques" ou l’influence de l'activité humaine sur la nature.
"La majorité des îles habitées et exploitées ont à présent une capacité altérée, voire anéantie, pour répondre aux pressions océaniques et climatiques" a-t-elle ajouté.
"Cela signifie qu'un point de basculement a été franchi sur de nombreuses îles qui ne peuvent plus s'adapter naturellement à la montée du niveau de la mer par accrétion verticale." Il s’agit d’un phénomène où l’accumulation des sédiments permet un soulèvement naturel des terres (archivé ici).
L'AFP a déjà réfuté des affirmations fausses ou trompeuses sur la hausse du niveau de la mer, ici et ici.