Emmanuel Macron lors de son premier débat de campagne, lundi 7 mars à Poissy (Yvelines) ( AFP / Ludovic MARIN)

Trois fois plus de femmes à l'Assemblée depuis 2017 ? La grosse exagération d'Emmanuel Macron

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  • Publié le 08 mars 2022 à 16:03
  • Lecture : 6 min
  • Par : AFP France,
Le nombre de femmes élues à l'Assemblée nationale serait passé de 11% à 38% durant le mandat d'Emmanuel Macron, à en croire le président de la République, interrogé lundi 7 mars sur LCI. Si la présence féminine y a établi un nouveau record en 2017, en réalité le Palais-Bourbon comprenait déjà plus d'un quart de députées avant son arrivée au pouvoir. Le chef de l'Etat, qui entend faire de l'égalité femmes-hommes "à nouveau la grande cause" d'un second quinquennat, était interrogé sur l'absence remarquée de parité au sein de sa garde rapprochée, particulièrement à l'Elysée.

L'égalité femmes-hommes a-t-elle progressé dans la vie politique française depuis l'élection d'Emmanuel Macron ? C'est la question qui a été posée au président de la République par une lectrice d'Elle, lors d'un entretien diffusé lundi 7 mars sur LCI.

"Vous avez fait la parité au sein du gouvernement, vous avez fait la parité à l'Assemblée nationale, mais on a quand même toujours cette impression, que ce soit votre garde rapprochée, que ce soit tout ce qui touche au pouvoir, il n'y a pas de figure féminine emblématique. On a vraiment cette impression de boy's club. Est-ce que c'est une parité de façade ?", a demandé sans ambages Anne-Laure, cheffe d'entreprise, à Emmanuel Macron.

"D'abord, merci de le rappeler, quand j'ai été élu on avait 17%... 11% de femmes à l'Assemblée, on est à plus de 38% parce qu'il y a un groupe majoritaire qui est paritaire", a répondu le chef de l'Etat.

"Donc, un, moi je ne fais pas de la façade. J'ai investi des femmes pour devenir députées de la République, j'ai investi des femmes dans des endroits où on pouvait gagner. Aucune autre formation politique --et elles vivent depuis beaucoup plus longtemps que nous-- ne l'a fait", a ajouté le président.

L'un des chiffres d'Emmanuel Macron est inexact: avant son élection en 2017, c'est-à-dire sous la précédente législature et durant le quinquennat de François Hollande, il y avait 155 femmes élues à l'Assemblée nationale. Soit non pas 17% ni 11% mais près de 27%.

L'ordre de grandeur évoqué par le président renverrait plutôt vingt ans en arrière: en 1997 et en 2002, 73 et 77 femmes, soit environ 12% de la représentation nationale, avaient accédé au Palais-Bourbon.

Ce nombre a depuis augmenté de manière régulière: 116 en 2007, 155 en 2012, pour atteindre le record de 224 députées élues en 2017, soit près de 39% de l'Assemblée.

En 2017, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) avait d'ailleurs salué une progression "sans précédent", rendue possible par "l'effet conjugué des contraintes": "l'objectif affiché de parité de la part du parti de la majorité présidentielle", La République en marche d'Emmanuel Macron, arrivé en tête des législatives, mais aussi l'entrée en application de deux lois adoptées durant le quinquennat de François Hollande: le doublement des pénalités financières pour les partis ne respectant pas la parité des candidatures, et la limitation drastique du cumul des mandats pour les parlementaires.

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Statistiques sur les femmes élues députées depuis le début de la Ve République

Avant M. Macron, le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand avait usé du même argument, dimanche 6 mars sur France 3. "Qui a fait en sorte que les femmes notamment soient aussi massivement représentées à l'Assemblée nationale, alors qu'elles ne l'étaient presque pas ? C'est bien le groupe majoritaire, qui est quasi-paritaire".

En réalité, sous la précédente législature, le groupe socialiste dans lequel siégeait M. Ferrand comprenait 280 députés... dont 104 femmes. Soit 37% du groupe.

L'autre argument du chef de l'Etat selon lequel "aucun autre parti" n'a réalisé cet effort est également à relativiser. Selon des données de 2017 du ministère de l'Intérieur, La République en marche a investi 50,3% de candidates, le RN (ex-FN) 49,2%, la France insoumise 47,5% le PS, 44,2%. Les Républicains (38,9%) et l'UDI (39,2%) se situant en retrait.

A l'Assemblée, comme le groupe du parti présidentiel (130 députées et apparentées sur 267), le groupe socialiste est paritaire: 14 députées et apparentées sur 28.

Emmanuel Macron a en revanche nié l'"impression de boy's club" dans les premiers cercles du pouvoir pointée par son interlocutrice. "Mais c'est faux !", a-t-il rétorqué à la journaliste Ruth Elkrieff qui le relançait, évoquant un "gouvernement paritaire, mais aussi aux fonctions-clés" en citant nommément Florence Parly, "une femme ministre de la Défense."

Les cabinets ministériels "essaient d'être paritaires, ils ne sont pas totalement paritaires, c'est tout à fait vrai", a ensuite admis le président. "Moi-même, j'ai un cabinet à l'Elysée qui n'est pas tout à fait paritaire, même si on a veillé à améliorer les choses".

L'actuel cabinet du chef de l'Etat, dont la composition figure sur le site de l'Elysée, ne comprend qu'une seule femme: Cécile Geneste, cheffe adjointe de cabinet, pour douze hommes.

Comme, du reste, au début du quinquennat: le premier cabinet de la présidence Macron, publié au Journal officiel en septembre 2017, ne comprenait également qu'une femme, l'ex-secrétaire générale adjointe Anne de Bayser.

Un déséquilibre sur lequel Elisabeth Moreno, la ministre déléguée à l'Egalité entre les Femmes et les Hommes, avait été interrogée en mars 2021. "Ben oui... Si on prêche quelque chose d'aussi important, il faut donner l'exemple. Et nous en avons discuté. (...) Je lui ai dit: +monsieur le président, vous ne donnez pas l'exemple+", avait répondu la ministre.

A noter, par ailleurs, que la liste actuelle des conseillers de la présidence, le deuxième cercle élyséen autour du chef de l'Etat, comprend 18 femmes pour 23 hommes.

Lundi, M. Macron a évoqué un "gouvernement paritaire". Ce qui, pour le coup, est plus qu'exact. L'équipe dirigée par Jean Castex comprend actuellement vingt femmes pour 39 membres, Premier ministre compris.

Dans le détail, le gouvernement comprend sept femmes sur dix-sept ministres de plein exercice. Dont Florence Parly, citée par le chef de l'Etat. Elle est la troisième femme à diriger le ministère de la Défense après Michèle Alliot-Marie, nommée par Jacques Chirac en 2002, et Sylvie Goulard, nommée par M. Macron mais restée seulement quelques semaines en poste en 2017.

Mais contrairement à ce qu'il avait laissé entendre lors de la précédente campagne présidentielle, le 8 mars 2017 lors d'un débat au Théâtre Antoine organisé le jour de la Journée internationale du droit des femmes, Emmanuel Macron n'a pas nommé de femme Premier ministre. L'unique cheffe du gouvernement de l'histoire de la République française reste à ce jour Edith Cresson, nommée par François Mitterrand et restée seulement 10 mois en poste entre 1991 et 1992.

A Matignon, le cabinet de Jean Castex ressemble par ailleurs à celui du président: une seule femme, également cheffe adjointe de cabinet, Lucie Roesch, sur neuf membres.

Dans l'administration, en revanche, Emmanuel Macron, comme il l'a rappelé sur LCI, a nommé pour la première fois une femme au poste stratégique de secrétaire général du gouvernement, Claire Landais, en 2020. Et sous son quinquennat, la féminisation du corps préfectoral s'est également sensiblement accélérée. "Nous avons nommé plus de femmes à des postes de très haute responsabilité dans notre administration qu'aucun autre gouvernement auparavant", a plaidé, fin janvier, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.

Mais au sommet des institutions, il reste du chemin à parcourir. Aucune femme n'a jamais été élue présidente de l'Assemblée nationale, ni présidente du Sénat. Quant à la présidentielle, en huit élections au suffrage universel direct, seules deux femmes ont atteint le second tour pour y être battues: Ségolène Royal face à Nicolas Sarkozy en 2007, et Marine Le Pen face à Emmanuel Macron en 2017.

En 2022, quatre femmes concourent à l'Elysée --Nathalie Arthaud, Anne Hidalgo, Marine Le Pen et Valérie Pécresse--, sur douze candidats.

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