Cette vidéo montrant une femme jeter le drapeau LGBT aux Etats-Unis est fictive

La rhétorique anti-LGBT+ s'intensifie aux Etats-Unis et cette communauté est très régulièrement ciblée par la désinformation, parfois relayée par des figures du parti républicains. Depuis la mi-septembre, une vidéo montrant une femme entrer dans une salle de classe aux Etats-Unis pour jeter le drapeau arc-en-ciel de la communauté LGBT dans une poubelle en s'en prenant verbalement à l'enseignante, circule sur les réseaux sociaux. La vidéo a suscité la réaction de nombreux internautes croyant voir une scène réelle. Mais cette vidéo est une fiction. Elle fait partie d'une série de vidéos comiques scénarisées, destinées à aborder des sujets sociétaux.

Une vidéo où l'on voit une femme faire irruption dans une salle de classe aux Etats-Unis pour arracher le drapeau LGBT du mur avant de le jeter à la poubelle circule sur les réseaux sociaux depuis la mi-septembre. Prenant à partie l'enseignante, elle s'écrie en anglais: "Je ne paie pas mes impôts pour financer cela. Pourquoi avez-vous accroché cela ? [...] Nous vous payons pour enseigner l'Histoire et c'est ce que vous devez enseigner. [...] J'apprends à mon fils à devenir un homme et je ne veux pas que vous accrochiez ce drapeau", après avoir arraché le drapeau arc-en-ciel et jeté dans une poubelle.

"Bravo à cette maman courageuse", écrit un internaute en publiant la vidéo sur Facebook le 20 septembre, cumulant un millier de commentaires et partagée au moins 9.000 fois. D'autres internautes ont également posté la vidéo sur Facebook comme ici ou encore ici le 19 septembre.

Sur X (anciennement Twitter) aussi, la vidéo a été postée ici , le 18 septembre ou encore ici le 17 septembre. Des internautes ont aussi repris la vidéo sur TikTok, postée le 18 septembre ici , ici ou ici le 19 septembre.

La vidéo a également atteint Instagram, où elle a été postée notamment le 18 septembre. Cette publication a cumulé plus de 4.000 personnes "likes" et près de 1.500 internautes l'ont partagée. Le compte ayant posté la vidéo l'a également diffusée sur YouTube le 18 septembre. On la retrouve aussi sur Telegram le 19 septembre.

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Capture d'écran de Telegram faite le 21 septembre 2023

Aux Etats-Unis, la vidéo a même été relayée par Megyn Kelly, ancienne journaliste de la chaîne Fox News et connue pour avoir relayé des théories complotistes. "Les parents en ont assez des programmes de travail imposés en classe", affirme-t-elle dans un tweet en anglais.

Marjorie Taylor Greene, élue républicaine de l'Etat de Géorgie, connue pour son soutien au groupuscule complotiste Qanon aux Etats-Unis, a également partagé dans une publication en anglais : "QUE DIEU BÉNISSE CETTE MAMAN !!!!! Je suis d'accord avec elle ! Les enseignants sont payés par les contribuables - les PARENTS ! !! Sortez la propagande LGBTQ des écoles !", a-t-elle écrit. Toutes deux avaient auparavant diffusé des informations erronées, démystifiées par l'AFP.

La communauté LGBT+ est très ciblée par la désinformation, notamment aux Etats-Unis, comme expliqué dans cette dépêche de l'AFP (archive).

Mais comme nous allons le voir, cette vidéo est fictive.

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Capture d'écran prise sur Facebookle 21 septembre 2023

 

Vidéo fictive

Une recherche sur TikTok à l'aide des mots clés anglais suivants: #school #teacher #viralvideo #class et #student permet de retrouver plusieurs vidéos filmées dans le même décor de salle de classe, comme sur ce compte (archive ici). On y découvre plusieurs vidéos, qui mettent en scène la même femme que dans la vidéo que nous examinons, comme par exemple celle-ci, (archive ici).

Dans ces vidéos, la femme aborde des sujets n'ayant rien avoir avec le drapeau LGBT. Dans l'une d'elle (archive ici), elle tient le rôle d'une enseignante et remet en question la tenue vestimentaire d'une élève. Dans une autre, (archive ici) elle débat avec un élève sur le pronom personnel qu'elle a utilisé.

Elle semble donc changer de rôle régulièrement, les vidéos abordant différents sujets de société.

Pour retrouver l'origine de la vidéo que nous examinons - où une femme est censée jeter un drapeau LGBT- une recherche d'image inversée grâce à InVid-WeVerify nous a permis de tomber sur un compte Facebook (archive ici) appartenant à un certain "Jibrizy". On y retrouve en effet la vidéo (archive ici), publiée le 16 septembre 2023.

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Capture d'écran prise sur Facebook le 21 septembre 2023

Sur la description de la page Facebook, on peut lire (en anglais): "Je suis un réalisateur qui fait des vidéos réalistes sur des sujets de société". En outre, la page se décrit comme une page de "comédie".

Dans les dernières publications de la page, on découvre une vidéo (archive ici) postée le 21 septembre, où une femme entre dans une salle au décor d'église, où figurent des croix chrétiennes sur un mur en arrière-plan. Deux femmes sont devant un prêtre, l'une en tenue de mariée et l'autre en costume. "N'avez vous pas lu la Bible ? Ceci est dégoutant", crie la femme en anglais après avoir arraché un drapeau LGBT du mur avant de le piétiner.

Plus bas sur la page, on trouve une photo montrant celui qui se présente comme le propriétaire de la page Facebook, Jibrizy. Il pose à côté de la femme visible dans la vidéo que nous examinons. Dans la légende, l'auteur écrit: "Je suis Jibrizy, le réalisateur de ces vidéos virales !".

Enfin, en regardant la vidéo dans son intégralité sur la page de l'auteur, on voit d'ailleurs, vers la sixième minute et trentième seconde, apparaître ce dernier avec la femme présente dans la vidéo, à sa gauche face à la caméra. "Tout ceci n'est qu'un sketch", affirme-t-il en anglais. "

En légende, l'auteur de la publication écrit en anglais: "Maman déchire le drapeau de la fierté", pouvant laisser penser aux internautes qu'il s'agit d'une véritable scène.

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Capture d'écran prise sur Facebook le 21septembre 2023

En examinant les commentaires sous des publications sur TikTok, l'AFP est aussi parvenue à remonter sur une page Facebook appelée "Kenyon's Friends."

Les informations de la page indiquent qu'elle a été créée en 2019 et qu'elle s'appelait "The Trump Show". Elle comporte encore une série de sketchs de John Di Domenico ,(archive ici), un comique américain, connu pour imiter et parodier l'ancien président des Etats-Unis, Donald Trump.

Là encore des vidéos similaires réalisées dans la salle de classe avec la même femme sont régulièrement publiées (archive ici).

La légende d'un sketch publié en août 2022 (archive ici) indique : "Veuillez noter que les vidéos de cette page sont destinées à des fins de divertissement uniquement. Les vidéos de cette page comprennent des drames scénarisés, des satires, des parodies, des tours de magie, des vidéos préenregistrées et d'autres formes de divertissement."

Le message se poursuit : "Les noms, les personnages et les incidents sont souvent le fruit de l'imagination du réalisateur, de sorte que toute ressemblance avec des personnes ou des événements réels n'est que pure coïncidence."

Aux Etats-Unis les fausses informations sur la communauté LGBT circulent régulièrement sur les réseaux sociaux. En juin 2023, une image truquée faisait croire qu'un adulte participant à la marche des Fiertés en Californie, portait un tee-shirt avec le visage de Desmond, 16 ans, et une inscription préoccupante: "Les enfants transgenres sont sexy".

Cette image retouchée qui avait circulé sur les réseaux sociaux avait provoqué un déluge de commentaires haineux accusant l'homme de "pédophilie" et se faisant l'écho d'une théorie du complot d'extrême droite selon laquelle des membres de la communauté LGBT+ manipuleraient psychologiquement les enfants en vue de les abuser sexuellement.

En 2022, en analysant les données recensées par les associations de défense des droits humains, la chaîne américaine NBC News (lien archivé ici) avait déterminé que 238 projets de loi LGBTphobes avaient été déposés aux États-Unis depuis le 1er janvier 2022, soit plus de trois par jour.

La même année, les projets de loi limitant les discussions sur l'homosexualité ou la transidentité avec les enfants s'étaient multipliées aux Etats-Unis, relançant la guerre culturelle qui fracture le pays, où la rhétorique anti-LGBT+ s'intensifie.

Elle comprend, au-delà des fausses allégations de "pédophilie", une avalanche de lois contre les personnes transgenres portées par des élus conservateurs et des boycotts ciblés de marques, comme celui des supermarchés Target, qui ont soutenu les causes LGBT+.

L'AFP a démystifié, à plusieurs reprises, de fausses informations au sujet de cette communauté ici.

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