Cette vidéo de l'arrivée de Poutine en Afrique du Sud date de 2018
Alors que Vladimir Poutine est sous le coup d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), des publications cumulant près de 4000 partages sur Facebook depuis fin mars affirment, vidéo à l’appui, que le président russe vient d'arriver en Afrique du Sud. Les images le montrent aller saluer des officiels à sa descente d'avion sur le tarmac d'un aéroport. Attention, il s’agit d’un message trompeur : la vidéo qui l’accompagne remonte à juillet 2018, lorsque s'était tenu à Johannesburg le 10ème sommet des Brics, le groupe des grands pays émergents dont fait partie la Russie.
L’auteur d'un post (archivé ici) publié le 26 mars 2023 sur Facebook annonce, péremptoire, l’"arrivée de Poutine" en "Afrique du Sud". Le reportage télévisé de 3’06” qui l’accompagne a été vu près de 450.000 fois depuis sa diffusion. Dès l'entame, la voix off de la vidéo annonce en anglais, l’arrivée de Vladimir Poutine sur le sol sud-africain. On l’aperçoit effectivement, saluant des personnalités en costume à sa descente d'avion.

Le message viral, diffusé par un internaute congolais, a suscité une déferlante de commentaires pro-Poutine. Certains lui souhaitent une bonne arrivée en Afrique, d’autres défient quiconque de l’arrêter, faisant visiblement allusion au mandat d’arrêt (dépêche AFP archivée ici) émis par la Cour pénale internationale (CPI) contre le président russe le 17 mars.
Selon la CPI, ce mandat d'arrêt vise à établir la responsabilité de Vladimir Poutine dans des crimes de guerre perpétrés en Ukraine depuis l'invasion russe.
M. Poutine "est présumé responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d'Ukraine vers la Fédération de Russie", a précisé la cour dans un communiqué.
Par ailleurs, cette rumeur sur l’arrivée de Poutine en Afrique du sud survient alors que ce pays s’apprête justement à abriter en août le 15ème sommet des Brics regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, et l'Afrique du Sud.
Sur une vidéo virale sur TikTok et diffusée ensuite sur Facebook (archivée ici), un internaute utilise d’ailleurs le reportage censé montrer l'actuelle visite de Vladimir Poutine à Johannesburg pour défier la CPI, d’un ton moqueur: "Poutine est maintenant là en Afrique du Sud. Allez maintenant l’arrêter (sic). Allez-y. Allez-y".
Mais la séquence montrant le président russe à sa descente d'avion n’est pas du tout récente.
Il s’agit certes, d’un vrai reportage produit par la chaîne de télévision publique sud-africaine SABC, mais le bandeau "arrivée en Afrique du Sud pour le 10e sommet des Brics" en bas de l'écran indique bien qu’il est ancien. Le 10ème sommet des Brics a eu lieu en 2018 en Afrique du Sud. Il s'est précisément tenu dans le quartier d'affaires chic de Sandton à Johannesburg. Poutine avait participé à cette rencontre avec les dirigeants des autres États membres du groupe.

On retrouve facilement le reportage original du média d'Etat sud-africain SABC sur sa chaîne YouTube après une recherche sur Google avec le nom de ce média et le titre inscrit, en anglais, sur la vidéo virale "SABC News president Putin arrives in SA". Il a été diffusée le 26 juillet 2018.
Le dernier sommet des Brics s'est tenu virtuellement le 23 juin 2022, lorsque Poutine a appelé (dépêche archivée ici) ses partenaires à coopérer face aux «actions égoïstes» des pays occidentaux, sur fond de sanctions sans précédent contre Moscou en raison du conflit ukrainien.
Comme l'explique la vidéo de l'AFP ci-dessous, l'acronyme BRIC a été inventé en 2001 par l'économiste britannique Jim O'Neill pour désigner les économies émergentes du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine. Leur premier sommet a eu lieu en Russie en 2009 en réponse à la crise financière. L'Afrique du Sud a rejoint le groupe en 2010 et celui-ci est maintenant connu sous le nom de Brics. Ces cinq pays représentent plus de 40% de la population mondiale et près d'un quart du PIB de la planète.
Des liens étroits entre Pretoria et Moscou
M. Poutine a été convié au sommet des Brics prévu en août même si ce mandat d'arrêt "est évidemment un sujet de préoccupation", a déclaré fin mars à la presse la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor.
L'Afrique du Sud est membre de la CPI et a obligation d'exécuter le mandat d'arrêt au cas où M. Poutine entrerait sur son territoire. Selon Mme Pandor, le gouvernement doit encore se réunir pour "décider de la meilleure façon d'agir".
Le 1er avril, le Congrès national africain (ANC) au pouvoir en Afrique du Sud a annoncé avoir envoyé des hauts représentants en Russie pour une "visite de travail" de 48 heures avec le parti Russie unie du président Vladimir Poutine, incluant "des discussions sur un réajustement de l'ordre mondial", a rapporté une dépêche de l’AFP (archivée ici).
"Cette visite répond à une invitation du parti Russie unie, plus grand parti politique russe, allié et ami de longue date de l'ANC", a déclaré le parti sud-africain dans un communiqué.
Elle "inclut des discussions sur un réajustement de l'ordre mondial afin d'inverser les conséquences du néocolonialisme et du monde unipolaire qui prévalait auparavant", a-t-il précisé.
L'Afrique du Sud est critiquée depuis le début de la guerre en Ukraine pour sa proximité avec Moscou. Pretoria affirme respecter une position "neutre" et refuse de se joindre aux appels occidentaux à condamner la Russie, expliquant vouloir favoriser le dialogue.
Le pays d'Afrique australe a par ailleurs accueilli en février des exercices navals avec la Russie et la Chine au large de ses côtes, suscitant l'"inquiétude" sur la scène internationale.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s'est rendu en visite officielle à Pretoria en janvier. Les liens entre l'Afrique du Sud et la Russie remontent à l'époque de l'apartheid, le Kremlin ayant apporté son soutien à l'ANC dans la lutte contre le régime raciste.